Ce mode de prise de décision, de plus en plus encadré par un ordre du jour en grande partie imposé par la loi, est d’abord de nature juridique car il garantit le bon fonctionnement du syndicat.
Les décisions de l’assemblée générale sont ensuite la traduction d’un vote, exprimé à différentes majorités, par lequel sont adoptées ou rejetées des projets de résolutions.
Il s’agit donc de l’instrument qui formalise les choix faits par les copropriétaires au terme d’un processus que l’on peut qualifier de démocratique, quand bien même l’on serait souvent tenté de qualifier la copropriété de démocratie imparfaite.
Mais souvenons-nous que la copropriété n’a pas été conçue à des fins politiques, au sens premier de ce terme (administrer la cité), mais pour organiser le partage de la propriété.
C’est l’occasion de rappeler que si la copropriété est soumise à immatriculation, elle a un « objet social » fixé par la loi au quatrième alinéa de l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965 ainsi exprimé : « Il [le syndicat] a pour objet la conservation, l’amélioration de l’immeuble ainsi que l’administration des parties communes. ».
Ce principe de spécialité fixe les limites des prérogatives du syndicat, limites à l’intérieur desquelles devront se cantonner les décisions de l’assemblée générale.
Bien évidemment les résolutions de l’assemblée générale, devenues par l’onction d’un vote régulier des décisions, doivent produire leurs effets et donc être exécutées car c’est bien leur vocation première !
Les décisions de l’assemblée générale s’imposent aux copropriétaires car ce sont des décisions du syndicat qu’ils doivent exécuter. L’absence de notification est indifférente. Elle n’autorise pas les copropriétaires à refuser le règlement des sommes exigibles en raison du caractère immédiatement exécutoire des délibérations votées par l’assemblée générale. Bien évidemment ces décisions vont aussi produire des effets à l’égard du syndic et du conseil syndical mais aussi à l’égard des ayant cause des copropriétaires(locataires).
En vertu d’un principe rappelé avec constance par la jurisprudence, la décision de l’assemblée générale, immédiatement exécutoire, le reste aussi longtemps qu’elle n’a pas été définitivement annulée. La Cour de Cassation retient même que cette exécution ne peut pas constituer un trouble manifestement illicite (Cass. civ., 3e, 6 févr. 2020, n° 18-18.751).
C’est au syndic de faire exécuter les décisions de l’assemblée générale (Article 17 1er alinéa de la loi du 10 juillet 1965).Il est le responsable exclusif en cette matière.
Précisons que l’on doit se trouver en présence d’une décision d’assemblée générale. Il s’agit d’une résolution qui a fait l’objet d’un vote et qui est susceptible de recevoir exécution. Tel ne sera pas le cas lorsque le procès-verbal évoque des échanges sur un sujet inscrit à l’ordre du jour sans qu’un vote n’intervienne (Cass Civ 3è ch 10 juillet 2002 N° 01-00 313), ou bien encore si les échanges sont suivis d’un vote qui décide…de ne pas voter ou de reporter le vote définitif à une prochaine réunion de l’assemblée. Il arrive également que les copropriétaires expriment de simples voeux ou des souhaits, ce qui ne pourra s’analyser en une décision.
Mais il est parfaitement admis que l’assemblée puisse adopter une résolution de principe, par exemple sur la mise en œuvre de travaux, même si cette résolution est susceptible d’être complétée (Cass 3è civ, 9 mars 2005-N° 03-12.596-Cass. 3e civ., 29 nov. 2018, n° 17-26.744, F-D).
Cette absence interpelle souvent les copropriétaires qui questionnent alors logiquement l’absence de diligence du syndic. A l’instar du temps nécessaire au fût du canon pour refroidir, disons que le délai doit être, raisonnable en fonction de la nature des décisions, et adapté au contexte. Le syndic engage sa responsabilité en cas de retard dommageable tout comme il peut voir sa responsabilité engagée dans l’hypothèse d’une mise à exécution précipitée ou même frauduleuse. L’exécution est enfin engagée aux risques et périls du syndicat (CA Paris Pôle 4 2è ch.8 septembre 2010).
La réponse est oui, en vertu du caractère immédiatement exécutoire des décisions de l’assemblée générale, mais...la loi a prévu des exceptions pour les travaux votés en application des articles 25 et 26 de la loi du 10 juillet 1965(Article 42 alinéa 3 de la loi du 10 juillet 1965). Attention, même dans ces hypothèses la suspension ne s’appliquera pas en cas d’urgence.
Encore faut-il bien préciser que la suspension s’appliquera jusqu’à ce que le délai de recours de deux mois soit écoulé. Au terme de ce délai le caractère exécutoire de la décision est rétabli en ce compris si un recours est engagé. Il est donc couramment recommandé aux syndics d’agir avec prudence et de solliciter l’approbation de l’assemblée générale pour l’exécution des travaux s’il existe un risque sérieux d’annulation de la décision d’assemblée générale.
Sur le plan des principes la réponse est positive en l’absence de délai de péremption ou de prescription prévu par les textes.
On peut concevoir la situation d’un syndicat qui déciderait d’attendre, pour réaliser des travaux, l’issue d’une procédure en contestation d’assemblée générale laquelle peut durer plusieurs années. Mais cette hypothèse reste théorique. En pratique l’exécution très tardive d’une résolution va poser de multiples difficultés : mutations de lots avec changement de propriétaires, variation des prix, évolution des règles juridiques, notamment d’urbanisme, responsabilité du syndicat et/ou du syndic, etc.
Un retard de plusieurs années reste par définition fautif. Dans les faits, l’absence d’exécution va signifier un abandon non exprimé ou provoquera une nouvelle décision de l’assemblée générale.
Oui indiscutablement. Il est aujourd’hui constant que l’écoulement du délai de recours en contestation interdit toute contestation ultérieure de la régularité de la décision. On peut signaler l’inexistence d’une délibération de l’assemblée générale qui échappe au délai de recours de deux mois. Mais les (rares) cas de graves vices de fond ou de forme pouvant entraîner l’inexistence de la décision d’assemblée générale, n’incluent pas l’erreur de majorité. La jurisprudence a évolué de façon restrictive sur ce sujet dans un souci évident de sécurité juridique. La théorie de l’inexistence n’a guère la faveur de la Cour de Cassation…
Le syndic étant le responsable exclusif de l’exécution des décisions de l’assemblée générale (Article 18-I 2è alinéa de la loi du 10 juillet 1965) toute défaillance dans cette mission va engager sa responsabilité civile professionnelle mais à la condition qu’il en résulte un dommage pour le syndicat. Pour autant une telle démarche très lourde ne règle pas la question de l’exécution d’une délibération qui peut de surcroit être urgente. Dans un tel cas, on peut recourir à la notion de carence du syndic, simplifiée par l’ordonnance du 30 octobre 2019 (Article 18-V de la loi). Tout intéressé peut alors saisir par assignation le Président du Tribunal Judiciaire en référé pour faire désigner un administrateur ad hoc lequel peut recevoir la mission d’exécuter la délibération de l’assemblée générale. Sauf urgence, une mise en demeure préalable par lettre recommandée « …demeurée infructueuse pendant plus de 8 jours. » est imposée à peine d’irrecevabilité de la demande (Article 49 du décret du 17 mars 1967). Ce recours rapide est donc ouvert à un ou plusieurs copropriétaires. Il peut aussi constituer une menace efficace pour contraindre le syndic négligent à réagir à réception de la mise en demeure. Bien évidemment ce recours ne prive pas le syndicat ainsi qu’un ou plusieurs copropriétaires, d’une action en réparation d’un éventuel préjudice. Enfin, l’abstention du syndic peut justifier l’action individuelle de copropriétaires légitimes à réclamer l’exécution d’une délibération. Mais il s’agira alors d’un recours dirigé contre le syndicat, tel qu’une action en référé avec condamnation sous astreinte. Là encore le syndic aurait à répondre des conséquences dommageables pour le syndicat.
L’assemblée générale accorde toujours son autorisation sur la base d’un projet qui constitue pour le pétitionnaire un véritable engagement. Il est donc prudent de voter sur la base d’un projet le plus précis et détaillé. Il est du reste légitime pour l’assemblée de refuser de voter en faveur d’un projet insuffisamment détaillé ou le cas échéant d’en repousser l’examen pour obtenir des pièces ou des précision complémentaires. L’assemblée peut en outre assortir son autorisation de réserves ou de conditions qui devront être strictement respectées. Certaines sont le simple rappel des dispositions du règlement de copropriété (l’intervention d’un architecte de la copropriété est couramment prévue). Le défaut de respect d’une seul de ces prescriptions va permettre au syndicat d’enjoindre au copropriétaire d’avoir à mettre les travaux réalisés en conformité et à défaut à engager une action en justice pour obtenir sa condamnation. La jurisprudence est constante sur ce point : il va s’agir de condamnations à remettre les lieux en l’état (Cass. 3e civ., 12 mai 1993), à démolir des ouvrages irréguliers(CA PARIS 23e ch., 8 oct. 1993), à se conformer à l’autorisation donnée par référence à des règles générales énoncées par une décision d’assemblée générale non contestée (Cass 3è civ 28 mai 2020-N°18-20.368).Rappelons que cette action devra être introduite dans le respect de la prescription nouvelle de l’article 2224 du Code Civil soit d’une durée de cinq ans à compter de l’exécution des travaux ou du même délai à compter où le syndicat aurait du connaître la violation des stipulations de l’autorisation délivrée. Attention : si la prescription a commencé à courir avant le 25 novembre 20181 elle reste d’une durée de dix ans.
Ces démarches sont cumulables avec tous recours en indemnisation des préjudices subis par le syndicat ainsi que par un ou par des copropriétaires.
Il va s’agir d’une faute pour les raisons déjà évoquées, faute dont la gravité devra être appréciée au regard de la « non-conformité » de l’exécution. Un recours en responsabilité est envisageable. L’assemblée générale demeure cependant souveraine pour prendre toute délibération permettant de corriger l’erreur ou la faute commise par le syndic. En pratique cette situation est assez rare.
Il faut préciser enfin que selon une jurisprudence constante, le syndic ne peut jamais se faire juge ni de l’opportunité de l’exécution des décisions de l’assemblée générale, ni de la régularité de celles-ci. C’est un rappel important de sa qualité d’agent d’exécution des décisions de l’organe souverain du syndicat qu’est l’assemblée générale (Cass. 3e civ., 4 oct. 1995). Le syndic ne peut pas même se réfugier derrière une décision du conseil syndical (Cass civ 3è 29 mai 2002-N°0-17.296).
Voici une des questions les plus délicates en matière de copropriété, la réponse n’est pas univoque et reste soumise à la « règle » du cas par cas.
La souveraineté de l’assemblée générale n’est pas limitée par un quelconque texte qui viendrait préciser les conditions, ou les situations, dans lesquelles l’assemblée générale serait empêchée de revenir sur une précédente décision.
Le principe est donc que l’assemblée générale peut revenir sur un vote soit de façon radicale pour l’anéantir, soit encore pour l’amender ou l’interpréter.
Certaines situations sont fréquentes : la délibération revotée dans des conditions qui garantissent sa régularité alors qu’une contestation judiciaire est en cours pour accorder par exemple une autorisation de travaux refusée dans un premier temps.
Mais l’inverse est-il possible ? Oui en théorie mais pas tout à fait en pratique.
Deux obstacles au moins vont alors se dresser devant l’assemblée.
Tout d’abord celui de l’exécution de la délibération précédente : il est admis que l’assemblée puisse revenir sur un vote de travaux alors que ceux-ci n’ont pas été exécutés. Il faudra toutefois que cette position soit justifiée par la survenance de circonstances nouvelles et dictée par un motif d’intérêt collectif (Cass civ 3è 7 juillet 2010, N° 09-15.373). A défaut l’annulation serait encourue.
Ensuite la question des droits acquis va également se poser.
Il est en effet impossible à l’assemblée de remettre en question des droits acquis par des copropriétaires sans recueillir leur consentement. L’assemblée ne saurait revenir par exemple sur le droit de jouissance privative sur une partie commune accordé à un copropriétaire, ou encore sur l’autorisation de réaliser des travaux alors que ceux-ci ont été effectués (Cass. 3e civ., 9 juin 2010). L’assemblée ne peut pas non plus porter atteinte par une nouvelle décision à des droits acquis par un copropriétaire en accordant à un autre copropriétaire une autorisation de travaux (CA Paris, 29 nov. 1995). L’assemblée générale conserve cependant la possibilité de compléter une précédente décision d’autorisation de travaux en prévoyant des mesures de contrôle des travaux autorisés dans l’intérêt collectif bien compris de veiller à la sauvegarde de l’immeuble et au respect de sa destination (CA Paris, 29 nov. 1995). Elle peut également revenir sur une décision de suppression de la loge de concierge et réalisation de travaux en vue d’un usage locatif en décidant d’affecter l’ancienne loge à usage de local à vélos et poussettes et ce dans la mesure où les travaux, bien que les appels de fonds aient été réglés, n’avaient pas été réalisés (CA Paris Pôle 4 ch 2 ,13 février 2019, RG N° 16/09043).
Il faut tout d’abord rappeler que le syndic est un mandataire et qu’à ce titre il relève des règles civiles du mandat énoncé par le Code Civil et notamment par l’article 2004 qui stipule clairement que le mandant, donc ici le syndicat des copropriétaires, peut révoquer le mandataire « …quand bon lui semble… ».
Le syndicat est donc libre de révoquer le syndic qui a manqué à sa mission d’exécution d’une décision d’assemblée générale.
Avec toutefois une précision propre au mandat du syndic de copropriété : seule l’assemblée générale peut décider de la révocation du syndic (Article 25 c de la loi du 10 juillet 1965). Le syndic est quant à lui en droit de solliciter l’indemnisation des conséquences d’une révocation abusive. Le syndicat ne doit donc envisager la révocation que s’il est en mesure de prouver la faute commise par le syndic. Cette décision ne saurait être prise à la légère ; elle est du reste assez rare.
De surcroit, l’ordonnance du 30 octobre 2019 a complété l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965 d’un paragraphe VIII qui prévoit la possibilité de résiliation du contrat de syndic soit à l’initiative de celui-ci soit à l’initiative du syndicat. La résiliation doit être justifiée par l’inexécution suffisamment grave des obligations de l’autre partie Ces dispositions permettent un aménagement de la fin des fonctions du syndic dans le respect de l’équilibre contractuel et une sortie moins brutale de celui-ci. La résiliation doit être justifiée par l’inexécution suffisamment grave des obligations de l’autre partie. Cette voie est assurément moins escarpée que celle de la révocation laquelle prend effet à l’instant où le vote de l’assemblée intervient. Le syndic est alors privé de toutes ses prérogatives, son mandat ayant pris fin.
Ce qu’il faut retenir
L’exécution des décisions de l’assemblée générale, est un sujet sensible, bien que peu documenté, puisqu’il concerne directement l’efficacité du fonctionnement du syndicat. Il mérite donc l’attention des praticiens tout comme celle des « usagers » de la copropriété mais plus encore celle du syndic qui en est le principal responsable dans le sens le plus complet de ce terme.
Me François Axisa, Avocat au Barreau de Toulouse
Source : 25 millions de propriétaires • N°552 juin 2021