(Loi) Engagement dans la vie locale & proximité de l'action publique

Points clefs

1. Amendes administratives : nouveaux pouvoirs des maires
Les maires (ou présidents d’intercommunalités compétentes) se voient conférer le pouvoir de prononcer des amendes administratives et des astreintes dans de nouveaux domaines (urbanisme, entretien des arbres, débroussaillage, établissements recevant du public, etc.).

2. Commerce Vsus Meublé de tourisme
Les maires peuvent désormais soumettre à autorisation le changement d’usage d’un commerce vers un meublé de tourisme. 

La loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique est parue au JO du 28 décembre 2019. Sauf exceptions, elle est applicable dès le 29 décembre 2019.

Parmi plusieurs titres destinés à « conforter chaque maire dans son intercommunalité », à « simplifier le fonctionnement du conseil municipal » ou à « renforcer les droits des élus », son titre III est consacré à « renforcer les pouvoirs de police du maire ». Les maires et/ou présidents d’intercommunalités se voient ainsi dotés du pouvoir de prononcer des amendes ou des astreintes dans de nouveaux domaines touchant à l’immobilier (I).

Le titre III contient également deux séries de dispositions qui concernent plus spécifiquement les locations touristiques (II) et les troubles anormaux du voisinage (III).

I. Nouveaux pouvoirs du maire :
Amendes/astreintes dans des domaines liés à l’immobilier :

Urbanisme :

Les pouvoirs du maire sont sensiblement renforcés en matière d’urbanisme.

Dorénavant, en cas de construction irrégulière, et indépendamment des poursuites pénales possibles, le maire (ou le président d’une intercommunalité compétente) peut mettre en demeure le maitre d’ouvrage de mettre en conformité sa construction ou de déposer une demande de permis/une déclaration préalable valant régularisation. L’intéressé doit au préalable être invité à présenter ses observations.

Sans même qu’un juge soit saisi, la mise en demeure peut être assortie d’une astreinte de 500 € maximum par jour de retard, le montant total des sommes dues ne pouvant excéder 25.000 €.

Le maire peut même, lorsque la mise en demeure est restée infructueuse à l’issue du délai imparti, « obliger l'intéressé à consigner entre les mains d'un comptable public une somme équivalant au montant des travaux à réaliser, laquelle sera restituée à l'intéressé au fur et à mesure de l'exécution des mesures prescrites » (article L.481-3 du Code de l’urbanisme, créé par l’article 48 de la loi du 27 décembre 2019).

Le maître d’ouvrage peut bien sûr contester les mesures du maire devant le tribunal administratif. Mais le nouveau texte prévoit que l’opposition à la consignation précitée « n’a pas de caractère suspensif ».

Elagage des arbres, débroussaillage, encombrants… :

Dans le cadre de la réglementation liée au risque d’incendie, le maire peut désormais assortir les mises en demeure de débroussailler d’une astreinte de 100 € maximum par jour de retard, le montant total des astreintes étant plafonné à 5.000 € (article L.134-9 du Code forestier, modifié par l’article 52 de la loi du 27 décembre 2019).

De même, le maire peut désormais infliger une amende administrative de 500 € maximum pour les auteurs de « tout manquement à un arrêté du maire présentant un risque pour la sécurité des personnes et ayant un caractère répétitif ou continu (…) en matière d'élagage et d'entretien des arbres et des haies donnant sur la voie ou le domaine public », s’agissant de dépôts sauvages ou d’encombrants, d’occupation illégale du domaine public, etc[1].

Cela suppose au préalable un procès-verbal d’infraction dressé par un officier de police judiciaire (le maire ou ses adjoints, les officiers de police ou de gendarmerie, etc.), un agent de police judiciaire (agents de police par exemple), ou un agent de police judiciaire adjoint (par exemple un agent de police municipale), puis une notification du maire d’avoir à remédier au manquement reproché (le contrevenant est appelé à présenter ses observations, au besoin avec l’aide d’un conseil, dans un délai de dix jours). A défaut de réaction, une mise en demeure d’avoir à prendre les mesures qui s’imposent sous dix jours est adressée. C’est à l’issue de ce nouveau délai qu’une amende peut être infligée (article L.2212-2-1 du Code général des collectivités territoriales, rétabli par l’article 53 de la loi du 27 décembre 2019).

Normes incendie des établissements recevant du public :

 Jusqu’ici, le fait pour le propriétaire ou l'exploitant d’un ERP de ne pas se conformer à un arrêté de fermeture pour infraction aux règles de sécurité ne pouvait donner lieu qu’à une amende de 3.750 euros (article L.123-4 du Code de la construction et de l’habitation).

Désormais, le maire peut assortir la fermeture administrative d’une astreinte de 500 € maximum par jour. De plus, en parallèle ou non d’une astreinte, le maire peut faire procéder d’office à la fermeture de l’établissement, ceci aux frais du propriétaire ou de l’exploitant.

Toutefois, le maire devra dorénavant faire précéder tout arrêté de fermeture d’une mise en demeure préalable (une mise en demeure préalable est aussi requise avant de procéder à une fermeture d’office).

Par ailleurs, le montant de l’amende (pénale cette fois) sanctionnant le fait de ne pas se conformer à l’arrêté de fermeture est relevé à 10.000 € (article 44 de la loi du 27 décembre 2019).

II. Locations touristiques :
Renforcement des obligations de communication des plateformes & nouveau contrôle possible sur les commerces transformés

La réglementation des changements d’usage applicable aux meublés de tourisme est une fois encore modifiée

L’obligation pour les plateformes de répondre aux demandes d’information des communes ayant imposé une procédure de télédéclaration des meublés est renforcée.

Désormais, « dans les communes ayant mis en œuvre la procédure d'enregistrement mentionnée au III de l'article L. 324-1-1 [télédéclaration des meublés de tourisme avec numéro d’enregistrement], la commune peut, jusqu'au 31 décembre de l'année suivant celle au cours de laquelle un meublé de tourisme a été mis en location, demander à la personne mentionnée au I du présent article, lorsque celle-ci en a connaissance, notamment lorsqu'elle met à disposition une plateforme numérique de nature à lui conférer la connaissance ou le contrôle des données stockées, de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé de tourisme a fait l'objet d'une location par son intermédiaire. La personne mentionnée au même I transmet ces informations dans un délai d'un mois, en rappelant le nom du loueur, l'adresse du meublé et son numéro de déclaration ainsi que, le cas échéant, le fait que ce meublé constitue ou non la résidence principale du loueur au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986. La commune peut demander un décompte individualisé pour une liste de meublés de tourisme dans un périmètre donné les meublés de tourisme situés sur tout ou partie de son territoire » (article L.324-2-1 du Code du tourisme, ajouts issus de l’article 55 de la loi du 27 décembre 2019 en gras).

La partie réglementaire du Code du tourisme devra encore être amendée pour tenir compte de ces nouveaux changements. Elle a pourtant déjà été mise à jour il y a moins de trois mois (voir notre circulaire du 25 novembre 2019 sur le décret n°2019-1104 du 30 octobre 2019).

  • Toute offre de location saisonnière devra désormais indiquer « si l'offre émane d'un particulier ou d'un professionnel au sens de l'article 155 du code général des impôts ». Cette nouvelle obligation doit cependant être précisée par décret (article L.324-2 du Code du tourisme, modifié par l’article 55 de la loi du 27 décembre 2019.
  • L’article 55, III de la loi du 27 décembre 2019 introduit la possibilité pour les communes de réglementer le changement d’usage d’un ancien commerce pour exploiter un meublé de tourisme.

Si la règlementation des changements d’usage empêche dans de plus en plus de villes de transformer un logement en meublé de tourisme, le propriétaire d’un local commercial pouvait jusqu’ici librement y exploiter un meublé de tourisme (activité toujours considérée comme commerciale du point de vue de la règlementation des changements d’usage).

Par exception, seule une autorisation d’urbanisme peut être requise (lorsque la location projetée n’est pas considérée comme commerciale du point de vue du droit de l’urbanisme ; voir ci-après).

L’article 55, III, issu un amendement parlementaire lui-même profondément remanié en commission mixte paritaire, énonce désormais que dans les communes ayant instauré la télédéclaration des meublés de tourisme, « une délibération du conseil municipal peut soumettre à autorisation la location d'un local à usage commercial en tant que meublé de tourisme » (article L.324-1-1, IV bis nouveau du Code de la construction et de l’habitation).

Des villes comme Paris ou Bordeaux vont certainement imposer ce type d’autorisation pour enrayer la transformation de commerces en meublés de tourisme.

La loi précise que l’« autorisation est délivrée au regard des objectifs de protection de l'environnement urbain et d'équilibre entre emploi, habitat, commerces et services, par le maire de la commune dans laquelle est situé le local ».

Logiquement, la loi précise également qu’une telle autorisation n’est plus nécessaire si, par exception, la transformation d’un ancien commerce en meublé de tourisme a déjà nécessité une autorisation d’urbanisme (c’est en principe le cas si la transformation a donné lieu à des travaux sur les structures porteuses ou la façade, ou bien si la location touristique, faute de s’accompagner de prestations commerciales annexes en nombre suffisant – nettoyage des locaux, fourniture du petit déjeuner, etc. – n’est pas considérée comme commerciale du point de vue du droit de l’urbanisme)[2].  

Un décret d’application est nécessaire. Mais la loi montre d’ores et déjà les griffes : « toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du IV bis est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 25 000 € ».

III. Troubles anormaux de voisinage :
Le principe de pré-occupation individuelle bénéficie aussi aux activités touristiques et culturelles

En matière de troubles anormaux de voisinage, le Code de la construction et de l’habitation défend un principe de pré-occupation individuelle : il n’est en général pas possible de se plaindre de nuisances lorsqu’on s’installe près d’un centre d’activité existant et potentiellement gênant, dès lors que ce voisin respecte la règlementation en vigueur.

L’article 46 de la loi étend le principe de pré-occupation individuelle aux activités touristiques et culturelles. Désormais, « les dommages causés aux occupants d'un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales, touristiques, culturelles ou aéronautiques, n'entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l'acte authentique constatant l'aliénation ou la prise de bail établi postérieurement à l'existence des activités les occasionnant dès lors que ces activités s'exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu'elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions » (article L.112-16 du CCH modifié, ajouts en gras).

Frédéric Zumbiehl • Juriste UNPI


[1] A noter que les SDF sont épargnés (« Ne peut faire l'objet de l'amende administrative prévue au premier alinéa du I le fait pour toute personne d'avoir installé sur la voie ou le domaine public les objets nécessaires à la satisfaction de ses besoins élémentaires »).

[2] La règlementation est sur ce point éminemment complexe… L’UNPI appelle à une importante simplification des règles applicables.