Vous êtes depuis juin 2015, la présidente de la FPI. Une femme à la tête de cette fédération : est-ce un atout ?
La femme que je suis évolue dans le secteur de la promotion immobilière depuis l’âge de 20 ans. Les étapes ont été nombreuses. J’ai gardé le cap et saisi les rares mains tendues, fréquenté les esprits ouverts et visionnaires. Aujourd’hui, le monde de la promotion immobilière témoigne de son leadership en portant une femme à sa tête. Au-delà de l’honneur, de la reconnaissance, il y a l’envie partagée de faire bouger les lignes. Au sein même de ma société (ndlr : elle est présidente de AFC Promotion), il y a 60 % de femmes aux postes clés et aux fonctions supports. Notre capacité à « capter » les tendances et les besoins nous permettent de définir rapidement les éléments de différenciation dans la manière de concevoir les logements ou de les équiper pour la résidence principale. Nous nous attachons actuellement à étendre ces choix aux résidences locatives, qui sont également les résidences principales des locataires et qui ne doivent pas être négligées.
Comme l’UNPI, vous êtes attachée à l’accession à la propriété des classes moyennes. Le nouveau PTZ vous paraît-il de nature à dynamiser cette accession ?
Oui le PTZ va dans le bon sens car il va aider les classes modestes à compenser un apport qu’elles n’ont plus. La ministre Sylvia Pinel a été efficace ; le nouveau PTZ est la preuve qu’elle avait, avec son équipe, compris beaucoup des besoins de nos concitoyens. Il faudrait aller beaucoup plus loin et continuer à agir plus radicalement car l’accession à la propriété des classes moyennes représente un besoin évalué au minimum à 20 000 logements supplémentaires. La FPI propose des pistes : par exemple la diminution de la fiscalité sur le logement abordable dont les prix de vente seraient en contrepartie plafonnés ainsi que les ressources de l’acquéreur ; à l’instar de ce qui a été fait en zone ANRU puis dans les Quartiers de Ville Prioritaires mais en ciblant les zones tendues tout en visant les populations modestes. Une autre piste consisterait aussi à permettre à tous les promoteurs privés d’utiliser le PSLA (location accession) en prévoyant une garantie de relogement qui leur serait accessible via les bailleurs sociaux ou d’autres organismes.
Au nom de la mixité sociale, on impose dans certains secteurs un pourcentage de logements sociaux dans les programmes immobiliers. Quels en sont les effets négatifs ?
La loi SRU a évidemment des vertus mais elle comporte aussi, dans son application actuelle, des dangers. D’abord « l’échelle » de la mixité sociale : introduire un petit nombre de logements sociaux, gérés par des bailleurs sociaux, au sein d’un programme de logements libres gérés par des promoteurs privés, pose des problèmes économiques de mode de gestion des copropriétés aux syndics et aux gestionnaires. Une meilleure échelle serait d’apprécier la mixité à l’échelle d’un quartier entier et de créer ainsi des copropriétés dédiées certes mais mélangées à l’échelle du quartier (au même titre qu’il y a des résidences étudiantes, seniors, jeunes actifs...). Ensuite, il faut comprendre que les logements sociaux vendus par des promoteurs aux bailleurs le sont à un prix très bas, souvent en dessous des prix de revient. Or, certains élus locaux en manque de logements sociaux dans leur ville doivent rattraper le retard (sanctions financières) et portent le quota SRU initial de 25 % à 40 voire 50 % du programme. Cela a pour conséquence soit de rendre le programme souvent économiquement irréalisable, soit de provoquer une hausse des prix des logements libres.
Il y a quelques années, l’UNPI avait promu la notion d’habitat essentiel pour assurer un logement pour tous à coût raisonnable. Construire moins cher, est-ce également l’un de vos objectifs ?
Oui le logement est essentiel à tout un chacun. La meilleure manière de le rendre abordable et d’éviter les tensions inflationnistes est de produire en quantité suffisante et faire jouer ainsi la concurrence. Mais quand cela ne suffit pas, il est légitime que la collectivité cherche par d’autres moyens à orienter le marché et préserver les intérêts des plus modestes. Plusieurs pistes sont en France à l’expérimentation : les logements « prêts à finir » ou « évolutifs », moins chers à l’achat ; la location - accession... Mais il devient difficile aujourd’hui de construire moins cher, eu égard à la prolifération de réglementations que nous continuons à produire chaque année et que les efforts de simplification réellement entrepris ne suffisent pas à compenser. J’en veux pour preuve la nouvelle Règlementa- tion Environnementale (RE 2018 issue de la nouvelle Loi de Transition Énergétique) qui devra impérativement se mettre en œuvre à coûts maîtrisés et non peser sur le prix final des logements neufs. Nous construisons un logement de qualité en France mais dont le coût de construction est devenu élevé et presque incompressible. Les vrais sources de baisse sont donc ailleurs...
Alexandra François-Cuxac
Présidente de la Fédération des Promoteurs Immobiliers de France