Les avantages de la ville sans les inconvénients ... Aussi étendue que Lyon pour environ six fois moins d'habitants (143000 et 209 000 avec l'agglomération), la cité des mythiques 24 heures est rarement étouffée par le trafic automobile et jouit d'un cadre de vie paisible. Son paysage urbain s'est dessiné dès le début du 19• siècle avec les « mancelles », maisons ouvrières individuelles à un étage qui se sont alignées à un rythme effréné sous l'impulsion du préfet Eugène... Mancel.
Aujourd'hui encore, la Sarthe est avec la Mayenne le département des Pays de la Loire comptant le plus de propriétaires avec 64 % des habitants. Et longtemps, Le Mans a bénéficié de prix exceptionnellement bas pour une agglomération de cette importance. Faut-il y voir un rayonnement économique moindre par rapport à ses voisines Angers et Tours, plus bourgeoises et plus riches ? Malgré un emplacement géographique enviable au carrefour autoroutier et ferroviaire de Paris, de la Normandie et des grandes métropoles nantaise et rennaise, la ville a perdu plus de 2000 emplois en cinq ans selon une étude du Figaro en décembre dernier. « Le Mans est une ville historiquement ouvrière, marquée par son histoire avec Renault, rappelle Julien Lefèvre, délégué à la communication pour la chambre interdépartementale des notaires de la Sarthe/Mayenne/ Maine-et-Loire. Elle s'est adaptée à cet « électorat ». Aujourd'hui encore, son atout maître est le prix de son immobilier et la densité des transactions ne faiblit pas. » Il y est encore possible d'acquérir une petite maison à moins de 150 000 euros. « C'est une ville humaine qui correspond aux ressources de ses habitants mais aussi aux nouveaux désirs de tous en cette période délicate, poursuit Tiphaine Fontaine, gérante de Fontaine Immobilier. On veut revenir à l'essentiel : ne pas perdre de temps inutilement dans les transports, respirer l'air de la campagne en moins de dix minutes. ». Un confort de vie à un prix raisonnable, même si, forcément, la facture n'est plus la même depuis peu... Jugez plutôt, en 2015, il fallait compter entre 1 600 et 1 700 euros le mètre carré. En début d'année 2021, le chiffre moyen s'élevait à un peu plus de 2000 euros, soit une poussée de 11 % par rapport à début 2020, soit la huitième plus importante augmentation parmi les villes françaises moyennes. La préfecture sarthoise aimante de plus en plus, avec d'autres atouts... A commencer par des habitants de la région parisienne las des confinements, en quête de jardins mais aussi d'une «campagne» rapidement accessible. Dans certains quartiers (Ardriers, Sablons ... ), l'ambiance urbaine se dissipe en effet très vite pour laisser place à un environnement rural ou à une forêt. « J'ai conclu une affaire avec une famille parisienne qui, avec un budget de 500 000 euros, hésitait entre un appartement de 80 mètres carrés à Paris et une maison bourgeoise au Mans, à 55 minutes de TGV Lorsqu'ils ont visité, leur décision a été vite prise», souligne Tiphaine Fontaine. Si Le Mans profite indéniablement de la crise sanitaire, elle jouit également d'une meilleure image et d'une communication plus impactante. En mars 2019, la ville, administrée par l'ancien ministre de !'Agriculture Stéphane Le Foll, a lancé sa marque territoriale « Of course Le Mans ». Comme s'il semblait enfin « évident » de se sentir bien au Mans, ville célèbre des Etats-Unis au Japon pour ses 24 heures, mais désormais également reconnue au niveau national pour sa qualité de vie, ses joyaux historiques (la cathédrale, la muraille GalloRomaine, candidate à l'UNESCO, la vieille ville très bien préservée ... ), ses réalisations architecturales (le théâtre, la Visitation) et ses récents efforts pour le développement économique. Le pôle acoustique à l'Université est le plus important d'Europe et un Technocampus verra le jour en octobre 2022. Installé depuis une dizaine d'années au Mans, Miguel Fontaine (Fontaine Immobilier) a pu mesurer les effets de ce changement: «Une vraie dynamique a été impulsée. On est passé d'une ville-dortoir industrielle plantée dans la campagne à une ville qui bouge. » Des prix immobiliers boostés par une meilleure attractivité et des offres en recul Conséquence, la demande a tellement gonflé (+ 60% entre la fin d'année 2019 et la fin d'année 2020) que l'offre n'a pu suivre le rythme. « Il manque des biens, confirme Miguel Fontaine. On en propose environ quarante au lieu d'une centaine auparavant. Mais nous travaillons autant. Ils peuvent partir désormais en deux jours. Un bien qui sort est tout de suite remplacé, surtout la mancelle quatre chambres, avec jardin entre 250 000 et 350 000 euros située en centre-ville. » Le télétravail est entré également dans les mœurs des entreprises et influence les choix des Manceaux salariés à Paris ou Angers, situé à 40 minutes de train. Il ne leur est plus nécessaire désormais de trouver un logement proche de la gare. Conséquence : les prix augmentent dans tous les quartiers, mais encore à un niveau accessible. Y compris pour les primo-accédants, les crédits demeurant abordables avec des intérêts toujours très bas. « Peu d'autres villes permettent à de très jeunes couples d'acheter une maison », affirme Miguel Fontaine. En outre, la fiscalité en terre mancelle (taxe d'habitation, taxe foncière sur le bâti et le non bâti, taxe foncière additionnelle sur le non-bâti) reste une des plus modestes de France pour les villes de plus de 50 000 habitants, avec 411 € par habitant selon Le Parisien. Une bonne rentabilité de l'investissement locatif 2020, annus horribilis pour l'économie, a finalement été dynamique sur le marché immobilier manceau : davantage de ventes, des acheteurs mais aussi des investisseurs toujours en éveil. « La crainte de l'impact financier du Covid a fait sortir les liquidités des banques, explique Tiphaine Fontaine. On a vu beaucoup de clients parisiens investir dans la pierre mancelle, notamment des immeubles pour faire du locatif » Une étude récente de SeLoger a classé Le Mans au 8e rang des villes françaises les plus prisées pour les investissements locatifs, avec une rentabilité nette de 4,6%. « La seule problématique est le nombre important de résidences des années 70 sans balcon. Or, les acheteurs recherchent un accès à l'extérieur minimum avec les restrictions sur les sorties. Ces appartements-là vont se vendre un peu en-dessous du marché, aux alentours de 90 000 euros. » Reste que nul besoin d'être riche comme Crésus pour s'offrir un appartement au Mans. Un studio peut s'acheter 40 000 euros. « Il y a un large choix sur le marché du locatif, souligne Charlène Stitou, agente immobilière spécialisée dans les transactions et états des lieux pour plusieurs agences. Les prix ayant explosé à Paris ou Nantes, les investisseurs se tournent vers Le Mans, surtout pour les studios, meublés, ce qui marche le mieux ici, notamment avec les étudiants de l'Université du Mans. Le loyer moyen tourne autour de 350-400 euros avec l'assurance d'être bien logé ».
Alors que les Pays de la Loire font face depuis deux ans à une forte baisse des perspectives de construction, la promotion « neuve » résiste au Mans avec + 19% de logements vendus sur la dernière année. Le prix dans le neuf a également augmenté de 6 % sur la dernière année avec un prix de 2690 euros au m2. «Le marché manceau reste relativement actif, même s'il demeure en retrait par rapport aux constructions à Angers, Nantes ou sur le littoral atlantique, précise Patrice Pailloux, délégué régional de la Fédération des propriétaires immobiliers (FPI). Ce territoire ne bénéficie plus de la loi Pinel car son marché n'est pas considéré comme suffisamment « tendu ». Il n'en demeure pas moins à un tournant. On sent chez le maire une envie plus forte de développement au moment même où d'autres métropoles comme celles de Nantes et Angers ne remplissent plus autant leur rôle pour accueillir des habitants. Or, la construction neuve permet de satisfaire des besoins sociaux assez forts et d'offrir de l'emploi dans un large spectre socio-professionnel. Tout en répondant aux enjeux écologiques dictés par l'économie circulaire: énergie, orientation des bâtiments, choix des matériaux etc. » Autant de nouveaux virages à bien négocier pour la ville de l'automobile...
Par Rodolphe Tréhet, journaliste
Source : 25 millions de propriétaires • n° 551 mai 2021 - © Photo de Luke Shaddick sur Unsplash
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