Je souhaite récupérer un logement que je loue actuellement pour y établir ma résidence principale, mais également pour y exercer mon activité libérale. Puis-je, pour ce motif, délivrer un congé pour reprise à l’issue du bail ?
Concernant le congé pour habiter, l’article 15, I de la loi du 6 juillet 1989 indique que « lorsqu’il donne congé à son locataire pour reprendre le logement, le bailleur justifie du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise. » Même si l’article 15, I ne parle que de « reprise », il ne fait aucun doute que cette reprise doit être faite pour habiter. La reprise du bailleur pour habiter suppose l'habitation des locaux à titre de résidence principale, et non comme résidence secondaire (Cass. 3e civ., 4 novembre 2003, n° 02-16.391). Comme vous occuperez les lieux à titre de résidence principale, cette condition sera remplie. Mais pourrez-vous également y exercer une activité professionnelle ?
Du temps de la loi du 22 juin 1982, il a été jugé que la reprise pouvait être effectuée pour un usage mixte d'habitation et professionnel :
« Attendu que les époux X. [les locataires] font grief à l'arrêt d'avoir (…) ordonné leur expulsion, alors, selon le moyen, "qu'est inefficace l'exercice frauduleux du droit de reprise du logement loué par le bailleur ; que les bailleurs ayant déclaré reprendre l'appartement loué pour l'habiter personnellement, conformément à l'article 9 de la loi du 22 juin 1982, tout en ayant cependant l'intention de l'occuper, au moins pour partie, à des fins professionnelles, ainsi qu'ils l'ont reconnu, la cour d'appel aurait dû rechercher si dans ces conditions, indépendamment de la validité du congé, les bailleurs n'avaient pas frauduleusement exercé leur droit de reprise, et n'a pas, dès lors, légalement justifié sa décision au regard des articles 9 et 68 de la loi du 22 juin 1982, applicable à l'espèce" ; Mais attendu (…) que la loi du 22 juin 1982 s'appliquant aux locaux à usage mixte, professionnel et d'habitation, n'exclut pas la possibilité d'une reprise à cette double fin ; (…) D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Par ces motifs, rejette le pourvoi » (Cass. 3e civ., 19 juillet 1988, n° 87-12.057).
Selon le JurisClasseur Bail d'habitation, cette solution « est transposable à la loi du 6 juillet 1989. En revanche, la reprise du local pour un usage exclusivement professionnel ne serait pas possible (J. Lafond et B. Vial-Pedroletti, Les baux d'habitation : Litec imm. 2017, n° 1783) ».
Par conséquent, le logement étant repris pour un usage mixte d'habitation et professionnel, vous pourrez délivrer un congé pour reprise à votre locataire au moins six mois avant la fin du bail en cours.
À noter : depuis la loi ALUR du 24 mars 2014, en cas de congé frauduleux, le bailleur encourt une amende pénale dont le montant ne peut être supérieur à 6 000 € pour une personne physique et à 30 000 € pour une personne morale. Le montant de l'amende est proportionné à la gravité des faits constatés (article 15, IV de la loi du 6 juillet 1989).
Cela ne répond pas à toutes vos interrogations ?