Parmi plusieurs moyens de défense, elle invoque devant la cour d’appel les principes de la Convention européenne des droits de l’Homme : « la démolition de son ouvrage entraînerait une atteinte manifestement disproportionnée à son droit de propriété, par rapport à l'intérêt du syndicat des copropriétaires, contraire à l'article 1er, 1er protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'Homme ». Elle invoque aussi une « atteinte à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales protégeant le droit à la vie privée, familiale et au domicile ».
Dans la même veine, elle se prévaut du nouvel article 1221 du Code civil (issu de l’ordonnance portant réforme du droit des contrats du 10 février 2016).
Cet article énonce que « le créancier d'une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l'exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s'il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier ». Comme l’indique la Cour d’appel de Nancy, ce nouvel article soumet désormais « l'exécution forcée des obligations contractuelles à un contrôle de la proportionnalité entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier ».
Néanmoins, la Cour d’appel de Nancy rejette en bloc ces arguments : « il ne peut être allégué une atteinte au droit de propriété de Mme K., ni une atteinte à sa vie privée et à son domicile, puisqu'il ne s'agit en l'espèce que de replacer son bien dans l'état dans lequel elle l'a acquis. Elle conserverait ainsi son appartement, constituant son domicile, et ne se verrait privée que d'une véranda, d'une terrasse et d'un mur construits sans autorisation et empiétant pour le dernier sur les parties communes de la copropriété.
Quant à l'appréciation de la proportionnalité, Mme K. ne peut sérieusement soutenir que la copropriété et les autres copropriétaires ne subissent aucun préjudice du fait des constructions qu'elle a réalisées sans autorisation. Comme indiqué ci-dessus, ces travaux n'ont pas été réalisés par des professionnels de la construction, ne sont pas couverts par une assurance, ont pour effet une réduction significative de l'accès à son logement du deuxième étage pour l'un des copropriétaires et peuvent constituer un risque pour l'extension du rez-de-chaussée, tant concernant le poids de la construction ajoutée que s'agissant de l'étanchéité ».
La copropriétaire est donc condamnée à « procéder à la démolition des travaux concernant la véranda, la terrasse, ainsi que le mur entourant sa porte d'entrée, et à réaliser la remise en état antérieur du bien » (Cour d'appel, Nancy, 1re chambre civile, 3 Décembre 2019 – n° 18/02609).
Cette décision parait assez logique. Quels que soient les travaux en cause, il n’est pas acceptable qu’un copropriétaire touche aux parties communes ou à l’aspect de l’immeuble sans solliciter aucune autorisation en assemblée. Si un tel copropriétaire craint un refus d’autorisation abusif en assemblée générale, il lui appartient de solliciter une autorisation judiciaire.
Cette décision pourrait néanmoins faire l’objet d’un pourvoi. Par ailleurs, la solution aurait pu être différente s’agissant de travaux moins importants et mieux réalisés… Il est certain, en tous les cas, que la diffusion du principe de proportionnalité en droit français donnera lieu à de nombreux débats !
Frédéric Zumbiehl • Juriste UNPI