Parution de l’ordonnance du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis
La loi ELAN du 23 novembre 2018 comporte plusieurs retouches du droit de la copropriété (voir 25 Millions de Propriétaires, déc. 2018, p. 20 et 25 Millions de Propriétaires, sept. 2019, p. 29 sur le décret d’application du 27 juin 2019 ; cliquez ici pour vous abonner). Mais elle a surtout habilité le Gouvernement à réformer largement le régime des copropriétés (qui relève normalement de la loi). S’il est question de créer un « Code de la copropriété » (dans une future ordonnance), il a été laissé au Gouvernement un délai de douze mois pour « améliorer la gestion des immeubles et (…) prévenir les contentieux ». Il s’agit de « redéfinir le champ d'application et adapter les dispositions de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis au regard des caractéristiques des immeubles, de leur destination et de la taille de la copropriété (…), clarifier, moderniser, simplifier et adapter les règles d'organisation et de gouvernance de la copropriété » (article 215).
L’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis vient d’être publiée au JO du 31 octobre 2019. Elle intervient après une phase de concertation lors de laquelle l’UNPI a pu défendre ses points de vue auprès de la Direction des affaires civiles et du Sceau, en charge de l’élaboration du texte.
Sauf exceptions, l’ordonnance entrera en vigueur le 1er juin 2020. Néanmoins, « un projet de loi de ratification [devra être] déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de [l’] ordonnance » (article 215). Par ailleurs, plusieurs décrets d’application devront être publiés d’ici-là.
Parmi les modifications les plus importantes, on peut citer celles concernant le champ d’application de la loi du 10 juillet 1965 sur le statut de la copropriété. Dorénavant, les immeubles à usage total autre que d’habitation pourront adopter un autre statut que celui de la copropriété. Pour ces immeubles, les copropriétaires peuvent abandonner le régime de la copropriété par un vote à l’unanimité.
La loi de 1965 est par ailleurs adaptée pour les petites copropriétés et les copropriétés à deux personnes. Les petites copropriétés (copropriétés comportant cinq lots au plus ou dont le budget prévisionnel moyen est inférieur à 15.000 € sur trois ans) n’auront plus l’obligation de constituer un conseil syndical et de tenir une compatibilité en partie double. Par ailleurs, les copropriétaires pourront adopter à l’unanimité une décision sans avoir à réunir formellement une assemblée générale (une assemblée annuelle reste obligatoire pour valider les comptes).
Concernant les copropriétés à deux personnes, une dizaine d’articles nouveaux visent à résoudre les situations de blocage. La règle générale de réduction des voix du copropriétaire majoritaire (ses voix sont ramenées à la somme des voix des autres copropriétaires) est systématiquement exclue pour toute décision relevant de la majorité simple ou pour la désignation du syndic. Comme en matière d’indivision, le copropriétaire détenant au moins les deux tiers de voix pourra prendre seul les décisions normalement soumise à la majorité absolue. Enfin, quel que soit le nombre de voix dont il dispose, chaque copropriétaire pourra seul décider d’engager des travaux de conservation, même non urgents. Dans tous ces cas, le copropriétaire pourra même se passer d’assemblée générale, à charge pour lui de notifier les décisions prises (sous peine d’inopposabilité à l’autre copropriétaire). Plus généralement, le formalisme des assemblée générales est largement écarté pour les copropriétés à deux personnes.
Concernant le fonctionnement des copropriétés, l’ordonnance tend à renforcer les pouvoirs du conseil syndical (qui peut désormais être habilité par l’assemblée général à décider seul de travaux relevant de la majorité simple, dans la limite d’un montant à définir), facilite le jeu des « passerelles » entre les différentes majorités, confirme la possibilité de voter par correspondance (un décret d’application est toutefois nécessaire) ou clarifie à nouveau le régime de la résiliation du contrat de syndic.
Si de nombreuses dispositions de l’ordonnance visent à faciliter la prise de décision et la réalisation de travaux (notamment les travaux d’intérêt collectif dans les parties privatives), il est notable que, par rapport à la version initiale de l’ordonnance, a été abandonnée l’obligation d’établir un plan pluriannuel de travaux pour les immeubles à usage total ou partiel d'habitation de plus de 15 ans. L’UNPI dénonçait en effet le surcoût représenté par cette obligation alors que les copropriétés peinent déjà à financer les travaux nécessaires et le fonds travaux. L’UNPI a également obtenu que ne soit pas supprimé, comme cela était prévu dans le projet initial, la faculté de déroger au fonds travaux dans les copropriétés de moins de dix lots.
Nous reviendrons en détails sur cette importante ordonnance dans un tout prochain hors-série du magazine 25 Millions de Propriétaires (à paraitre en décembre 2019).