L’article 1225 dispose que la clause résolutoire précise les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du contrat. La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire.
Ces deux articles résument parfaitement le mécanisme de la clause résolutoire et les conditions de sa mise en jeu.
Cependant si, dans le droit commun, les clauses résolutoires peuvent sanctionner tous types de manquements aux obligations contractuelles, il en va différemment du contrat de bail d’habitation, dès lors que la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 n’admet la résolution de plein droit du bail que dans trois hypothèses :
Concernant cette dernière hypothèse, elle ne peut jouer que dans le cadre d’une décision de justice définitive, rendue au profit d’un tiers (par exemple un voisin), et dont le bailleur aurait connaissance, lui permettant de solliciter du Tribunal la résolution de plein droit du bail.
L’article 4 (g) de la loi dispose qu’est réputée non écrite toute clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat en cas d’inexécution des obligations du locataire pour un motif autre que le non-paiement du loyer, des charges, du dépôt de garantie, la non-souscription d’une assurance des risques locatifs ou le non-respect de l’obligation d’user paisiblement des locaux loués, résultant de troubles de voisinage constatés par une décision de justice passée en force de chose jugée.
En cas d’inexécution contractuelle autre, le bailleur peut toujours demander la résiliation judiciaire du contrat.
Mais dans ce cas, le juge dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation et peut rejeter la demande de résiliation judiciaire du contrat s’il considère que le manquement commis par le locataire n’est pas suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail ou si entre-temps le locataire a régularisé.
Le droit commun prévoit une mise en demeure préalable, tandis que les dispositions spéciales de la loi du 6 juillet 1989 imposent la délivrance préalable d’un commandement.
Ainsi, l’article 24 dispose que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer et des charges aux termes convenus, ou pour non-versement du dépôt de garantie, ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.
Le commandement de payer doit respecter un certain formalisme, à peine de nullité.
Ainsi, en cas d’impayés de loyers, charges locatives et dépôt de garantie, le commandement doit contenir les 6 points prévus à l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 :
1° La mention que le locataire dispose d'un délai de deux mois pour payer sa dette ;
2° Le montant mensuel du loyer et des charges ;
3° Le décompte de la dette ;
4° L'avertissement qu'à défaut de paiement ou d'avoir sollicité des délais de paiement, le locataire s'expose à une procédure judiciaire de résiliation de son bail et d'expulsion ;
5° La mention de la possibilité pour le locataire de saisir le fonds de solidarité pour le logement de son département, dont l'adresse est précisée, aux fins de solliciter une aide financière ;
6° La mention de la possibilité pour le locataire de saisir, à tout moment, la juridiction compétente aux fins de demander un délai de grâce sur le fondement de l'article 1343-5 du Code civil.
Si le bail est garanti par un cautionnement, il faut en informer l’huissier chargé de délivrer le commandement de payer, car il doit le signifier à la caution dans le délai de 15 jours à compter de sa signification au locataire, car à défaut, la caution ne sera pas tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard.
Le commandement de payer visant la clause résolutoire doit être notifié au représentant de l’Etat dans le Département (CCAPEX) à peine d’irrecevabilité.
En effet, la résiliation d’un bail fondée sur une dette locative entraînera nécessairement une procédure d’expulsion si le locataire ne part pas volontairement, avec toutes les conséquences que cela implique.
De même, l’assignation en constat de la résiliation du bail et expulsion et qui donnera lieu à un jugement ou une ordonnance de référé, devra être notifiée à la CCAPEX à peine d’irrecevabilité.
En ce qui concerne le défaut d’assurance des risques locatifs, le délai est d’un mois et le commandement doit reproduire, à peine de nullité, les dispositions de l’alinéa 2 de l’article 7 (g) à savoir « Toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut d'assurance du locataire ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Ce commandement reproduit, à peine de nullité, les dispositions du présent alinéa. »
Si le locataire se maintient dans les lieux une fois le délai du commandement expiré, ce qui est majoritairement le cas, le bailleur devra saisir le tribunal compétent pour obtenir une décision de justice prononçant la résiliation du bail, ordonnant l’expulsion du locataire et le condamnant à régler l’arriéré (en cas de résiliation pour impayé de loyers), ainsi que les indemnités d’occupation jusqu’à la libération des lieux.
Depuis la loi du 23 mars 2019 (applicable au 1er janvier 2020), les litiges locatifs relèvent du Juge des Contentieux de la Protection du Tribunal Judiciaire du lieu de situation de l’immeuble.
Des délais spécifiques sont à respecter entre la délivrance de l'assignation et la date d'audience, à peine d'irrecevabilité.
A défaut pour le locataire d’avoir réglé la totalité de la dette ou d’avoir souscrit une assurance des risques locatifs, la clause produit effet et le bail est résilié de plein droit à une date qui correspond à la fin du délai (deux mois ou un mois).
En principe, si le locataire n’a pas régularisé dans le délai imparti, la clause résolutoire « de plein droit » a vocation à s’appliquer « automatiquement » et le bail se trouve résilié.
Il en est ainsi en cas de défaut d’assurance du locataire, et dans ce cas, le juge ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation si le locataire n’est pas assuré ; il prononcera la résiliation du bail sans pouvoir accorder de délais au locataire.
Une distinction doit cependant être faite entre un défaut de souscription de l’assurance et le défaut de justification d’une assurance.
La Cour d’Appel d’Aix-en-Provence l’a rappelé dans un arrêt du 17 décembre 2020 (n°19/04845) :
« L'article 7 g) de la loi du 6 juillet 1989 rappelle l'obligation pour le locataire de s'assurer contre les risques locatifs et prévoit la résiliation de plein droit du contrat pour défaut d'assurance.
Il n'y est pas visé la résiliation de plein droit pour défaut de justification d'une assurance locative, ce qui s'explique par l'indication que donne l'article 4 g) de la loi (…).
La clause résolutoire ne sanctionnant donc que la souscription tardive d'une assurance et non l'information tardive du bailleur, il est relevé que Monsieur N. justifie de la souscription d'une assurance des risques locatifs pour la période du 21 août 2013 au 23 juillet 2019, une attestation de son assureur, datée du 21 mars 2019, indiquant en outre que le contrat d'assurance s'est renouvelé par tacite reconduction chaque année, sans interruption ni suspension de garantie, depuis le 21 août 2013 (…) ».
Autrement dit, si le locataire se présente à l’audience en justifiant être assuré pour la période visée au commandement, information qu’il n’a pas pourtant pas donnée au bailleur en temps utile, la demande de résiliation du bail sera rejetée.
Il s’agit donc d’un tempérament au caractère automatique des clauses de résiliation de plein droit.
Lorsque la résiliation du bail est fondée sur un impayé de loyers, charges locatives ou dépôt de garantie, le juge dispose du pouvoir de suspendre les effets de la clause résolutoire en accordant des délais au locataire.
Il peut ainsi reporter ou échelonner les sommes dues dans la limite de trois ans, alors que le droit commun ne permet d’accorder des délais que dans la limite de 24 mois (article 1343-5 du Code civil).
Le juge doit cependant vérifier que le locataire est en situation de régler sa dette locative, en plus de son loyer courant.
A noter que le juge dispose de ce pouvoir « même d’office », autrement dit, même si le locataire n’en fait pas la demande, dès lors que le juge considère, après avoir vérifié la situation du locataire (revenus, charges, dettes…), que ce dernier est en capacité de régler (avec son accord, bien évidemment).
Pendant le cours des délais ainsi accordés, la clause résolutoire est suspendue. Si le locataire respecte les délais tout en réglant le loyer courant, la clause résolutoire est réputée ne pas avoir joué et le bail se poursuivra.
En revanche, à défaut de respect par le locataire, ne serait-ce qu’une seule échéance, la clause résolutoire reprend son effet et le bail est résilié avec toutes les conséquences prévues dans le jugement ou l’ordonnance de référé, et notamment l’expulsion.
Un autre tempérament au jeu de la clause résolutoire « de plein droit » réside dans le pouvoir du juge de :
En effet, le locataire peut invoquer l’argument selon lequel il s’est exonéré du paiement du loyer dans la mesure où il s’est trouvé dans l’impossibilité d’utiliser les lieux loués conformément au bail.
Dans ce cas, le locataire doit en rapporter la preuve, et notamment établir que malgré ses demandes auprès du bailleur pour remédier aux carences du logement, ce dernier n’aurait pas donné suite.
Autrement dit, même en présence d’un impayé de loyers avéré, le bailleur peut voir la résiliation du bail mise en échec si le locataire invoque un manquement à l’obligation de délivrance d’un logement décent ou conforme aux stipulations du contrat.
En cela, le juge apprécie la bonne ou mauvaise foi du bailleur.
Les nombreuses décisions rendues par les Cours d’appel en cette matière traduisent cependant un contrôle strict des arguments soulevés par les locataires qui invoquent l’exception d’inexécution pour tenter d’anéantir les effets de la clause résolutoire.
Enfin, un dernier tempérament à l’automaticité se trouve dans l’article 24, V, dernier alinéa de la loi du 6 juillet 1989 qui précise que le juge invite les parties à lui produire tous éléments relatifs à l’existence d’une procédure de traitement du surendettement.
En effet, s’il s’avère qu’une procédure de surendettement a été ouverte au bénéfice du locataire et qu’au jour de l’audience, celui-ci a repris le paiement du loyer et des charges, le juge qui constate l’acquisition de la clause résolutoire peut accorder des délais de paiement dans plusieurs cas de figure (décision de recevabilité, plan conventionnel de redressement, etc.).
Ce qu’il faut retenir
La mise en jeu de la clause résolutoire dans le bail d’habitation permet d’obtenir la résiliation avant le terme des trois ans (terme du bail) à la condition qu’elle sanctionne l’impayé de loyers, charges locatives ou dépôt de garantie, le défaut de souscription de l’assurance locative ou le non-respect de l’obligation d’user paisiblement des locaux loués, résultant de troubles de voisinage constatés par une décision de justice passée en force de chose jugée. Elle est soumise à un formalisme et à des délais stricts, à peine de nullité de l’acte (commandement notamment) ou d’irrecevabilité des demandes. Elle nécessite par ailleurs que le bailleur n’ait rien à se reprocher, s’agissant notamment des critères de décence ou de délivrance conforme du logement. Enfin, le juge conserve le pouvoir de suspendre les effets d’une clause résolutoire et d’accorder des délais au locataire en situation de régler la dette locative et le loyer courant.
Me Frédérique Polle, Avocat à Agen
Source : 25 millions de propriétaires • N°552 juin 2021