Une décision rendue par la Cour de cassation le 23 janvier 2020 en matière de surface minimale d’un logement a de quoi induire en erreur (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 23 janvier 2020, 19-11.349).
Elle concernait l’article 4 du décret du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent. Cet article énonce que « le logement dispose au moins d'une pièce principale ayant soit une surface habitable au moins égale à 9 mètres carrés et une hauteur sous plafond au moins égale à 2,20 mètres, soit un volume habitable au moins égal à 20 mètres cubes ».
La cour d’appel avait conclu au caractère indécent du logement puisque le propriétaire avouait lui-même que la pièce principale avait une surface inférieure à 9m2. Après avoir repris dans un attendu de principe le texte de l’article 4 du décret « décence », elle censure la cour d’appel pour avoir ainsi jugé « sans constater que le logement ne disposait pas d’un volume habitable au moins égal à 20 mètres cubes ».
On a donc l’impression qu’un propriétaire bénéficie d’une alternative : il peut louer soit une pièce principale d’une surface d’au moins moins de 9 mètres carrés soit une pièce d’un volume habitable supérieur à 20 mètres cubes.
Ce serait cependant oublier deux choses importantes.
D’une part, ce recadrage de le Cour de cassation a été fait dans un contexte très particulier. En l’espèce, ce n’est pas le locataire qui invoquait l’indécence du logement mais le propriétaire. Ce dernier se prévalait en effet de l’indécence du logement pour obtenir l’expulsion du locataire demeuré dans les lieux malgré un congé pour vendre (stratégie dont la pertinence peut d’ailleurs être discutée).
Le locataire reprochait au contraire à la cour d’appel d’avoir conclu à l’indécence du logement en se contentant des seules énonciations du propriétaire sans constater elle-même que le décret « décence » n’était pas respecté. Cet argument a convaincu la Cour : les juges du fond ne pouvaient faire l’économie d’une recherche par eux-mêmes.
D’autre part, il ne faut pas omettre que le décret « décence » n’est pas le seul à contenir des règles concernant l’habitabilité des logements. Si le décret offre une alternative, la plupart des règlements sanitaires départementaux imposent dans tous les cas que les logements contiennent une pièce principale d’au moins 9 mètres carrés, quel que soit par ailleurs le volume de cette pièce (voir par exemple l’article 40-3 du règlement sanitaire du département de Paris).
En l’espèce, les dispositions du RSD n’ont pas été évoquées. Mais il est acquis que le non-respect du RSD peut justifier une interdiction administrative d’habiter. Pire, en 2015, la Cour de cassation semble avoir elle-même intégré les dispositions du RSD dans les critères de décence. A tout le moins, les divers règlementations administratives doivent être respectées en plus des normes de décence : « la cour d'appel, qui a, à bon droit, fait application des dispositions du règlement sanitaire précité, non incompatibles avec celles du décret du 30 janvier 2002 qui ne l'a pas abrogé et plus rigoureuses que celles-ci, en a exactement déduit, abstraction faite d'un motif surabondant relatif au calcul du volume habitable, que M. X... avait manqué à ses obligations » (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 17 décembre 2015, 14-22.754, Publié au bulletin).
Un propriétaire aurait donc tort de se croire parfaitement « dans les clous » en louant une pièce de plus de 20 mètres cubes mais de moins de 9 mètres carrés.
A noter : l’arrêt du 23 janvier 2020 rappelle par ailleurs qu’un héritier recueille les dettes et créances du de cujus. C’est donc à tort que la cour d’appel a rejeté les demandes de dommages-intérêts formulées contre le bailleur actuel pour la période où le père de ce dernier était propriétaire.
Frédéric Zumbiehl • Juriste UNPI