La loi ASAP du 7 décembre 2020 a amélioré la procédure administrative consistant à demander au préfet de déloger les squatteurs de domiciles (les résidences secondaires pouvant désormais être considérées comme des domiciles).
Il est cependant nécessaire de démontrer l’occupation illicite par les squatteurs. Cela constitue une première difficulté, puisque « les occupants n'hésitent pas à effacer les traces d'effraction en changeant la serrure, à produire un contrat EDF à leur nom ou un faux bail » (B.Vial-Dedroletti, Loyers et Copropriété n° 3, Mars 2021, alerte 22).
Une seconde difficulté, abondamment rapportée, concerne les locaux vidés de leurs meubles en prévision d’une vente : se prévalant d’une jurisprudence ancienne excluant qu’un local vacant puisse constituer un domicile, les préfets refusent d’intervenir. Un acheteur nous rapporte ainsi la mésaventure qu’il est en train de vivre. « Avec mon conjoint, nous avions trouvé la maison de nos rêves sur lacommune de Bagnolet (Seine-Saint-Denis), projet mis à mal à cause de squatteurs... Après notre promesse d’achat pour notre future résidence principale, la maison fut squattée par une famille frauduleuse et malgré la mise en place d’une procédure accélérée par l’avocate du fils de la propriétaire (propriétaire sous tutelle et placée en maison de retraite depuis peu), le sous-préfet de la Seine Saint Denis a émis, 20 jours après réception du courrier, la décision de ne pas expulser ces personnes parce que la maison était vidée de ses meubles pour la vente (chose pourtant logique !). La préfecture utilise les failles de la loi et l'arrêt du 15 février 1955 [ndlr : arrêt considérant qu’un local vide ne peut être considéré comme un domicile] pour ne pas aller dans le bon sens et la bienveillance. Je suis d’autant plus scandalisé par cette décision que la maison, qui constituait bien la rési- dence principale du propriétaire, devait être vendue pour payer son admission en EHPAD. Et, pour ajouter à notre indignation, j’ai appris que les occupants étaient connus des services de la préfecture pour faire l’objet d’un avis d'expulsion de leur ancien logement. Serial squatteurs qui agissent en toute impunité avec l'aval de la préfecture ?
De mon côté, en tant que citoyen, j'espère que la loi va changer et que les politiques arrêtent de mettre en opposition le droit au logement et le droit de propriété. Cela ne devrait jamais être opposé. Ces situations ne devraient pas exister dans un pays comme la France et je pense que l'opinion publique est très favorable à un changement de situation » (Anthony H., Paris).
L’échec d’une réforme via la loi « sécurité globale »
La proposition de loi « pour une sécurité globale préservant les libertés » contenait plusieurs dispositions renforçant la réglementation antisquat. La plupart ont été censurées par le Conseil constitutionnel avant sa promulgation (décision n° 2021-817 DC du 20 mai 2021). Exit notamment le triplement des peines applicables en cas de violation de domicile, la mesure ayant été introduite par un amendement sans lien avec la proposition de loi initiale. Elle pourra cependant revenir (voir ci-après la proposition de loi tendant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat). Seule est maintenue la mesure consistant à imposer aux agents municipaux d'alerter la police judiciaire de tout squat de locaux d'activité et, si la PJ le demande, de retenir les squatteurs jusqu'à son arrivée. C'est un plus. Mais outre qu’elle ne concerne pas les logements, pas sûr que la mesure change beaucoup la donne.
Frédéric Zumbiehl, Juriste UNPI
Source : 25 millions de propriétaires • N°553 juillet/août 2021