Nouvelles déclarations possibles sur "Gérer mes biens immobiliers"

ÉVOLUTION - L’interface « Gérer mes biens immobiliers », auquel tout contribuable peut accéder via son espace particulier sur le portail impots.gouv.fr, n’a cessé de se voir ajouter de nouvelles fonctionnalités depuis sa création en 2023. Tout récemment, un décret du 4 décembre 2024 a officialisé la possibilité de l’utiliser pour effectuer des déclarations foncières (changements à déclarer pour le calcul des impôts locaux) et modifié le régime des déclarations d’occupations et de loyers. Par Frédéric Zumbiehl, juriste UNPI

 

 

Déclarations foncières en cas de changement (de consistance, d’affectation des biens, etc.) 

 

En principe, pour chaque bien, il revient à  l’administration d’actualiser elle-même le montant des impôts locaux à la suite des changements ayant un impact sur la valeur locative, par exemple en cas de « changements de caractéristiques physiques ou d'environnement » (article 1517 du Code général des impôts). Au besoin, l’administration fiscale peut adresser des imprimés de « mise à jour » à n’importe quel contribuable, qu’il faut alors obligatoirement remplir et renvoyer (article 1406, I bis du CGI). Néanmoins, certains changements doivent être déclarés spontanément par les redevables. Ainsi, « les constructions nouvelles, ainsi que les changements de consistance ou d'affectation des propriétés bâties et non bâties, sont portés par les propriétaires à la connaissance de l'administration, dans les quatre-vingt-dix jours de leur réalisation définitive et selon les modalités fixées par décret. Il en est de même pour les changements d'utilisation des » locaux professionnels (article 1406, I du CGI). 

Jusqu’ici, ces changements devaient être « déclarés par les propriétaires sur des imprimés conformes à des modèles établis par l'administration » (article 321 E de l’annexe III du CGI). Il s’agit : 

- pour les constructions nouvelles, de l’imprimé H1 (maisons individuelles) ou H2 (logements dans un imeuble collectif) ; 

- pour les changements de consistance ou d’affectation, de l’imprimé IL ; 

- pour les constructions et changements concernant les locaux professionnels, de l’imprimé
n° 6660-REV. 

Le décret n°2024-1162 du 4 décembre 2024 est venu modifier l’article 321 E de l’annexe III du CGI pour préciser que, dorénavant, l’ensemble de ces déclarations « peuvent être effectuées par voie électronique par l'intermédiaire du service “ Gérer mes biens immobiliers ”, accessible depuis l'espace sécurisé des propriétaires sur le site impots.gouv.fr ». 

En réalité, le décret du 4 décembre 2024 ne fait que consacrer une pratique. Depuis plusieurs mois les propriétaires étaient déjà invités à déclarer tout changement via le portail « GMBI »[1]. Au point que des commentateurs suggèrent que seules les déclarations par voie électronique sont désormais autorisées, sauf concernant les propriétaires non connectés à internet. C’est oublier, à notre avis, que le décret du 4 décembre a ajouté la possibilité d’utiliser le portail GMBI (lesdites déclarations « peuvent être effectuées par voie électronique ») sans supprimer les dispositions renvoyant aux imprimés classiques. Néanmoins, le plus simple est sans doute d’utiliser l’interface GMBI entre autres parceque, si le changement en cause a donné lieu à une autorisation d’urbanisme et qu’il est nécessaire de remplir une déclaration en vue de régler la taxe d’aménagement, cette dernière déclaration devra de toutes façons – sauf exceptions – être effectuée par voie électronique (article 344 N de l’annexe III du CGI)[2] via… l’interface GMBI. 

En même temps qu’il officialise la pratique des déclarations foncières par voie électronique, le décret du 4 décembre 2024 précise désormais les éléments qui doivent figurer dans toute déclaration de changement (pour mettre à jour les impôts locaux) ou toute déclaration souscrite à la demande de l’administration à propos des impôts locaux. Notons que, en attendant leur mise à jour (pour ajouter les éléments précités), nous ne voyons pas comment il pourrait être reproché à un propriétaire de continuer à utiliser les imprimés papier existants[3].

 

 

Déclarations d’occupation 

 

Depuis 2023, les propriétaires de logement « sont tenus de déclarer à l'administration fiscale, avant le 1er juillet de chaque année, les informations relatives, s'ils s'en réservent la jouissance, à la nature de l'occupation de ces locaux ou, s'ils sont occupés par des tiers, à l'identité du ou des occupants desdits locaux, selon des modalités fixées par décret » (article 1418 du Code général des impôts). C’est d’ailleurs à cette fin que l’interface « Gérer mes biens immobiliers » a été créé, l’article 1418 du CGI imposant que la déclaration d’occupation soit « souscrite par voie électronique » (sauf  pour les propriétaires non équipés d’un accès à internet). 
Alors qu’un décret du 28 avril 2023 a listé les élements à renseigner dans cette déclaration,  le décret n°2024-1162 du 4 décembre 2024 modifie ces élements. Ainsi, la déclaration doit contenir les « informations suivantes :

1° Adresse, nature et surface ;

2° Lorsqu'ils s'en réservent la jouissance : la nature de l'occupation et, le cas échéant, la date de début et de fin de la période de la vacance ;

3° Pour chaque occupant :

a) Les éléments d'identification de l'occupant ;

b) La date de début et de fin d'occupation ;

c) Lorsque l'occupant est un tiers : mode d'occupation et, le cas échéant, type de location, classement du bien en meublé de tourisme, et éléments d'identification du gestionnaire de location ;

4° En cas de vacance du local :

a) Le motif de celle-ci ;

b) S'ils bénéficient ou non de l'exonération mentionnée à l'article 1414 B du code général des impôts[4] ;

5° En cas de location meublée, le numéro SIREN attribué au propriétaire au titre de son activité de loueur en meublé » (article 322 A modifié de l’annexe III du CGI). 

Rappelons que, après la déclaration d’occupation initiale, les propriétaires n’ont l’obligation de souscrire une nouvelle déclaration (au 1er juillet) qu’en cas de changement de situation (article 1418 du CGI). Par ailleurs, à défaut d’un changement de situation, l’admnistration n’évoque aucune obligation de déposer une nouvelle déclaration pour ajouter les informations listées par le décret du 4 décembre 2024 qui n’auraient pas déjà été demandées lors de la déclaration initiale sur GMBI. 

Enfin, notons que le décret du 4 décembre 2024 précise noir sur blanc à quelles fins sont recueillies les informations précitées. Ainsi, la déclaration d’occupation est remplie « à des fins de gestion de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l'habitation principale et de la taxe annuelle sur les logements vacants » (article 322 A de l’anexe III du CGI). 

 

 

Faudra-t-il renseigner les loyers d’ici le 1er juillet 2025 ?

 

Ni l’article 1418 ni l’article 322 A de l’annexe III du CGI (même modifié) n’évoquent une quelconque obligation de renseigner le montant des loyers (en cas de location). Comme nous l’indiquions dans ces colonnes[5], il n’était donc pas obligatoire, juqu’ici, de remplir la rubrique « loyers » ajoutée par l’administration fiscale dans l’interface GMBI. 

Il faut néanmoins tenir compte du fait que, dans le cadre de la révision générale des valeurs locatives à partir des loyers de marché, l’article 146 de la loi de finances pour 2020 prévoit que les propriétaires bailleurs de logements devront renseigner les loyers appliqués. Cette réforme a été repoussée de deux ans par la loi de finances pour 2023. Dans sa version actuelle, l’article 146, VI de la loi de finances pour 2020 énonce que « pour l'exécution de la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation ou servant à l'exercice d'une activité salariée à domicile, les propriétaires (…) [de logements] qui sont donnés en location sont tenus de déclarer à l'administration fiscale, avant le 1er juillet 2025, les informations relatives à chacune de leurs propriétés. Cette déclaration est souscrite par voie électronique, à l'exception des propriétaires personnes physiques dont la résidence principale n'est pas équipée d'un accès à internet ou qui indiquent à l'administration ne pas être en mesure de souscrire cette déclaration par voie électronique. Les modalités d'application du présent VI sont fixées par arrêté des ministres chargés des finances et du budget ». On peut noter, par ailleurs, qu’un arrêté du 4 décembre 2024 (voir notre encadré) indique que la déclaration des loyers « est facultative jusqu'au 31 décembre 2024 ». A contrario, désormais, les propriétaires bailleurs de logements semblent donc devoir renseigner les loyers pratiqués, ceci avant le 1er juillet prochain, et, pour le coup, même en l’absence de changement de situation. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet, d’autant que l’arrêté visé à l’article 146, VI n’a pas encore été publié. 

 

Un arrêté du 4 décembre 2024 récapitule les caractéristiques 
du traitement informatisé « GMBI »

 

Conformément à la réglementation RGPD, un arrêté du 4 décembre 2024 fixe les caractéristiques essentielles du « traitement informatisé de données à caractère personnel dénommé « Gérer mes biens immobiliers » ». Y sont précisés la durée de conservation des données recueillies, les destinataires de ces données, ou encore les droits d’accès et de rectification des personnes dont les données sont recueillies. L’article 2 de l’arrêté du 4 décembre 2024 récapitule par ailleurs les finalités de GMBI. Il confirme, si besoin était, que GMBI peut servir à la fois aux déclarations foncières, aux déclarations d’occupation, aux déclarations de loyer exigées dans le cadre de la révision des valeurs locatives des logements, et à la « déclaration des éléments d'assiette des taxes d'urbanisme » .

 

La Cour des comptes épingle GMBI !

 

Le 23 janvier dernier, la Cour des comptes a publié un rapport intitulé : « « Gérer mes biens immobiliers » Une campagne 2023 chaotique aux très lourdes conséquences financières pour l’État ». La Cour étrille l’impréparation de l’interface au moment de son lancement.  Face aux couacs rencontrés, l’administration a dû faire appel à des renforts (vacataires, prestataires externes) pour un coût exorbitant. De nombreux bugs et les relances tardives de l’administration auprès des propriétaires n’ayant pas encore procédé à la déclaration ont provoqué un « afflux de demandes et de déplacements d’usagers [s’inquiétant de se voir infligés des amendes] dans les centres des impôts dans les derniers jours de juin et les premiers jours de juillet 2023, qui a mis les services de la DGFiP en grande difficulté ». 

Surtout, « en raison notamment de l’incompréhension des contribuables sur ce qui leur était demandé, (…) plus d’un million de contribuables ont été imposés, à tort, à la taxe d’habitation ou à la taxe sur les logements vacants. L’administration a dû consentir des dégrèvements très importants, d’un montant supérieur à 1,3 Md€, équivalent à 34 % du produit de ces taxes en 2023. Conformément aux dispositions du code général des impôts, ces dégrèvements ont été entièrement à la charge de l’État, le produit de ces taxes restant acquis aux collectivités territoriales » (synthèse du rapport de la Cour des comptes). 

 

[2] Dans ce cas, les éléments déclarés en vue de l’établissement de la taxe d’aménagement (voire de la taxe d’archéologie préventive) doivent être « déclarés à l'appui de la déclaration » foncière pour mettre à jour les impôts locaux (article 344 N, II de l’annexe III du CGI). 

[3] L’administration encourageant fortement à effectuer des déclarations par voie électronique, il est possible que ces imprimés ne soient jamais mis à jour.

[4] Exonération de taxe d’habitation (sur les résidences secondaires) pour les personnes nécessitant un séjour de longue durée en EHPAD ou dans un établissement spécialisé mais qui ont conservé la jouissance de leur résidence principale.

[5] voir notre magazine de mars 2023, page 46