Le décret n°2019-650 du 27 juin 2019 (JO du 28 juin 2019) comporte « diverses mesures relatives au fonctionnement des copropriétés et à l'accès des huissiers de justice aux parties communes d'immeubles ». Entré en vigueur dès le 29 juin 2019, il permet l’application de plusieurs innovations de la loi ELAN du 23 novembre 2018. Il opère également, sans lien avec la loi ELAN, plusieurs retouches significatives du décret du 17 mars 1967 relatif à la copropriété.
Un pas de plus est fait vers la « copropriété 3.0 ». Le décret vise aussi à associer davantage les copropriétaires aux prises de décision. Il contient enfin diverses mesures de modernisation.
L’article 211 de la loi ELAN a inséré dans la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété un nouvel article 17-1 A aux termes duquel « les copropriétaires peuvent participer à l'assemblée générale par présence physique, par visioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique permettant leur identification ».
Le décret du 27 juin 2019 laisse aux copropriétaires le soin de choisir le moyen de communication à utiliser. Il est seulement obligatoire que ce moyen de communication permette, outre l’identification du participant, la transmission de la voix (un système d’audioconférence peut donc suffire par exemple) et la retransmission « continue et simultanée des délibérations » (nouvel article 13-1 inséré dans le décret n°67-223 du 17 mars 1967 sur la copropriété).
Dans tous les cas, le choix est fait en assemblée générale sur la base de devis élaborés à l’initiative du syndic ou du conseil syndical. Bien sûr, « le syndicat des copropriétaires en supporte les coûts ».
Le décret ne précise pas la majorité applicable. S’agissant d’une dépense obligatoire, la décision relève sans aucun doute de la majorité de l’article 24.
Précisons que si le choix de l’outil de communication est libre, il est bel et bien obligatoire d’en adopter un. Un syndicat de copropriétaires qui rejetterait en bloc tout moyen de télécommunication se mettrait en faute vis-à-vis de copropriétaires souhaitant voter à distance.
Un nouvel article 13-2 inséré au décret du 17 mars 1967 précise que « le copropriétaire qui souhaite participer à l'assemblée générale par visioconférence, par audioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique en informe par tout moyen le syndic trois jours francs au plus tard avant la réunion de l'assemblée générale ».
Précisons qu’un délai « franc » court du lendemain du jour où la notification est faite, pour se terminer le dernier jour à minuit.
Par exemple, si une assemblée se tient le 10 janvier, le syndic doit être prévenu au moins le 6 janvier (si le 6 janvier tombe un jour chômé, mieux vaut s’y prendre le 5 pour éviter des controverses).
Comme chacun le sait, les télécommunications ne sont pas infaillibles. Aussi, il est prévu que « les incidents techniques ayant empêché le copropriétaire ou l'associé qui a eu recours à la visioconférence, à l'audioconférence ou à tout autre moyen de communication électronique de faire connaître son vote sont mentionnés dans le procès-verbal » (article 17 modifié du décret du 17 mars 1967).
Comme le souligne un commentateur, « ce vote « non exprimé » n’est pas un vote contre ». Mais « en toute logique, il faut considérer que lors de cet incident technique, le copropriétaire votant « à distance » était « absent », ce qui préserve son droit au recours »[1].
Depuis la loi ALUR de 2014, l’article 42-1 de la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété énonce que « les notifications et mises en demeure, sous réserve de l'accord exprès des copropriétaires, sont valablement faites par voie électronique[2] ».
Le décret du 27 juin 2019 apporte davantage de souplesse en la matière.
Comme auparavant, l’accord pour des envois dématérialisés peut être donné lors de l’assemblée générale. Il est dans ce cas mentionné dans le procès-verbal d’assemblée.
Mais il peut également être communiqué au syndic à tout moment. Pour ce faire, il n’est désormais plus nécessaire de recourir à une lettre recommandée (postale ou électronique). L’accord peut en effet être « adressé à tout moment au syndic par tout moyen conférant date certaine » (article 64-1, deuxième alinéa modifié du décret du 17 mars 1967). Un envoi par courriel électronique devrait ici suffire[3].
Par ailleurs, un copropriétaire n’est plus obligé d’opter en bloc pour l’envoi par voie électronique à la fois des notifications et des mises en demeure. Ainsi, le copropriétaire doit préciser si son accord « porte sur les notifications, les mises en demeure ou les deux » (article 64-1, premier alinéa modifié). On peut ainsi imaginer qu’un copropriétaire un peu désordonné préfère recevoir les éventuelles mises en demeure d’avoir à payer les charges par lettre recommandée papier.
Dans le même sens, un copropriétaire peut aujourd’hui retirer son accord par tout moyen conférant date certaine (une lettre recommandée n’est plus nécessaire). Dans ce cas, « cette décision prend effet le lendemain du huitième jour suivant la réception par le syndic » (article 64-2 modifié).
Dorénavant, un copropriétaire peut même révoquer son accord lors de l’assemblée générale, auquel cas « le syndic en fait mention sur le procès-verbal ».
Une autre nouveauté concerne la possibilité d’opter pour un téléchargement des annexes de la convocation à l’assemblée générale via un extranet.
En effet, un nouvel article 64-5 inséré dans le décret du 17 mars 1967 énonce que « lorsque la copropriété est dotée d'un espace en ligne sécurisé, la notification des documents mentionnés à l'article 11 peut, sous réserve de l'accord exprès du copropriétaire, valablement résulter d'une mise à disposition dans un espace du site dont l'accès est réservé aux copropriétaires. La convocation mentionnée à l'article 9 précise expressément que ces documents sont accessibles en ligne et la durée de la mise à disposition ».
Notons que l’accord pour l’envoi dématérialisé évoqué précédemment (article 64-1, premier alinéa) peut précisément ne porter que sur l’usage de l’extranet en matière de convocation (article 64-1).
Enfin, on peut signaler que les appels de charges, que ces dernières correspondent ou non au budget prévisionnel, peuvent désormais être adressés par message électronique (à la place d’une lettre simple), sous réserve toutefois de l'accord exprès du copropriétaire (article 35-2 modifié du décret du 17 mars 1967).
Au-delà de la visioconférence (ou de l’audioconférence), le nouvel article 17-1 A évoqué ci-dessus prévoit également la possibilité de « voter par correspondance avant la tenue de l'assemblée générale, au moyen d'un formulaire ».
Il est prévu que « les mentions du formulaire de vote par correspondance et ses modalités de remise au syndic » soient précisées par décret.
Assez curieusement, le décret du 27 juin 2019 n’apporte aucune précision sur ce point.
Est-ce à dire que le gouvernement a été « sensible aux avis de la doctrine concernant l’article 17-1 A nouveau, alinéa 2 »[4] ? En effet, ce texte prévoit que « les formulaires ne donnant aucun sens précis de vote ou exprimant une abstention sont considérées comme des votes défavorables ».
Or, « l’assimilation de l’absence de choix ou de l’abstention à un vote « contre » risquait donc d’avoir un effet désastreux sur tous les votes relevant de l’article 25, interdisant même le second vote, faute de recueillir le 1/3 des voix au premier tour. On peut donc espérer que l’absence dans le décret du 27 juin 2019 de dispositions d’application du texte annonce une correction de celui-ci par voie d’ordonnances ».
La notification obligatoire des convocations aux assemblées à chacun des copropriétaires n’empêche malheureusement pas l’absentéisme lors des assemblées.
Dans l’espoir que les assemblées attirent davantage de monde, le décret du 27 juin 2019 oblige les syndics à informer par voie d’affichage les copropriétaires de la date de l’assemblée (article 9 du décret du 17 mars 1967 modifié).
Par ailleurs, cet affichage doit rappeler les règles concernant la possibilité pour tout copropriétaire de demander l’inscription d’une question à l’ordre du jour. Il doit d’ailleurs être réalisé dans un « délai raisonnable permettant aux copropriétaires de faire inscrire leurs questions à l'ordre du jour ».
Cette formalité n’est cependant pas prescrite à peine d’irrégularité de la convocation.
Le décret du 27 juin 2019 clarifie également l’obligation pour le syndic de rappeler le droit d’inscription d’une question à l’ordre du jour dans tous les appels de charges (article 10 modifié).
Depuis la loi ELAN du 23 novembre 2018, l’article 22, I, troisième alinéa de la loi du 10 juillet 1965 énonce expressément que « lorsque le syndic a reçu des mandats sans indication de mandataire, il ne peut ni les conserver pour voter en son nom, ni les distribuer lui-même aux mandataires qu'il choisit ».
Le décret du 27 juin 2019 précise que, dans cette hypothèse, le syndic « remet ce mandat en début de réunion au président du conseil syndical [en place au moment où l’assemblée débute] afin qu'il désigne un mandataire pour exercer cette délégation de vote. En l'absence du président du conseil syndical ou à défaut de conseil syndical, le syndic remet aux mêmes fins ce mandat au président de séance désigné par l'assemblée générale » (nouvel article 15-1 inséré dans le décret du 17 mars 1967).
Bien évidemment, dans la seconde hypothèse, les mandats ne peuvent être utilisés qu’après l’élection du président de séance.
Par ailleurs, il est désormais prévu que « le procès-verbal précise, le cas échéant, si les mandats de vote ont été distribués par le président du conseil syndical ou par le président de séance » (article 17, deuxième alinéa nouveau du décret du 17 mars 1967).
En interdisant expressément au syndic de participer à la distribution des mandats en blanc lors de l’émargement, le but est à la fois de l’empêcher d’influer sur le sens des votes et de donner au vote un gage d’impartialité.
Il n’est pas non plus inutile que l’identité de la personne ayant distribué ces mandats (président du conseil syndical ou président de séance élu) soit précisée dans le procès-verbal.
S’il apparaît que le président du conseil syndical a systématiquement la main sur les pouvoirs en blanc, des copropriétaires pourraient vouloir à l’avenir assister davantage aux assemblées, désigner expressément un mandataire ou rédiger des consignes de vote.
La loi ALUR de 2014 a instauré l’obligation pour tout syndic professionnel de mettre en place « un accès en ligne sécurisé aux documents dématérialisés relatifs à la gestion de l'immeuble ou des lots gérés, sauf décision contraire de l'assemblée générale » (article 18, I, dernier alinéa de la loi du 10 juillet 1965).
La liste minimale des documents qui doivent figurer dans l’extranet à destination de l’ensemble des copropriétaires, des membres du conseil syndical ou des copropriétaires pris isolément a été fixée par le décret n°2019-502 du 23 mai 2019 (voir Actualités, juillet-août 2019, p. 11).
Le décret du 27 juin 2019 précise quant à lui que les documents mis à disposition par le syndic dans cet espace doivent être « téléchargeables et imprimables » (nouvel article 33-1-1 inséré dans le décret du 17 mars 1967).
Par ailleurs, les documents mis en ligne doivent être « actualisés au minimum une fois par an par le syndic, dans les trois mois précédant l'assemblée générale annuelle ».
Notons que la liste minimale des documents à inclure dans l’extranet ne devenant obligatoire que le 1er juillet 2020, l’application de l’ensemble du dispositif est repoussée à cette date.
L’article 55, premier alinéa du décret du 17 mars 1967 énonce que « le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l'assemblée générale ».
A défaut d’habilitation donnée en assemblée générale, le syndic n’a pas pouvoir pour agir et toute assignation en justice qu’il délivrerait encourt la nullité pour vice de fond (voir article 117 du Code de procédure civile).
Cette règle, destinée avant tout à protéger les copropriétaires contre les entreprises intempestives d’un syndic, représente cependant une arme redoutable pour les adversaires du syndicat des copropriétaires (assureurs, entrepreneurs, etc.). La jurisprudence a en effet confirmé que ces derniers pouvaient l’invoquer en défense (C.Cass., ass. plén., 15 mai 1992, n°89-18.021), et ceci à toute hauteur de la procédure (article 118 du CPC).
Aussi, de façon bienvenue, le décret du 27 juin 2019 a inséré à l’article 55 un nouvel alinéa aux termes duquel « seuls les copropriétaires peuvent se prévaloir de l'absence d'autorisation du syndic à agir en justice ».
Le texte de la loi ELAN adopté par le Parlement comprenait une disposition modifiant l’article L.111-6-6 du Code de la construction et de l’habitation et permettant aux huissiers d’accéder aux boîtes aux lettres des immeubles au même titre que les postiers.
Elle a cependant été censurée en tant que « cavalier législatif » par le Conseil constitutionnel (décision n° 2018-772 DC du 15 novembre 2018).
Le législateur a retenté sa chance dans le cadre de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, mais le Conseil constitutionnel a une nouvelle fois retoqué un cavalier législatif (décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019).
Le décret du 27 juin 2019 voit moins grand et se contente d’organiser le droit d’accès des huissiers aux parties communes sur autorisation du syndic ès-qualités, tel qu’il est prévu depuis 2010 par l’article L.111-6-6 du CCH.
Ainsi, « lorsque les parties communes d'un immeuble d'habitation ne sont pas accessibles librement depuis la voie publique, l'huissier de justice, ou le clerc assermenté, adresse, par tout moyen, une demande d'accès à celles-ci au propriétaire ou, en cas de copropriété, au syndic représentant le syndicat des copropriétaires concerné en justifiant de son identité, de sa qualité professionnelle ainsi que de la mission de signification ou d'exécution qui lui a été confiée » (nouvel article R.111-17-1 inséré dans le CCH).
Le syndic ou le propriétaire (immeuble en monopropriété) doit remettre des moyens d’accès à l’huissier « dans un délai maximal de cinq jours » (article R.111-17-1).
L’article 18-1 de la loi du 10 juillet 1965 permet à tous les copropriétaires de consulter les pièces justificatives des charges « pendant le délai s'écoulant entre la convocation de l'assemblée générale appelée à connaître des comptes et la tenue de celle-ci ».
Jusqu’ici, les copropriétaires pouvaient seulement « se faire assister par un membre du conseil syndical » (article 9-1 du décret du 17 mars 1967).
Une dernière innovation du décret du 27 juin 2019 consiste à permettre à chaque copropriétaire de « se faire assister par son locataire ou autoriser ce dernier à consulter en ses lieu et place les pièces justificatives de charges récupérables ».
Cette nouvelle possibilité est intéressante. En effet, autant profiter de la fenêtre d’accès liée à la tenue de l’assemblée pour permettre au locataire de consulter les pièces justificatives des charges (droit de vérification prévu par l’article 23 de la loi du 6 juillet 1989 sur les baux d’habitation).
[1] Agnès LEBATTEUX, Loyers et Copropriété n° 7-8, Juillet 2019, étude 5
[2] Attention à ne pas confondre lettre recommandée électronique et simple courriel électronique. La première implique de faire appel à un prestataire tenu à une procédure relativement complexe. De ce fait, elle emporte peu de succès par rapport à la lettre recommandée classique.
[3] Paradoxalement, la notion de « date certaine » évoque plutôt l’exigence d’un acte authentique ou d’un enregistrement à la recette des impôts (voir l’article 1377 du Code civil). Sans doute faut-il prendre ici l’expression au sens large ; il convient surtout d’utiliser un moyen de communication permettant de dater l’envoi.
[4] Idem note 1
Frédéric Zumbiehl
Source : 25 millions de propriétaires • N°septembre 2019
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