Projet de loi climat et résilience performance exigée

Projet de loi climat et résilience performance exigéeLe projet de loi « portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets » a été adopté par les députés le 4 mai et renvoyé au Sénat. Ce texte foisonnant affecte de nombreux domaines dont le logement, le commerce et l’urbanisme.

 

Voici quelques-unes des mesures envisagées, que nous présentons ici sous réserve de leur adoption au Sénat et lors de la lecture définitive à l’Assemblée. Trois axes principaux : l’exigence d’efficacité énergétique des logements, la copropriété et la limitation de l’artificialisation des terres naturelles notamment dans les zones périurbaines.

Des logements économes en énergie

Faire progresser massivement le parc de logements en matière de performance énergétique est l’objectif. Si le moyen de l’incitation reste applicable aux logements occupés par leurs propriétaires, le moyen de la contrainte prend le relais pour les logements locatifs.

Le diagnostic de performance énergétique voit son rôle accru. Pour lui donner plus de force, les dénominations des classes A à G sont inscrites dans la loi (art. 39). L’échelle va de A (extrêmement performant) à G (extrêmement peu performant) et le contenu technique de la qualification sera fixé par arrêté. De plus, la classification intègrera non seulement la performance énergétique mais également celle des émissions de gaz à effet de serre (art. 39 bis).

Un double seuil est donc prévu pour la consommation énergétique et l’impact carbone, chacun se verra attribuer une note. Mais l’étiquette retenue au final sera la moins bonne note des deux, ce qui renforce l’exigence du classement.

La notion de rénovation performante est aussi inscrite dans la loi. Il s’agit de travaux qui permettent d’atteindre la classe A, B ou C et de gagner au moins deux classes (art. 39 ter). Des assouplissements sont prévus pour les logements ne pouvant faire l’objet de tels travaux pour des contraintes techniques, architecturales, patrimoniales ou de coût disproportionné. Il suffira d’atteindre la classe D.

Le fait de publier une annonce de vente ou de location entre particuliers pour un logement sans mentionner le classement énergétique sera puni d’une amende de 3000 euros.

Les logements les plus énergivores (classés E, F et G) devront faire l’objet, lorsqu’ils sont proposés à la vente, d’un audit énergétique (art. 40). Cet audit comportera un parcours de travaux permettant de passer en deux étapes de la classe F ou G à E ou pour passer au moins à la classe B.

S’agissant des rapports locatifs, l’article 41 vient progressivement limiter le droit du bailleur, soit de louer, soit d’augmenter le loyer, pour les logements les plus énergivores, ces règles s’appliquant un an après la publication de la loi nouvelle.

Il est prévu d’abord que les logements classés F et G ne pourront plus donner lieu à hausse de loyer en cas de relocation ou en cas de renouvellement du bail.

Il interdit également les indexations de loyers pour les logements F ou G.

La loi ELAN a prévu une action en réévaluation de loyers lorsque le loyer est inférieur au loyer de référence minoré. Cette action ne sera plus applicable aux logements F ou G.

La notion de logement décent est modifiée par référence à la nouvelle définition du logement performant (art. 42). Le calendrier de rénovation imposé par la définition du critère de performance énergétique est le suivant :

Dates Logements considérés comme décents Nombre de logements concernés à rénover Cumul
1er janvier 2025 Classes A à F 600 000 (G) 600 000
1er janvier 2028 Classes A à E 1 200 000 (F) 1 800 000
1er janvier 2034 Classes A à D 2 620 000 (E) 4 420 000

C’est donc un tiers du parc locatif (12 millions de logements au total) qui devra être rénové d’ici 2034 sous peine d’être jugé non décent et donc interdit de location.

Certains députés auraient préféré que le texte soit plus strict et interdise plus rapidement la location des logements énergivores, mais la ministre n’était pas favorable à cette solution.

Il est précisé que le permis de louer est également subordonné au respect des exigences de décence.

Le plan pluriannuel de travaux pour les copropriétés

Peu débattu en séance publique, le thème de la copropriété a pourtant donné lieu aux votes d’articles importants.

L’article 44 réécrit totalement l’article 14-2 de la loi du 10 juillet 1965 tel qu’issu de la loi ALUR qui avait institué un fonds travaux mais dont le succès n’a pas été à la hauteur des espérances initiales.

Il crée un nouveau mécanisme, le plan pluriannuel de travaux. Dans les immeubles de plus de 15 ans comportant au moins en partie des logements, il sera obligatoire d’établir un tel plan. Il comportera la liste des travaux nécessaires pour la sauvegarde de l’immeuble, la santé et la sécurité des occupants et la réalisation d’économie d’énergies, une estimation de niveau de performance énergétique que les travaux permettent d’atteindre, une estimation du coût des travaux et une proposition d’échéancier des travaux sur dix ans.

Le fonds travaux devra être alimenté par une cotisation obligatoire. Son montant doit être au moins de 5 % du budget prévisionnel (ce qui est la règle actuelle) et d’au moins de 2,5 % du montant des travaux prévus par le plan adopté (règle nouvelle). Les sommes versées au fonds restent attachées au lot et non au copropriétaire.

Cet article doit progressivement entrer en vigueur, selon le nombre de lots du syndicat, entre 2023 et 2026, en commençant par les plus grandes copropriétés.

Florilège d’autres mesures

  • Un droit de surplomb

De façon assez attentatoire au droit de propriété, l’article 44 bis institue dans le Code civil (art. 685-2) un droit de surplomb pourl’isolation thermique par l’exté- rieur. Il permet au propriétaire qui procède à l’isolation ther- mique de son bâtiment par l’extérieur de bénéficier d’un droit de surplomb sur la propriété voisine. Le surplomb doit être au moins à deux mètres de hauteur mais il peut atteindre un demi-mètre d’épaisseur. Si le voisin refuse la création de la servitude, le demandeur devra saisir le juge qui la constatera. La servitude, qui donne lieu à indemnisation, est constatée par acte authentique.

  • Un prêt avance mutation

Il est aussi créé un prêt avance mutation, accordé sous condition de ressources et garanti par le FGPE (Fonds de garantie pour la performance énergétique). Il vise à financer des travaux de performance énergétique et il est remboursé à la mutation du bien.

Un autre article donne une nouvelle compétence aux maires pour instituer des périmètres de ravalement obligatoires.

  • La recharge des véhicules

Pour accompagner la montée en puissance de ventes de véhicules électriques, un amendement a prévu un mécanisme de financement des infrastructures de recharge des véhicules dans les copropriétés ; le syndicat n’aura pas à financer les frais et seuls les utilisateurs prendront en charge les frais au fur et à mesure qu’ils demanderont l’installation de leur propre point de recharge. La décision d’installation pourra être prise à la majorité simple.

Un coup d’arrêt à l’artificialisation des sols

La lutte contre l’artificialisation des sols, en particulier pour remédier au développement anarchique des entrées de villes, passe par la restriction de l’installation de nouvelles surfaces commerciales.

L’ambition du législateur est forte : alors que selon la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili, 20 000 hectares disparaissent chaque année sous le béton, il s’agit de donner un coup d’arrêt à l’artificialisation des sols et d’atteindre un objectif de zéroartificialisation nette. Cet objectif doit être atteint en 2050, mais dans les dix ans qui viennent, une étape intermédiaire est prévue : réduire de moitié l’artificialisation des sols par rapport à la décennie écoulée (art. 47).

Pour casser le rythme d’artificialisation, le projet de loi prévoit de décliner cet objectif national dans les territoires, d’abord au niveau régional puis au niveau local (dans les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d’urbanisme).

  • Le rôle des collectivités

Le sol artificialisé est défini comme celui dont « l’occupation ou l’usage qui en est fait affecte durablement tout ou partie de ses fonctions » (art. 48). La loi encourage la réutilisation des friches et la surélévation des bâtiments existants.

Le PLU devra lui-même intégrer ces objectifs dans un délai de 6 ans de la promulgation de la loi. Le maire devra présenter régulièrement (tous les ans ou tous les deux ans pour les plus petites communes) un rapport sur l’artificialisation des sols (art. 50).

Pour contribuer à cet objectif, les collectivités pourront conclure des « contrats de sobriété foncière » (art. 49 quinquies) pour lutter contre la consommation des espaces naturels.

Pour faciliter la reconversion des bâtiments, l’article 54 programme, avant la construction d’un bâtiment, la réalisation d’une étude du potentiel de changement et d’évolution de celui-ci. Une étude analogue est prévue avant la démolition des bâtiments. Cette étude de réversibilité devrait être réservée aux bâtiments de plus de 1 000 m2.

Autre mesure en faveur de la densité, la majorité requise pour modifier un règlement de lotissement pour subdiviser des lots sera la majorité simple et non plus la majorité qualifiée.

  • Restriction sur les commerces

La lutte contre l’artificialisation passe notamment par la restriction de l’implantation de nouvelles surfaces commerciales. Le projet de loi comporte donc des mesures spécifiques à l’urbanisme commercial. L’article 52 fixe le principe d’interdiction de créer une nouvelle surface commerciale qui provoquerait une artificialisation des sols. La commission départementale d’aménagement commerciale ne pourra donc pas délivrer de nouvelle autorisation qui serait prévue par exemple sur une surface jusqu’alors consacrée à l’agriculture. Pour obtenir une dérogation et uniquement pour les projets de moins de 10 000 m2, le porteur du projet devra développer une argumentation charpentée pour démontrer par exemple qu’il est situé dans le secteur d’intervention d’une opération de revitalisation de territoire ou que son projet est compensé par la transformation d’un autre sol artificialisé en sol non artificialisé.

Pour renforcer le contrôle de l’application de la loi, les projets de plus de 3 000 m2 seront systématiquement soumis à la commission nationale d’aménagement commercial (CNAC).

Les parkings devront être végétalisés d’ici 2025, l’emprise au sol des parking devra être réduite de moitié en dix ans et des ombrières devront être installées sur la moitié des surfaces.

L’implantation des entrepôts logistiques, qui ne relèvent pas du régime de l'aménagement commercial, a suscité beaucoup de débats à l’Assemblée. Ils seront toutefois régis par une planification obligatoire dans le cadre des SCOT 1.

1- Schéma de cohérence territoriale

Bertrand Desjuzeur, Journaliste

Source : 25 millions de propriétaires • N°552 juin 2021

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