Vérification de la solvabilité du locataire par l'agent immobilier

Comme l’énonce l’article 1191 du Code civil, « le mandataire est tenu d'accomplir le mandat tant qu'il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution ».
En particulier, « le mandataire répond (…) des fautes qu'il commet dans sa gestion » (article 1192 du Code civil).

Comme tout mandataire, l’agent immobilier engage donc sa responsabilité contractuelle en cas de faute.
Il n’a qu’une « obligation de moyen » ; il n’est pas responsable du seul fait qu’un dommage est arrivé (par exemple, une situation d’impayés du locataire trouvé par ses soins). Pour engager sa responsabilité, il est nécessaire de démontrer l’existence d’une faute, ne serait-ce que de négligence, ainsi que le lien de causalité entre cette faute et le dommage (voir C.Cass. 1re civ., 24 mai 2005, n° 02-20.137).  

Or, en ce qui concerne les impayés de loyer, il est clairement établi par la jurisprudence qu’un agent immobilier est fautif s’il ne vérifie pas suffisamment la solvabilité du locataire présenté au propriétaire (voir C. Cass. 1re civ., 24 mai 2005, n° 02-20.137).
Il a même été précisé que, dans ce cas, le propriétaire bailleur peut réclamer des dommages-et-intérêts sans avoir à justifier qu’il a tenté d’exécuter une condamnation du locataire à payer ses loyers (décision précitée).

De nombreuses décisions de cours d’appel permettent de cerner quelle est, dans ce cadre, l’étendue des investigations exigées de l’administrateur de biens.

Par exemple, a été engagée la responsabilité d’un mandataire se contentant de recueillir du candidat locataire une déclaration fiscale de plus de trois ans (CA Paris, 6e ch., sect. B, 28 févr. 2001, n° 1999/09770), qui ne demande pas la communication de l'avis d'imposition et les dernières quittances de loyer (CA Paris, 25e ch. A, 13 sept. 2002, n° 1999/14508), ou un justificatif des revenus du locataire – travailleur indépendant (CA Toulouse, 1re ch., 5 avr. 1993).

Une décision rendue par la Cour d’appel de Douai le 8 novembre 2018 est dans la droite ligne de cette jurisprudence.
La Cour a condamné un agent immobilier à payer au propriétaire plus de 20.000 €, correspondant à la majeure partie des impayés de loyer.

En effet, elle a jugé qu’« en s’étant limitée à demander à M. P, candidat à la location, de produire ses trois derniers bulletins de salaire et son avis d’imposition 2011, l’agence immobilière n’a pas sérieusement vérifié la solvabilité réelle du candidat locataire.

Comme l’a relevé le premier juge, l’agence aurait dû demander à M. P  de produire les quittances de loyer de son précédent logement, précaution élémentaire qui lui aurait permis d’apprendre que son précédent propriétaire, Mme G, ne percevait plus de lui le moindre loyer depuis le mois de juillet 2012
 ».

En revanche, elle a jugé que « l’agence immobilière n’était pas fautive de n’avoir procédé à aucune vérification auprès de l’employeur dès lors que le bulletin de salaire du mois de septembre 2013 qui avait été produit par le locataire, argué de faux par M. et Mme H, ne présentait aucune anomalie particulière par rapport aux deux autres bulletins de salaire fournis pour les mois de juillet et août 2013 » (Cour d'appel, Douai, 1re chambre, 1re section, 8 Novembre 2018 - n° 17/04614).

Frédéric ZUMBIEHL • Juriste UNPI