Droit de rétractation des acquéreurs non professionnels

L’article L.271-1 du Code de la construction et de l’habitation prévoit et organise le droit de rétractation de l’acquéreur non professionnel d’un immeuble à usage d’habitation.
Il énonce que cet acquéreur peut se rétracter pendant dix jours à compter de la notification de l’acte de vente ou, le cas échéant, de l’avant-contrat.

Si l’acte est notifié par lettre recommandée avec accusé de réception, la période dix jours est comptée à partir du « lendemain de la première présentation de la lettre ».
Lorsque l’acte est conclu par l’intermédiaire d’un professionnel, il est peut-être notifié par simple remise contre émargement (des mentions prévues par l’article D.271-6 et D.271-7 du CCH doivent être respectées lendemain de la remise de l'acte). Dans ce cas, les dix jours pour se rétracter sont également comptabilisées à compter du « lendemain de la remise de l'acte ».

Dans un arrêt du 21 mars 2019, la Cour de cassation confirme que, en cas d’acquisition conjointe par plusieurs acquéreurs (des personnes mariées par exemple), l’acte doit être notifié à chacun des acquéreurs.

En l’espèce, une promesse de vente de décembre 2012 avait été notifiée à Monsieur D comme à Madame D. Cependant, Monsieur D avait réceptionné les deux recommandés et signé les deux avis de réception.
Six mois plus tard les acquéreurs faisaient part au notaire de leur souhait de ne pas poursuivre la vente.
Les vendeurs les ont assignés en paiement de la clause pénale contenue dans la promesse et indemnisation de leurs préjudicies. Ils ont été déboutés par la cour d’appel, selon laquelle la promesse n’avait pas été correctement notifiée à Madame D.

Dans leur pourvoi en cassation, ils reprochent à cette dernière de ne pas avoir recherché si la signature de Monsieur sur l’avis de réception relatif à Madame D n’était pas valable vis-à-vis des vendeurs au titre d’un « mandat apparent ».
La Cour de cassation donne néanmoins raison à la cour d’appel : « attendu que la notification de la promesse de vente par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, prévue par l’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation, n’est régulière que si la lettre est remise à son destinataire ou à un représentant muni d’un pouvoir à cet effet ; qu’ayant retenu que, l’avis de réception de la lettre de notification adressée à Mme D... le 22 décembre 2012 étant revêtu de la signature de M. D..., sans précision du nom et prénom du signataire*, celui-ci n’avait pas signé en qualité de mandataire de son épouse et qu’il n’était pas certain que la promesse avait été notifiée à Mme D..., la cour d’appel en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à des recherches sur l’existence d’un mandat apparent que ses constatations rendaient inopérantes, que le délai de rétractation n’avait pas couru à l’égard de Mme D... avant l’exercice, par celle-ci, de ce droit et a légalement justifié sa décision annulant le contrat » (C.Cass., civ. 3ème, 21 mars 2019, n°18-10.772).

→ Afin de purger une vente du délai de rétractation, il faut bien vérifier que chacun des acquéreurs a reçu l’acte de vente ou l’avant-contrat et signé l’avis de réception (sauf mandat clair).

Si la vente est faite par l’intermédiaire d’un professionnel, il incombe à ce dernier de procéder à cette vérification.

En l’espèce, la Cour de cassation a d’ailleurs cassé l’arrêt de la cour d’appel en ce qu’il avait débouté les vendeurs de leur action en responsabilité contre l’agent immobilier : « attendu que, pour rejeter la demande de M. et Mme B... contre l’agent immobilier, l’arrêt retient que la société En Appart’Et, en sa qualité de mandataire des vendeurs et de rédacteur de l’avant-contrat, a notifié à chacun des époux acquéreurs, séparément et dans les formes prévues par l’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation, l’avant-contrat du 22 décembre 2012 et que, ce faisant, l’agent immobilier a rempli sa mission, laquelle n’incluait pas la vérification des signatures apposées sur les avis de réception ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’il incombait à l’agent immobilier de vérifier la sincérité, au moins apparente, de la signature figurant sur l’avis de réception de la lettre recommandée adressée aux acquéreurs, la cour d’appel a violé les textes susvisés
 ».

* le demandeur au pourvoi notait lui-même que les avis de réception de lettres recommandées invitent à renseigner les nom et prénom du signataire en cas de signature par un mandataire

Frédéric Zumbiehl • Juriste UNPI