Assemblée générale de copropriété : majorités et décisions ?
La loi encadre de façon précise les conditions dans lesquelles l’assemblée générale délibère. Le respect de ces conditions est important: il conditionne la validité des délibérations. La portée et le respect des règles de majorité méritent en conséquence la plus grande attention. Détails.
Rappel de quelques principes généraux de l'assemblée générale de copropriété
Le syndicat des copropriétaires est doté par la loi de la personnalité morale.
Son objet est défini par l’article 14 alinéa 4 de la loi du 10 juillet 1965 : « Il a pour objet la conservation de l’immeuble et l’administration des parties communes ».
Il convient de rappeler, même si cette situation ne se retrouve que rarement en pratique, que les délibérations de l’assemblée générale doivent être adoptées dans le respect de cet objet « social » qui pose une limite à la compétence de l’organe délibérant. Il en résulte que, même prise à la majorité requise, une délibération qui excéderait les prérogatives du syndicat ne pourrait s’imposer à tous les copropriétaires et pourrait être contestée. Une telle décision adoptée à l’unanimité verrait sa force obligatoire cantonnée aux seuls copropriétaires pris en qualité de cocontractants.
Assemblée générale de copropriété
Par assemblée générale, on entend l’assemblée, réunie au moins une fois par an et à laquelle sont convoqués tous les copropriétaires.
Il existe d’autres assemblées particulières dont seuls certains copropriétaires sont membres comme les assemblées de syndicats secondaires, les assemblées de copropriétaires de parties communes spéciales, de copropriétaires supportant certaines dépenses d’entretien d’une partie de l’immeuble ou de fonctionnement d’un élément d’équipement (article 24-III)...
Ce sont alors les copropriétaires votant et, le cas échéant, le comptage des voix qui sont spécifiques tandis que les règles de calcul de majorité restent les mêmes.
Majorités et convocations à l’assemblée générale de copropriété
Il est fréquent que le syndic précise dans le texte de la convocation, pour chacune des délibérations, la majorité à laquelle doit être votée la décision. Cette mention, qui n’est pas obligatoire, ne peut justifier à elle seule, au cas d’erreur, une irrégularité de la délibération. Le point décisif reste le respect de la majorité applicable.
Dans ces conditions, si la convocation vise la majorité de l’article 25 de la loi (majorité des voix de tous les copropriétaires, présents ou non) alors que la majorité imposée est celle de l’article 24 (majorité des votes exprimés des copropriétaires présents ou représentés), il suffira que le vote intervienne à la majorité de l’article 24 pour être valable.
Les règles de majorité sont d’ordre public
Il en résulte que les mentions du règlement de copropriété ne peuvent pas prévoir de dispositions contraires à celles fixées par la loi. Cette règle s’applique en ce compris aux règlements de copropriété rédigés avant la promulgation de la loi du 10 juillet 1965. Dans une telle hypothèse, les mentions du règlement de copropriété seront réputées non écrites.
Les majorités de vote en assemblée générale de copropriété
Majorité simple
(article 24 de la loi de 1965)
Majorité des voix (tantièmes) exprimées des copropriétaires présents ou représentés. Les abstentionnistes et les votes blancs ne sont pas pris en compte
Majorité absolue
(article 25 de la loi de 1965)
Majorité des voix (tantièmes) de tous les copropriétaires présents, représentés ou absents.
Double majorité
(article 26 de la loi de 1965)
Majorité de tous les copropriétaires présents, représentés ou absents détenant les deux tiers de voix (tantièmes).
Expression et comptage des voix
Mention précise Il est impératif que soient mentionnées au procès verbal, ou à tout le moins à la feuille de présence, toutes les voix susceptibles de s’exprimer sur le vote considéré. À défaut une nullité peut être encourue. La Cour de cassation (Cass.civ. 3ème ch., n° 94-19140, 20 nov.1996) a cassé une décision de Cour d’appel qui avait refusé d’annuler une délibération tout en constatant qu’un total de 9 954 millièmes figurait à la feuille de présence alors que la copropriété comptait en réalité 10 000 millièmes. Bien que la Cour ait estimé que l’expression de 46 millièmes non pris en compte, qui représentaient des stationnements non attribués, n’aurait rien changé au résultat du vote, la cassation intervient.
Non prise en compte ou réduction En vertu de la loi, certaines voix peuvent ne pas être prises en compte ou font l’objet d’une réduction. Il est, par exemple, prévu par la loi ALUR que lorsque l’assemblée vote la saisie immobilière d’un lot pour défaut de paiement des charges de copropriété, les voix du débiteur saisi ne peuvent être prises en compte. Ce débiteur de surcroît ne peut ni donner mandat, ce qui se conçoit compte tenu de l’interdiction de vote qui le frappe, ni recevoir de mandat. On peut comprendre l’objectif poursuivi ici par le législateur. Il était choquant, en effet, que le vote négatif du débiteur d’un arriéré de charges nécessairement impor- tant, au point parfois de mettre gravement en péril les intérêts de la collectivité, puisse avoir pour effet de paralyser une mesure de poursuite indispensable. Dans la pratique, cette situation reste cependant exceptionnelle. Par ailleurs, selon l’article 22-3ème alinéa de la loi du 10 juillet 1965, le nombre de voix d’un copropriétaire qui dispose d’une quote-part de parties communes supérieures à la moitié subit une réduction de ses voix à hauteur de la totalité des voix des autres copropriétaires. Cette réduction a une incidence directe sur le calcul des règles de majorité.
Sanction judiciaire de la violation des règles de majorité
Ce contentieux relève de la compétence du Tribunal de Grande Instance du lieu de l’immeuble et la procédure impose la représentation obligatoire par avocat. Rappelons deux points importants :
la compétence du juge est strictement cantonnée au contrôle de la validité de la, ou des délibérations de l’assemblée générale. Le juge ne peut pas se substituer au pouvoir souverain de l’assemblée générale d’adopter une délibération. Il en résulte, par exemple, que l’annulation de la décision de refus de l’assemblée générale opposée à une demande de travaux affectant les parties communes formée par un copropriétaire ne vaut pas autorisation de réaliser les travaux envisagés. Toutefois, dans certains cas exceptionnels, le juge pourra intervenir en dérogation à ce principe ;
la décision de l’assemblée générale reste valide aussi longtemps qu’elle n’a pas été définitivement annulée. Il est donc tout à fait possible, et cela arrive plus souvent qu’il n’y paraît, qu’une délibération soit votée à une majorité inexacte, par exemple, le vote de travaux à la majorité des voix exprimées par les présents et représentés alors qu’il aurait fallu appliquer la majorité de tous les copropriétaires. Pour autant, à l’expiration du délai de recours de deux mois prévu par l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 sans contestation en justice, la délibération de l’assemblée ne pourra plus être remise en cause. Ne perdons pas de vue également que le strict respect des règles de majorité ne chasse pas totalement le spectre de l’annulation ! La jurisprudence applique, en effet, au contrôle de la régularité, la théorie de l’abus ici qualifié abus de majorité lequel consiste, au-delà du respect formel des règles de vote, à se livrer à un détournement de l’intérêt collectif.
Les différentes majorités applicables en assemblée générale de copropriété
La loi a fixé des règles de majorité plus ou moins strictes selon la nature et l’importance des décisions qui doivent être votées. Ce souci de cohésion, tout à fait légitime, a cependant été mis à rude épreuve en raison de l’absentéisme qui frappe, en particulier, les résidences commercialisées sous les différents régimes incitatifs de défiscalisation et composées majoritairement de copropriétaires « investisseurs ». Dans ces conditions, le législateur a été contraint, au fil des années, à alléger les exigences de majorités.
Il existe trois majorités distinctes prévues par les articles 24, 25 et 26 de la loi du 10 juillet 1965, sans oublier les situations dans lesquelles l’unanimité sera exigée.
La majorité de l’article 24
Il s’agit de la majorité que l’on peut qualifier de droit « commun », dans la mesure où la loi prévoit que cette majorité s’applique : « ... s’il n’en est autrement prévu par la loi ».
Depuis la loi SRU (Solidarité et renouvellement urbains du 13 décembre 2000), le vote en application de cet article intervient à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés. Cela signifie que seuls sont comptabilisés les votes exprimés ; les abstentionnistes ainsi que les votes blancs ou nuls n’étant pas pris en compte.
Imaginons une réunion d’assemblée générale d’une copropriété qui compte 10 000 tantièmes.
Présents ou représentés ................. 7 588
Si toutes les voix s’expriment, la délibération votée à l’article 24 (le vote du budget par exemple) devra pour être adoptée recueillir 7 588 / 2 = 3794 + 1 = .............. 3 795 voix Si à l’issue du scrutin, les abstentions + les votes nuls et blancs atteignent un total de 3386 voix, la majorité se décomptera comme suit :
Il faut surtout retenir que les décisions courantes mais importantes de la vie de la résidence sont adoptées à cette majorité comme l’adoption des budgets prévisionnels, l’approbation des comptes et le quitus donné au syndic, les règles relatives au fonctionnement du conseil syndical, la décision d’externaliser la conservation des archives.
La loi, cependant, impose au syndic d’inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée le vote à la majorité de l’article 24 de certaines questions comme les votes relatifs au raccordement de la résidence au numérique, au réseau hertzien, la mise en œuvre du DPE (diagnostic de performance énergétique), l’installation de raccordements pour les véhicules électriques...
De façon générale, les décisions prises à la majorité de l’article 24 sont des décisions relatives à l’entretien et à la conservation de l’immeuble ce qui inclut les décisions de gestion : travaux d’entretien et de conservation courants, travaux de mise aux normes en ce compris aujourd’hui les normes d’accessibilité, travaux rendus obligatoires, adapta- tions du règlement de copropriété imposées par l’évolution de la réglementation, décisions de gestion courante...
La majorité de l’article 25
Il s’agit de la majorité des copropriétaires c’est-à-dire de la moitié plus une des voix de tous les copropriétaires qu’ils soient ou non présents ou représentés à l’assemblée générale.
Dans une copropriété comptant 10 000 tantièmes, cela signifie que la décision relevant de l’article 25 ne pourra être votée que si elle recueille
10 0000 / 2 = 5 000 + 1 = . . . . 5 001 voix
Cette majorité s’applique exclusivement dans les cas visés par la loi qu’il s’agisse des hypothèses listées à l’article 25 lui-même ou celles prévues par d’autres articles (article 18 II ouverture du compte séparé, article 21 montant des marchés et contrats à partir duquel le conseil syndical doit être consulté, article 27 création d’un syndicat secondaire, article 29 du décret du 17 mars 1967 approbation du contrat de syndic...).
Les décisions les plus significatives relevant de l’article 25 sont notamment :
la possibilité de déléguer au conseil syndical certaines décisions et missions ;
l’autorisation donnée à certains copropriétaires d’effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, et conformes à la destination de celui-ci ;
la désignation ou la révocation du syndic ;
la modification de la répartition des charges ;
depuis l’entrée en vigueur de la loi ALUR, également les travaux d’amélioration qui relevaient jusque là de l’article 26 soit d’une majorité doublement qualifiée et quasiment impossible à réunir.
Applique-t-on toujours à bon escient la majorité de l’article 24 ?
Des hésitations peuvent surgir car en l’absence d’une nomenclature répertoriant toutes les décisions (nomenclature impossible à mettre en place bien évidemment), certaines questions sont susceptibles de relever d’une autre majorité.
Quid par exemple de la convention de location de parties communes pour la mise en place de relais de téléphonie mobile ? Ou de la mise en location de certaines parties communes comme des emplacements de parkings à des copropriétaires ou à des tiers comme des locataires par exemple ?
La jurisprudence considère qu’il s’agit de décisions de gestion des parties communes qui relève de la majorité de droit commun de l’article 24.
Mais chaque situation mérite une attention particulière notamment dans l’hypothèse où de telles décisions sont susceptibles de porter atteinte à la jouissance ou à l’usage de certaines parties privatives ou encore d’affecter la destination de l’immeuble telle qu’elle est fixée par le règlement de copropriété. Ces décisions relèveraient alors de la majorité qualifiée de l’article 26 de la loi voire de l’unanimité.
Un second vote possible pour échapper à un blocage
La majorité qualifiée de l’article 25 peut faire office de quorum car pour reprendre l’exemple d’une copropriété qui compte 10 000 tantièmes, dans l’hypothèse où seuls 5 000 tantièmes sont présents ou représentés à l’assemblée générale : aucune délibération relevant de cette majorité ne pourra être adoptée.
C’est la raison pour laquelle le législateur a prévu des tempéraments à cette règle en autorisant un second vote. Ces dispositions d’abord incluses dans le corps de l’article 25 lui-même en ont ensuite été détachées et remaniées par la loi SRU qui a créé un article 25-1 de la loi.
Ce texte permet d’échapper au blocage qui pourrait résulter de l’effet de quorum très pénalisant lorsqu’il s’agit de désigner le syndic par exemple.
Ainsi dans l’hypothèse où la résolution proposée n’a pas obtenu un vote favorable de la majorité des voix de tous les copropriétaires mais a recueilli un vote favorable exprimé par un tiers des voix de tous les copropriétaires un vote peut intervenir à la majorité de l’article 24.
Si la copropriété compte 1000 tantièmes, que 550 tantièmes au total sont présents et représentés et que la résolution obtient 400 voix en sa faveur et 150 voix contre, elle ne peut en toute hypothèse être adoptée, la majorité de l’article 25 étant à 501 tantièmes.
En vertu de l’article 25-1, il peut être procédé à un second vote immédiatement à la majorité de l’article 24, soit
550 / 2 = 275 + 1 = ............. 276 voix
De sorte que si le résultat est identique, ce qui est très vraisemblable, la résolution obtiendra largement la majorité.
Il convient de préciser que le second vote immédiat, c’est-à-dire au cours de la même séance, est une possibilité selon la loi et non une obligation. Il est vivement recommandé de prévoir dans la convocation cette possibilité pour chacune des délibérations susceptibles d’être soumises à ce second vote. Dans cette hypothèse, on doit signaler l’effet possible de l’application de la réduction des voix de l’article 22 (voir notre exemple dans l’encadré ci-dessous).
Enfin, l’article 25-1 prévoit une autre possibilité de second vote dans l’hypothèse où la délibération n’obtient ni la majorité requise ni au moins le tiers des voix en sa faveur, une deuxième assemblée peut être convoquée dans les trois mois au plus de la première et statuera à la majorité de l’article 24. Attention : la possibilité d’un second vote est exclu pour les travaux d’amélioration (n de l’article 25) et pour l’individualisation des compteurs d’eau (o de l’article 25).
La majorité de l’article 26
Cette majorité est doublement qualifiée. Il faut, en effet, que la résolution soit votée :
par la majorité en nombre des copropriétaires ;
lesquels doivent représenter deux tiers des voix de tous les copropriétaires.
Si une copropriété de 10 000 tantièmes compte 15 membres, il faudra que 8 copropriétaires votent en faveur de la résolution et qu’ils totalisent au moins 6 667 tantièmes.
Les deux conditions sont cumulatives.
Sur la base du même exemple, 8 000 tantièmes exprimés en faveur de la résolution mais détenus par 7 copropriétaires seulement ne suffiraient pas, de même 14 copropriétaires détenteurs de 6 666 tantièmes ne seraient pas suffisants pour adopter la délibération.
La double majorité de l’article 26 se voit donc réservée à des situations très spécifiques que la loi ALUR a encore limité en transférant à la majorité de l’article 25 certaines hypothèses (article 25 n et o évoqués précédemment, ce qui explique l’exclusion du second vote à l’article 24 sur ces deux sujets).
Les décisions soumises à l’article 26 sont limitativement énumérées :
acquisitions immobilières et actes de disposition autres que ceux de l’article 25d (actes de disposition résultant d’obligations légales ou réglementaires). L’acquisition doit intervenir dans le cadre de la mission du syndicat à défaut la décision relèverait de l’unanimité ; on peut citer l’exemple de l’achat d’une partie privative pour loger un gardien concierge. À noter que l’aliénation doit intervenir à titre onéreux ; une cession à titre gratuit pourrait relever de l’unanimité. Il pourra s’agir aussi de concession de droits privatifs sur des parties communes (usage de parties communes, construction priva- tive sur terrasse commune) ou de travaux réalisés par un copropriétaire qui aboutissent à une appropriation de parties communes. L’aliénation qui va concerner des parties communes en général (fond de couloir, caves, chambres de bonnes, palier...) ne doit pas porter sur des parties nécessaires au respect de la destination de l’immeuble ; là encore l’atteinte à la destination impliquerait un vote à l’unanimité. La modification de la répartition des tantièmes consécutive à l’aliénation de parties communes devra être votée à la majorité de l’article 26 ;
modification du règlement de copropriété ;
modalités d’ouverture des portes d’accès à l’immeuble ;
suppression du poste de concierge ou de gardien et aliénation du logement affecté à cet usage, ces deux questions devant être votées à la même assemblée générale.
D’autres dispositions renvoient à la double majorité de l’article 26 :
vote de travaux d’amélioration dans le cadre du pacte de relance pour la ville (en vertu de la loi ALUR) ;
possibilité donnée à l’assemblée générale de renoncer à l’institution du conseil syndical (article 21 alinéa 12 de la loi de 1965) ;
droit de surélever ou d’édifier des constructions nouvelles (article 35 de la loi de 1965).
Exemple d’effet de la réduction des voix au second vote immédiat (art. 25-1)
Dans une copropriété de 100 000 tantièmes au total, un copropriétaire dispose à lui seul de 60 000 tantièmes. Ce copropriétaire demande l’autorisation de procéder à des travaux affectant les parties communes, demande qui suscite l’opposition d’une partie significative des autres copropriétaires. La demande est soumise à la majorité de l’article 25 et doit donc obtenir 50 001 voix. Par l’effet de la réduction des voix, le copropriétaire majoritaire voit ses tantièmes ramenés au total de tous les autres copropriétaires soit 40 000 voix. La résolution n’obtient pas la majorité requise mais les voix du copropriétaire majoritaire quoique réduites représentent plus du tiers des voix de tous les copropriétaires :
100 000 / 3 = 33 000 < 40 000. Dans ces conditions, un second vote peut intervenir à la majorité de l’article 24 soit la majorité des voix exprimées par les copropriétaires présents ou représentés. Il faut donc que toutes les voix des autres copropriétaires s’expriment contre la demande. Cela suppose que tous les copro- priétaires soient présents ou représentés... ce qui n’arrive jamais ! Le second vote permet donc au copropriétaire majoritaire d’obtenir l’autorisation sollicitée avec ses propres voix...
Cette affaire a fait l’objet d’un contentieux judiciaire des copropriétaires ayant contesté l’application de l’article 25 au motif que l’importance des travaux projetés portait atteinte selon eux à la destination de l’immeuble. Or seule une décision prise à l’unanimité peut opérer une telle modification. Cette argumentation est fréquente. Dans le cas d’espèce, elle a été rejetée par le Tribunal de Grande Instance (TGI de Montauban 18 juin 2013).
L’unanimité en assemblée générale de copropriété
Ce catalogue des majorités, incomplet mais fastidieux, ne peut être totalement clôturé sans que soient évoquées les situations dans lesquelles l’unanimité s’impose. Ainsi certaines décisions requièrent l’unanimité et notamment :
la répartition des charges (article 11 de la loi de 1965) avec cependant des exceptions déjà évoquées lorsque la modification est consécutive à des travaux ou des actes de disposition ;
la souscription d’un emprunt (la loi ALUR ayant créé les articles 26-4 à 26-8 de la loi de 1965 qui organisent le régime des emprunts souscrits par le syndicat des copropriétaires) avec deux exceptions : l’emprunt a pour seule finalité le préfinancement de subventions publiques et l’emprunt bénéficie aux seuls copropriétaires qui ont décidé d’y participer ;
l’atteinte aux parties privatives (art. 26 alinéa 3 de la loi de 1965). L’assemblée générale ne peut prendre aucune décision qui soit de nature à modifier la destination des parties privatives sauf à l’unanimité (voir l’encadré ci-dessous relatif à la notion essentielle de destination de l’immeuble).
La notion de destination
Toute atteinte à la destination de l’immeuble, soit à l’occasion de travaux, soit à l’occasion d’aliénations ou d’acquisition, soit à l’occasion de décision affectant l’organisation de l’immeuble, imposera une décision à l’unanimité. L’argument est en conséquence très souvent invoqué à l’appui de recours dirigés contre la validité de résolutions d’assemblées générales. Il est cependant difficile à manier car la notion de destination de l’immeuble est assez difficile à cerner. On doit avant toute chose se référer au règlement de copropriété mais d’autres éléments pourraient être invoqués.
Ce débat est souvent engagé relativement aux travaux.
Un copropriétaire, par exemple, n’a pas hésité à soutenir, avec une certaine habileté, que des travaux assez banals au demeurant de remplacement de moquettes palières en parties communes portaient atteinte à la destination de l’immeuble car la qualité des revêtements ne pouvaient pas satisfaire au label Qualitel qui bénéficiait à la résidence qualifiée de «standing».
Peut-on considérer qu’un label de qualité qui participe le cas échéant de la valeur des lots fait partie intégrante de la destination de l’immeuble ? La question n’est pas inopportune. Dans le cas évoqué, le syndicat a préféré faire intervenir à ses frais un bureau de contrôle pour démontrer qu’aucune atteinte n’était portée au label. La demande a été rejetée et l’argumentation sur la destination écartée (TGI de Toulouse 1ère ch. 13 avril 2015). Pour des raisons de sécurité juridique de fonctionnement de la copropriété, il paraît prudent de s’en tenir à une notion la plus objective possible de la destination de l’im- meuble à savoir celle tirée de la lettre du règlement de copropriété. De façon générale, il s’agira d’une destination à usage mixte (professionnel, commercial et habitation ou professionnel et habitation), à usage exclusif (professionnel ou habitation ou commercial) sans exclure des destinations plus spécifiques (immeuble spécialisé à usage de certaines professions, médicales par exemple).
Mais les exigences de qualité, de plus en plus présentes dans les règles de construction mais aussi de fonctionnement des copropriétés, en particulier énergétiques, qui représentent des investissements économiques importants pourraient aussi prétendre à entrer dans les éléments qui fondent cette notion cardinale de la destination, on l’aura bien compris, tout particulièrement au regard des règles de majorités dont le respect s’impose aux assemblées générales de copropriété.