Projet de loi 3DS : des mesures sur le logement dans un texte d’organisation territoriale

Projet de loi 3DS : des mesures sur le logement dans un texte d’organisation territoriale3DS est l’acronyme du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale. Jacqueline Gourault, en tant que ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, est chargée de porter ce projet de loi. En raison de ses implications sur les responsabilités respectives des différents niveaux de collectivités territoriales, le projet de loi a d’abord été présenté au Sénat. Le texte a été voté par les sénateurs le 21 juillet 2021 en première lecture et transmis à l’Assemblée nationale.

La différenciation est l’innovation la plus marquante pour la mise en œuvre de la règle de droit. L’article 1er fixe le principe que pour définir les règles d’attribution et d’exercice des compétences applicables à une catégorie de collectivités territoriales, il est tenu compte des différences de situation de ces collectivités. Le projet autorise des collectivités territoriales à déroger à des décrets régissant l’exercice de leurs compétences, après accord du préfet. Un conseil départemental pourra proposer d’adapter une loi ou un règlement pour la compétence, l’organisation ou le fonctionnement du département, notamment concernant l’attribution de compétence des départements (art. 1er bis).

Le projet de loi modifie aussi l’attribution de certaines compétences aux communes et aux départements. Il prévoit par exemple de transférer de l’État aux départements la propriété de certaines routes.

Le texte du projet de loi a été fortement remanié et complété par les sénateurs ; toutefois, de nombreux articles ont été adoptés contre l’avis du Gouvernement. En voici un exemple : pour les projets éoliens, l’article 5 sexies crée un droit de veto de la commune d’implantation. Le texte sera donc à nouveau modifié devant l’Assemblée.

Parmi la multitude de dispositions du projet de loi, on retiendra ici les règles concernant le logement social d’une part et le logement privé d’autre part.

Le logement social

La loi SRU pérennisée

Dans sa rédaction actuelle, la loi de solidarité et de renouvellement urbains, qui impose d’atteindre une proportion minimale de logements sociaux, prévoit une date butoir d’application fixée à 2025. Or sur les 2091 communes concernées par la loi SRU, 767 ont atteint leur objectif mais 1100 sont déficitaires (par ailleurs 224 sont exemptées). Or, plus la date de 2025 approche, plus l’objectif paraît difficile à atteindre. Le projet de loi prévoit donc de remplacer cette date fixe par une date glissante et différenciée, qui sera fixée par un contrat de mixité sociale. L’article 17 fixe un objectif de principe de rattraper un tiers des logements à construire par période triennale. De ce fait, la loi SRU est pérennisée. Un contrat de mixité sociale sera conclu entre le préfet, le maire et le président de l’EPCI (art. 18). Il sera d’une durée maximale de 6 ans.

Pour assurer un meilleur équilibre dans le type de logements sociaux construits, les sénateurs ont introduit un nouveau critère dans le décompte des logements. Ils ont prévu de moduler le comptage des logements sociaux en fonction de leur type de financement (art. 15 bis). Les logements les plus sociaux (PLAI) seraient décomptés avec une majoration de 50 % tandis que les logements qui se rapprochent des logements intermédiaires (PLS) seraient retenus avec une minoration de 25 %. Ce régime inciterait les communes à construire davantage de logements très sociaux. Dominique Estrosi-Sassone a défendu ce mécanisme comme un outil de lutte contre les ghettos, mais l’article a été voté contre l’avis du Gouvernement.

Le projet de loi modifie aussi le régime des sanctions infligées aux communes qui ne respectent pas leur objectif de construction de logements sociaux (art. 19), la Cour des comptes ayant observé que le régime était inefficace voire contre-productif. En effet, le préfet, lorsqu’il reprend les prérogatives du maire, ne fait généralement pas mieux que lui, ce qui décrédibilise l’action de l’État. L’article prévoit un taux de majoration plancher pour la sanction à appliquer à une commune carencée. Le Sénat a supprimé ce taux plancher et a proposé que les pénalités du carencement, qui devaient être versées au Fonds national d’aide à la pierre (FNAP), soient plutôt consignées à la Caisse des dépôts pour réaliser de futurs logements sociaux sous le contrôle du préfet.

Maximum de logements sociaux

Adopté également dans un objectif de lutter contre les ghettos, l’article 20 sexies ajouté par le Sénat prévoit de fixer un plafond à la construction de logements sociaux lorsque la commune en comporte déjà plus de 40 %. Dans ce cas, la construction de logements financés en PLAI (les plus sociaux) serait exceptionnelle. Pour reprendre l’expression utilisée dans les débats au Sénat, il s’agit de créer une sorte de « loi SRU à l’envers ».

Location du logement et du parking

Le texte comporte de multiples mesures d’ajustement techniques de dispositifs existants. En voici un exemple concernant au lien entre la location du logement et le parking. Depuis la loi du 29 juillet 1998, le bailleur social ne peut plus imposer la location groupée d’un logement et d’un parking. Mais les sénateurs ont voulu remédier au problème qui en résulte : les bailleurs doivent faire face à la gestion de nombreux emplacements qui restent vacants tandis que la voie publique est encombrée de véhicules des locataires qui ont renoncé à la location du parking. L’article 20 quinquies rétablit à partir de 2023 la faculté pour le bailleur d’imposer la location groupée du logement et du parking.

Le logement privé

Encadrement des loyers

Revenant sur le principe général d’encadrement des loyers de la loi ALUR, la loi ELAN de 2018 avait prévu un régime d’encadrement des loyers à titre expérimental (art. 140). L’expérience devait durer 5 ans. L’article 23 du projet de loi porte cette durée à 8 ans. Certains sénateurs voulaient par ailleurs rouvrir la faculté pour d’autres communes de demander à pratiquer l’expérimentation car cette faculté leur est désormais fermée. Le Sénat n’a pas accepté cette ouverture mais la demande pourrait être à nouveau formulée à l’Assemblée, car la ministre Emmanuelle Wargon a indiqué y être favorable.

Les biens sans maîtres

Un certain nombre de biens sont abandonnés et les élus cherchent à remédier à leur dégradation qui peut nuire à la rénovation d’un centre-ville. Mais les collectivités ne peuvent acquérir ces biens que s’ils sont abandonnés depuis 30 ans (art. L1123-1 et suivants du code général de la propriété des personnes physiques). Pour accélérer leur reprise, le projet de loi (art. 27) raccourcit ce délai à 10 ans. Ce délai plus bref sera applicable dans certains secteurs (grande opération d’urbanisme, opération de revitalisation de territoire, zone de revitalisation rurale ou quartier prioritaire de la politique de la ville).

Alignement d’arbres

L’article 62 vise à assurer une protection des alignements d’arbres en introduisant une interdiction d’abattre des arbres situés dans un alignement. L'abattage nécessité par des raisons de sécurité ou d’état sanitaire de l’arbre serait possible sous réserve du dépôt d’une déclaration à la préfecture. Le préfet pourra aussi autoriser des abattages s’ils sont nécessaires à des projets de travaux ou d’ouvrages. Mais le demandeur devra présenter les mesures de compensation des atteintes portées aux alignements d’arbres qu’il s’engage à mettre en œuvre. Le préfet appréciera le caractère suffisant des mesures avant de délivrer l’autorisation.

Diagnostic assainissement

Le projet de loi (art. 64) vise à améliorer le contrôle des systèmes d’assainissement. Si les sénateurs ont approuvé la volonté de mieux contrôler la qualité du raccordement des immeubles au réseau de collecte des eaux usées, ils ont toutefois largement remanié le dispositif.

Le texte prévoit un contrôle de tout nouveau raccordement de l’immeuble au réseau et lorsque les conditions de raccordement sont modifiées. A l’issue du contrôle, la commune établira un document attestant sa conformité.

En cas de vente d’un immeuble d’habitation raccordé au réseau de collecte, l’attestation, datée de moins de 10 ans, est jointe au dossier de diagnostic technique (art. L 1331-11-2 nouveau du CGCT).

Le même article introduit une nouvelle obligation pour le syndic de copropriété : il aura la charge de faire réaliser un contrôle des raccordements de l’immeuble au réseau public d’assainissement et de tenir à disposition des copropriétaires le document établi à la suite de ce contrôle (art. 18 complété de la loi du 10 juillet 1965). Ce nouveau régime entrerait en vigueur en 2023.

Infrastructures de gaz

L’article 63 règle la question de la propriété des colonnes montantes de gaz. Il s’agit des canalisations destinées à l’utilisation du gaz situées en amont des dispositifs de comptage. 

Le projet de loi (art. L 432-15 nouveau du code de l’énergie) fixe le principe que ces canalisations appartiennent au réseau public de distribution du gaz.

Toutefois, jusqu'au 31 juillet 2023, les propriétaires (ou copropriétaires) des immeubles concernés pourront soit notifier au gestionnaire du réseau l’acceptation du transfert au réseau public de ces canalisations, qui prendra effet immédiatement, soit revendiquer la propriété de ces canalisations.

Le transfert sera effectif après visite des canalisations.

Faute de notification au 1er aout 2023, les propriétaires seront réputés avoir accepté le transfert.

Règlement de copropriété

L’article 24 du projet de loi revient sur la question des parties communes spéciales ou à jouissance privative et des lots transitoires. La loi ELAN avait introduit ces notions d’origine jurisprudentielle dans la loi de 1965 et fixé un délai pour la mise en conformité des règlements de copropriété avec ces notions nouvelles. Ces notions doivent être mentionnées expressément dans le règlement. L’article 24 accorde un nouveau délai de 3 ans pour la mise en conformité.

Accident de sport en espace naturel

Signalons enfin un nouvel article introduit par les sénateurs qui vise à répondre à la question de la responsabilité du propriétaire d’un lieu naturel qui autorise la pratique d’un sport de nature sur son terrain. La jurisprudence ayant reconnu la responsabilité du propriétaire en cas d’accident, de nombreux sites ont été fermés à la pratique de ces sports. Pour éviter la généralisation de ces interdictions, l’article 73 bis A prévoit que le gardien de l’espace naturel dans lequel s’exerce un sport de nature n’est pas responsable des dommages causés à un pratiquant lorsque ceux-ci résultent de la réalisation d’un risque inhérent à la pratique sportive considérée.

 

Bertrand Desjuzeur, Journaliste

Source : 25 millions de propriétaires • N°555 octobre 2021

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