Habitat indigne : nouvelles règles pour 2021

C'est avec l'année nouvelle qu'est entrée en vigueur la réforme de la police des immeubles sur l'habitat indigne. Les textes, qui ré­sultent de l'ordonnance du 16 septembre 2020[1] et d'un décret du 24 décembre 2020[2], avaient été program­més par la loi Elan de 2018[3]

 

L'objectif était de simplifier ces procédures qui sont di­verses, afin de les rendre plus efficaces, notamment en met­tant l'accent sur leur gestion intercommunale. En effet, il existe de multiples pouvoirs de police visant à lutter con­tre l'habitat indigne (notion définie par l'article 1-1 de la loi du 31 mai 1990), mais qui sont dispersés dans le Code de la construction et de l'habitation (CCH) et le Code de la santé publique (CSP). 

En remplacement de 5 polices du CCH et de 7 polices du CSP, se substitue une police unique « de la sécurité et de la salubrité des immeubles, locaux et installations[4] ». Son but est de protéger la sécurité et la santé des personnes. Concrètement, elle vise à remédier aux dangers résul­tant des risques de solidité des murs, du fonctionnement défectueux des équipements d'un immeuble, de l'entreposage de matières explosives ou in­flammables ou de l'insalubrité (art. L 511-2 du CCH)[5]

Elle relève du maire (ou du prési­dent de l'EPCI) quand la sécurité des personnes est en jeu et du préfet en cas de danger pour la santé des personnes (insalubrité). Nous présentons ici les étapes de la procédure, avant de préciser notamment le cas des copro­priétés et des baux d'habitation.

Le déroulé de la procédure

Les grandes étapes de la procé­dure sont désormais les suivantes.

Le congé du bailleur suspendu

L'ordonnance modifie l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 sur le congé du bailleur. La faculté pour le bailleur de donner congé à son locataire en fin de bail, et la durée du bail sont suspendues lors de l'intervention des procédures de police. L'article 15 en vigueur jusqu'au 1er janvier 2021 prévoyait cette suspension 
- lors de la réception de l'avis de tenue de réunion de la CODERST (commission départementale compétente en matière d'envi­ronnement, de risques sanitaires et technologiques) notifié par le préfet,
-  lors de l'engagement par le maire de la procédure contradictoire relative au bâtiment menaçant ruine.
Désormais, puisque les procé­dures sont regroupées, la sus­pension est prévue à compter de l'engagement de la procédure contradictoire de l'article L 511-10 du CCH. Comme dans la procédure pré­cédente, la suspension est levée à l'issue du délai maximal de 6 mois à compter de la réception du courrier de l'administration ayant engagé une procédure contradictoire, faute de notifi­cation d'un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'in­salubrité. Quand l'administration a notifié l'arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité, il est fait application des règles de protection des occupants (art. L 521-1 et L 521-2 du CCH).

Copropriété

Les nouveaux textes prennent en compte la situation des im­meubles en copropriété à divers stades. En cas d'astreinte applicable à chaque lot, le syndic doit prévenir les copropriétaires qu'une astreinte a été notifiée au syndicat (art. 24-8). L'article renvoie désormais au nouvel article L 511-15 et non plus à divers articles du CCH et du Code de la santé publique. Lorsque l'arrêté concerne les parties communes, la notifica­tion est faite au syndicat, pris en la personne du syndic, qui en informe les copropriétaires immédiatement. Le syndic a un délai d'au moins deux mois pour répondre (art. R 511-10). L'article L 511-15 nouveau du CCH prévoit la faculté d'im­poser au propriétaire une astreinte mais, pour la co­propriété, il renvoie à l'article L 543-1. 
Si l'arrêté vise les parties com­munes de l'immeuble, il pré­cise qu'à défaut de réalisation des travaux prescrits, les co­propriétaires sont redevables de l'astreinte. 

Si la défaillance résulte de l'ab­sence de décision du syndicat, !'astreinte est recouvrée auprès de chacun des copropriétaires. En revanche, si le syndic atteste que la défaillance est imputable au défaut de paiement des ap­pels de fonds par certains co­propriétaires, l'administration notifie le montant de !'astreinte à chacun des copropriétaires défaillants (art. L543-1). Le décret précise ce qu'il Faut entendre par copropriétaire défaillant. Il s'agit de ceux qui, après avoir été mis en demeure par le syndic, n'ont pas répon­du ou n'ont répondu que par­tiellement aux appels de Fonds visant à financer les travaux prescrits, dans un délai de 15 jours (art. R 511-11). L'administration dispose alors d'un délai d'un mois pour se substituer aux coproprié­taires défaillants. Elle notifie sa décision au syndicat et aux copropriétaires défaillants. Lorsque l'administration se substitue aux défaillants, elle émet un titre de recouvrement auprès de chaque copropriétaire pour la Fraction lui incombant. Si la défaillance ne résulte que de certains copropriétaires, elle adresse le titre à l'encontre de ces seuls copropriétaires. 

La créance est majorée d'intérêts moratoires au taux légal (art. L 511-17). Mesures d'urgence Pour la procédure d'urgence (art. L 511-19) qui est mobilisable en cas de danger, l'arrêté est pris sans procédure contradictoire préalable. Il ordonne les travaux permettant d'écarter le danger. Il n'y a plus d'obligation d'obtenir un rapport d'expert. Si l'expert est désigné, il se prononce dans les 24 heures. Le maire peut uti­liser cette procédure qui per­met d'intervenir dans la journée. Auparavant, il devait recourir à sa compétence de police générale qui ne permet pas de lancer le recouvrement des Frais engagés par la commune et qui n'entraîne pas l'application du régime de protection des occupants. 

Subventions de l'Anah

Pour tenir compte des modifi­cations de texte, l'article R321-12 qui fixe les conditions d'aides de l'Anah est modifié mais il n'en résulte pas de changement de Fond.

Dispositions pénales et de transfert de compétences

Les sanctions pénales sont prévues à l'article L 511-22. Elles ne sont pas modifiées. Enfin, les règles de transfert de compétences entre les com­munes et les établissements de coopération intercommunale sont modifiées afin de Faciliter le transfert aux EPCI. ``

Entrée en vigueur

Les nouveaux textes sont entrés en vigueur le 1"' janvier 2021. Toutefois, les arrêtés qui ont été notifiés avant le 1"' janvier, restent régis par les textes antérieurs. 
Comme toute ordonnance, celle du 16 septembre doit faire l'objet d'une loi de ratification. Le projet de loi de ratification a été déposé au Sénat le 2 décembre 2020. 

par Bertrand Desjuzeur • Journaliste
25 Millions de propriétaires - N°549 - mars 2021

 

[1] Ordonnance n° 2020- 1144 du 16 septembre 2020 relative à l'harmo­nisation et à la simplifi­cation des polices des immeubles, locaux et installations.
[2] Décret n• 2020-1711 du 24 décembre 2020.
[3] Art. 198 de la loi du 23 novembre 2018.
[4] Restent autonomes la police de sécurité des établissements recevant du public (art. L 123-1 et suiv. du CCH) et de danger ponctuel imminent pour la santé publique (art. L 1311-4 du CSP) et la police générale du maire (art. L 2212-2 du CGCT).
[5] Les articles cités sont, sauf mention contraire, ceux du code de la construction et de l'habitation. 
[6] Agence régionale de santé. 
[7] Avis possible du CODERST pour l'insalubrité. ``
[8] Le délai est réduit à 15 jours pour des locaux impropres à l'habitation (art. L511-8), mais porté à 2 mois pour le syndic qui répond au nom du syndicat des copropriétaires (art. R 511-10).