Le bail réel solidaire démocratise l’accession à la propriété dans les zones en tension

OPPORTUNITÉ — Un foncier hors de prix, des coûts de construction qui augmentent chaque année et une pression immobilière qui n’en finit pas, certains ménages peinent à accéder à la propriété de leur résidence principale. Le bail réel solidaire apparaît comme LA solution. Décryptage.

C’est bel et bien une nouvelle formule d’accession à la propriété, le bail réel solidaire (BRS) permet à certains ménages sous conditions de ressources de devenir propriétaires dans des métropoles où le foncier est réputé cher. Comment ? Le principe du BRS est de dissocier le foncier du bâti et de ne devenir propriétaire que du bâti. La part foncière, elle, est portée par un organisme agréé et louée au propriétaire pour un bail de (très) longue durée. Autrement dit, vous serez propriétaire du logement mais pas de la part de foncier auquel il est associé. Ce dispositif a été amorcé par la loi ALUR de 2014, et officiellement lancé avec l’ordonnance du 20 juillet 2016. On crée des organismes de foncier solidaire (OFS, qu’est-ce que c’est, lire par ailleurs), seules entités habilitées à acheter le foncier (bâti ou non) en vue de réaliser des logements en BRS, et uniquement en BRS. L’innovation juridique du dispositif tient au renouvellement de la durée de bail à chaque cession des droits réels attachés au bâti (vente du bien) sous réserve que le nouvel acquéreur remplisse aussi les conditions de ressources exigées pour bénéficier du BRS. Le côté solidaire de ce dispositif.

Le BRS, pour qui ?

Ces biens sont acces- sibles sous conditions de ressources par zone. le plafond de ressources pour un couple est de 46 759 euros en zone A (agglomération pari- sienne, Côte d’Azur…), de 33 761 euros en zones B et C (la zone B1 correspond aux agglomérations de plus de 250 000 habitants, le pourtour azuréen, pourtour Île-de-France, l’Outre-mer, la Corse.

Achat des murs, pas du foncier

L’acquéreur, désigné « preneur », signe un contrat avec un OFS : Il achète les murs et lui paie une redevance mensuelle ou annuelle qui correspond à la « location » du foncier. Le montant de cette redevance n’est pas encadré juridiquement, il est pour l’heure librement fixé par l’OFS en fonction de différents critères. Cependant ce loyer reste très faible pour conserver le caractère social du dispositif (2 euros/m2/mois, ou bien moins ou bien 4 euros, tout dépend). Au total, notez que les prix de vente des logements en en BRS sont inférieurs de 25 à 40 % du prix du marché.

Pour qui ?

Ces biens sont accessibles sous conditions de ressources par zone. Par exemple le plafond de ressources pour un couple est de 46 759 euros en zone A (agglomération parisienne, Côte d’Azur…), de 33 761 euros en zones B et C (la zone B1 correspond aux agglomérations de plus de 250 000 habitants, le pourtour azuréen, pourtour Île-de-France, l’Outre-mer, la Corse… ; la zone B2 aux agglomérations de plus de 50 000 habitants, les communes en zone littorale, et la zone C au reste de la France). Officiellement lancé en 2016, les logements en bail réel solidaire commencent à sortir de terre en 2017-2018 et le dispositif se démocratise petit à petit. Conçu pour faciliter l’accession à la propriété des classes moyennes, ces logements poussent dans les grandes agglomérations, où la pression immobilière est forte et donc où le BRS est d’autant plus attractif. Norbert Fanchon, président du groupe Gambetta, promoteur privé et également organisme foncier solidaire, tempère cette évidence : « le BRS permet de sortir nombre de personnes du locatif social, d’être propriétaires, c’est un bon produit, bien pensé. Du côté des communes, nous sommes encore en phase d’apprentissage de sa mise en œuvre. » Les avantages sont pourtant nom- breux. Depuis le 1er janvier 2019, le BRS entre dans le quota de logements sociaux imposé par la loi SRU en son article 55, les preneurs bénéficient d’une TVA à 5,5 % si le logement est neuf, ils ont accès au PTZ (prêt à taux zéro) pour l’acquisition, ont droit à un abattement de taxe foncière (suivant la collectivité) qui peut aller de 30 % à 100 %, etc.

Le principe du BRS est de dissocier le foncier du bâti et de ne devenir propriétaire que du bâti. La part foncière, elle, est portée par un organisme agréé et louée au propriétaire pour un bail de (très) longue durée

Et à la revente ?

Des avantages non négligeables, donc, avec un autre point fort à souligner : vous êtes certain de pouvoir revendre votre bien. Pour vendre le bien, il faut prendre contact avec l’OFS qui procède à une évaluation du logement en fonction de son état (l’indice Insee des notaires sert de base). La plus-value sera cependant limitée pour permettre aux futurs acquéreurs de bénéficier aussi du tarif attractif du logement. Si au bout d’un an vous n’avez pas trouvé d’acheteur, l’OFS s’engage à racheter le bien.

Un montage juridique intéressant, encore en construction, pour le bail réel solidaire qui poursuit sa mission de lutter contre la logique spéculative du marché afin de rendre possible l’accession à la propriété des classes moyennes et modestes dans les grandes agglomérations.

CERCLE VERTUEUX : Un OFS qu’est-ce que c’est ?

Un organisme de foncier solidaire est une structure de droit privé ou public à but non lucratif agréée par l’État via le Préfet. Défini à l’article L.329-1 du Code de l’urbanisme, son principal objectif est de développer l’accession sociale à la propriété, notamment dans les zones géographiques qui subissent une pression immobilière forte. Bailleurs sociaux, collectivités, promoteurs privés peuvent créer leur OFS.

Il en existe plus de 110 en France, répertoriés sur le site Foncier solidaire France. Ces seuls organismes sont habilités à acheter des terrains ou des immeubles destinés exclusivement à des ventes en bail réel solidaire. À chaque opération que l’opérateur (social ou privé) va réaliser en BRS, il devra reverser à l’OFS à peu près 10 % du prix du foncier. L’OFS encaisse aussi les redevances annuelles payables par le preneur (en plus de son crédit d’achat). Le montant de ces redevances est fixé librement mais doit conserver le caractère social du dispositif. Cela peut être de 0,50 euro à 4 euros par m2 par mois.

Finalement, il y a un cercle vertueux qui se crée car avec les montants perçus, l’OFS pourra investir dans d’autres fonciers et ainsi permettre de faire bénéficier d’autres ménages de ce type d’accession à la propriété.

Trois questions à Norbert Fanchon, Président du groupe Gambetta

Le BRS pour vous : bon ou mauvais produit ?

C’est un produit en lequel je crois. Ça a été initié par la loi ALUR mais ce n’est vraiment opérationnel que depuis 2017-2018. Le groupe Gambetta a créé le 6e OFS de France. Dans le Sud, nous avons quatre opérations en cours en BRS dont une livrée à Cannes. Nous avons une position de leader sur ce produit. Il est vrai que nous n’avons pas vraiment de recul mais c’est un produit équitable. S’il n’a pas son intérêt dans toutes les zones, il a été principalement conçu pour les grandes métropoles où le foncier est hors de prix, pour faciliter l’accès à la propriété des classes moyennes. Un foncier cher, ça donne des logements très chers, on le sait surtout à Paris, sur la Côte d’Azur, a fortiori en ces temps où les coûts de construction s’envolent. Pour moi c’est le dispositif parfait. On permet à nombre de personnes de sortir du locatif social.

 

Le dispositif est bien conçu. Les OFS d’un côté pour acheter et conserver le foncier, les acteurs du BRS de l’autre pour vendre le bâti, une redevance pour que les OFS puissent encore acheter des fonciers, ainsi de suite.

Est-ce que le bail réel et solidaire se vend plus facilement qu’un logement classique ?

Au total, nous devons avoir quelque 250 logements en BRS signés en France. Est-ce que la commercialisation est plus rapide ? Je dirais, pas vraiment. Déjà c’est un produit qu’il faut vendre aux maires. Les documents d’urbanisme ne prévoient pas ce genre de montage et ce n’est que depuis 2019 que l’on peut les mettre dans la case « logements sociaux ». Partant de là, certains maires n’en veulent pas sur leur commune.

D’autres au contraire sont très ouverts. Vous avez des communes carencées en logements sociaux qui en prennent, d’autres n’en veulent pas. Et pourtant, les besoins sont présents. Dans des zones en tension, on arrive à sortir des produits à moins 30 % par rapport au prix du marché.

C’est très bien mais parfois ça reste cher comme à Paris, à Nice ou à Marseille. Les dossiers de preneurs nous parviennent cependant, avec des profils de personnes retraitées ou familles monoparentales. À Rennes ou Nantes, la commercialisation a été aisée par exemple.

Des freins à son développement ?

Le dispositif est bien conçu. Les OFS d’un côté pour acheter et conserver le foncier, les acteurs du BRS de l’autre pour vendre le bâti, une rede- vance pour que les OFS puissent encore acheter des fonciers, ainsi de suite. Les acquéreurs de classe moyenne peuvent se constituer un patrimoine immobilier sur une résidence principale, il y a une quasi-absence de plus-value lorsque le bien retourne à la vente pour que son tarif soit encore attractif, etc. c’est bien pensé. Ce qui pêche à mon sens c’est qu’il n’y a pas, ou peu, de culture de l’aménagement urbain. Quelle population, quels besoins, quelles infrastructures, quelles contraintes techniques, environnementales, etc. Tout ceci doit être pris en compte en même temps. On voit que, de plus en plus, le bail réel et solidaire a un véritable intérêt social. Il mériterait une attention plus soutenue.

Par Sam CARABOTT

Source : 25 millions de propriétaires et vous • N°570 février 2023

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