La loi n° 2015-992 relative à la Transition Énergétique pour la Croissance Verte du 17 août 2015 fait de la rénovation énergétique une priorité. Tour d’horizon de ses dispositifs phares impactant les projets de rénovation en copropriété.
Le chantier est vaste puisque plus de la moitié du parc résidentiel français a été construit avant l’application de la première réglementation thermique (1974) (1) et le gouvernement souhaite rénover 500 000 logements par an à compter de 2017 dont 300 000 par an dans le parc privé.
Cet objectif ne pourra être atteint sans la participation des copropriétés. L’hexagone en compte 600 000 principalement concentrées dans les zones fortement urbanisées telles que les régions Île-de-France, Auvergne-Rhône- Alpes et Provence-Alpes-Côte-D’Azur (2).
Peu de copropriétés font néanmoins l’objet de rénovations énergétiques ambitieuses car elles rencontrent des difficultés pour mener ce type de projet en respectant le fonctionnement démocratique qui est le leur. La copropriété est en effet structurée autour d’un triptyque formé par le conseil syndical, le syndic et le syndicat de copropriétaires votant les décisions en assemblée générale (AG) organisée a minima une fois par an. Ce mécanisme de gouvernance complexe, nécessitant d’obtenir l’adhésion de la majorité des copropriétaires, explique en partie les raisons pour lesquelles peu de projets voient le jour. Par ailleurs, Il faut compter au moins trois AG pour aboutir à une rénovation énergétique (vote d’un audit, vote d’une étude de maîtrise d’œuvre pour concevoir le projet, vote des travaux et du plan de financement).
Cette temporalité longue n’incite pas les acteurs du BTP à proposer des offres adaptées aux copropriétés, leur préférant des segments de marché plus réactifs (logement social, maisons individuelles, bâtiments tertiaires ou commerciaux). Autre constat : une rénovation énergétique ne peut se faire que si la copropriété est financièrement saine (peu d’arriérés de charges), car ce type de rénovation coûte en moyenne entre 20 à 30 000 € TTC par loge- ment. Le montage d’un plan de financement optimal permettant d’alléger et de lisser le coût d’un tel projet est d’ailleurs une autre difficulté à surmonter tant il est difficile de s’y retrouver dans le maquis d’aides et de solutions financières existantes.
Afin de lever ces freins et de donner un coup de pouce à la rénovation énergétique en copropriétés, la loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte instaure plusieurs mesures incitatives et coercitives.
Jusqu’à présent les travaux de rénovation énergétique étaient votés à la majorité absolue des voix des copropriétaires présents ou non à l’assemblée générale, ce qui était relati- vement difficile à atteindre... La loi change la donne : à compter du 19 août 2015, les travaux d’amélioration énergétique sur les parties communes sont décidés à la majorité simple (majorité des voix des copropriétaires présents et représentés) facilitant ainsi les prises de décisions.
Afin de s’attaquer en priorité aux bâtiments les plus énergivores, l’article 5 stipule que « tous les bâtiments privés résidentiels dont la consommation en énergie primaire est supérieure à 330 kilowattheures d’énergie primaire par mètre carré et par an doivent avoir fait l’objet d’une rénovation énergétique avant 2025 ». Par ailleurs, la loi instaure aussi l’obligation de réaliser des travaux de rénovation énergétique, dès lors qu’un bâtiment subit de lourds travaux d’entretien. Cela comprend les ravalements importants, la réfection ou l’isolation de la toiture, l’installation d’équipements de contrôle et de gestion active de l’énergie ou encore les travaux d’aménagement de nouvelles pièces pour les rendre habitables. Pour les copropriétés, cette obligation concernera seulement les travaux affectant les parties communes. L’objet de cette obligation est de profiter d’un premier investissement des maîtres d’ouvrage pour engager en même temps des travaux d’économies d’énergie.
Nombreuses sont les copropriétés ne pouvant pas isoler thermiquement leurs façades sans empiéter sur la voie publique. Pour lever ce frein, il est désormais possible de déroger aux règles des PLU (Plan Locaux d’Urbanisme), des POS (Plan d’Occupation des Sols) et des PAZ (Plans d’Aménagement de Zone) relatives à l’emprise au sol, à la hauteur, à l’implantation et à l’aspect extérieur des constructions pour les travaux d’isolation thermique par l’extérieur, de surélévation des toitures, mais aussi pour les travaux d’installation de protections solaires en saillie des façades.
Le tiers financement est une solution de financement innovante qui consiste à financer les travaux de rénovation énergétique par les économies d’énergie réalisées. En pratique, une société de tiers financement conçoit le projet, consulte les entreprises, élabore un plan de financement, suit les travaux, et fait l’avance de tout ou partie du coût de l’opération. Une fois celle-ci achevée, le syndicat des copropriétaires rembourse la société en lui versant régulièrement un montant compensé, au moins en partie par les économies d’énergies réalisées.
Jusque-là entravé par le monopole bancaire sur les activités de crédit réservé aux banques et établissements financiers, le tiers financement est conforté par l’article 23 de la loi qui crée une exception au monopole bancaire pour les sociétés de tiers financement dont l’actionnariat est majoritairement formé par des collectivités territoriales ou qui sont rattachées à une collectivité territoriale de tutelle. Par ailleurs, l’article 30 vient créer une nouvelle obligation d’économies d’énergie au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique, dans le cadre du dispositif des Certificats d’Économies d’Énergie (CEE). Cette nouvelle obligation de 150 TWhc pour la période 2016-2017 vient s’ajouter à l’objectif d’économies d’énergie de 700 TWhc fixé pour la troisième période (2015-2017). Le dispositif des CEE repose sur une obligation de réalisation d’économies d’énergie imposée par
les pouvoirs publics aux vendeurs d’énergie appelés les « obligés » (électricité, gaz, GPL, chaleur et froid, fioul domestique et carburants pour automobiles). Ceux-ci sont ainsi incités à promouvoir activement l’efficacité énergétique auprès des consommateurs d’énergie : ménages, collectivités territoriales ou professionnels. Concrètement, les CEE précarité pourront être mobilisés par la mise en place d’actions d’économies au bénéfice de ménages modestes ou très modestes (3) ou par la contribution à des programmes d’accompagnement de ces ménages (formation...).
Rénover sa copropriété pour en améliorer la performance énergétique, c’est réduire ses factures, gagner en confort, valoriser son patrimoine et lutter contre le changement climatique. Isolation (façades, toiture, sols et vitrages), amélioration des systèmes de chauffage, d’eau chaude sanitaire et de ventilation permettent de réaliser jusqu’à 70% d’économies d’énergie. Néanmoins, mener ce type de projet en copropriété est un exercice complexe qui nécessite de respecter certaines étapes :
1. Réaliser un audit global couplant analyse architecturale, énergétique et financière de la copropriété. Ce type d’audit va plus loin que l’audit énergétique réglementaire (obligatoire pour les copropriétés en chauffage collectif de 50 lots et plus dont le Permis de Construire a été déposé avant le 1er juin 2001). Il permet d’obtenir une vision d’ensemble des travaux à entreprendre : rénovation énergétique mais aussi travaux de préservation, d’entretien et de valorisation du patrimoine de la copropriété. Feuille de route du projet, le rapport d’audit propose des scénarios de travaux évalués en fonction de leur performance énergétique et de leur faisabilité technique et financière. Dans certaines régions, cet audit global peut être subventionné.
2. Mobiliser une équipe de maîtrise d’œuvre réunissant des compétences architecturales, énergétiques et d’ingénierie financière afin de concevoir un programme de travaux optimal et le plan de financement associé. En se basant sur les résultats de l’audit préalablement réalisé, les études de maîtrise d’œuvre permettront de définir les choix techniques pertinents et d’établir un cahier des charges précis des travaux pour sélectionner les entreprises du bâtiment qui travailleront sur le chantier.
3. Faire réaliser et suivre les travaux par un maître d’œuvre. Le maître d’œuvre supervise le bon déroulement des travaux en s’assurant que les prestations des entreprises œuvrant sur le chantier sont exécutées conformément aux contrats de travaux. Il est garant des délais, de la qualité de l’exécution des travaux et du respect du budget fixé dans le/les contrat(s) de travaux. Il répond en outre aux difficultés ou aux imprévus pouvant survenir pendant le chantier.
Entretien avec Julien Berthier – Directeur de la Société d’Économie Mixte Énergies POSIT’IF, société de tiers financement spécialisée dans la rénovation énergétique des copropriétés en Île-de-France.
Quel regard portez-vous sur les nouveaux dispositifs prévus par la loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte ?
La transition énergétique et l’atteinte des objectifs en matière de réduction d’émission de gaz à effet de serre ne se feront pas sans le secteur du bâtiment, 1er consommateur d’énergie en France. En faisant la part belle à la rénovation énergétique, la loi apporte un nouveau souffle à ce secteur dont les enjeux environnementaux et socio-économiques sont capitaux. En mettant en place des obligations, des dispositifs d’incitation et des mesures facilitant le déroulement d’un projet notamment à destination des copropriétés, la loi permettra sans nul doute d’accélérer la massification de la rénovation du parc existant. De notre point de vue, en tant que société de tiers financement, cette loi est par ailleurs cruciale car elle donne un cadre au tiers financement, modèle innovant capable de lever les freins financiers et de rendre la rénovation énergétique accessible au plus grand nombre.
De nombreuses copropriétés souhaitant se lancer dans la rénovation énergétique de
leur bâtiment rencontrent des difficultés tant pour concevoir leur projet d’un point de vue technique que pour trouver des leviers financiers adaptés. En couplant ces deux aspects, le tiers financement leur apporte une solution globale. Côté technique, Energies POSIT’IF structure un groupement de spécialistes de la rénovation énergétique (architecte, bureau d’études thermiques et fluides et ingénieur financier) qui conçoit et réalise les travaux. Côté financier, nous prenons en charge l’ingénierie financière du projet : montage du plan de financement, gestion des demandes de subventions, négociations auprès des établissements bancaires pour la mobilisation par le syndicat de copropriété d’une offre de prêt collectif et/ou offre de tiers financement (disponible courant 2016). Cette offre de tiers financement consiste à préfinancer l’opération : la société de tiers financement avance les frais nécessaires à la réalisation des travaux, afin que les copropriétaires n’aient pas à verser l’intégralité de leur quote-part en début des travaux. Une fois ces derniers réalisés, le syndicat des copropriétaires rembourse la société en lui versant chaque trimestre un montant compensé, en tout ou pour partie, par la baisse de sa facture d’énergie. Cette solution permet aux copropriétaires de n’avoir qu’une seule dette indexée sur les économies d’énergies réalisées.
4. Vérifier que les économies d’énergies sont bien au rendez-vous une fois les travaux terminés en assurant un suivi régulier des consommations et une sensibilisation des copropriétaires occupants et des locataires aux usages des nouvelles installations.
Des modèles de cahier des charges existent pour choisir les auditeurs et maîtres d’œuvre pouvant réaliser les différentes prestations nécessaires pour mener à bien votre projet.
Le coût d’une opération de rénovation éner- gétique est variable d’une copropriété à une autre et dépend de la nature du bâti (principe constructif, nombre de lots, pathologies, accessibilité...). En moyenne, le coût s’élève de 20 à 30 000 € TTC par logement pour une rénovation énergétique globale permettant de réduire les consommations énergétiques de 30 à 70%. Se pose alors la question du financement des travaux par des copropriétaires aux situations financières et intérêts différents. À l’heure actuelle, de nombreuses aides et solutions de financement sont disponibles :
Il existe des aides collectives mobilisables par le syndicat des copropriétaires comme les Certificats d’Economies d’Energie (CEE) ou des subventions accordées par certains Conseils régionaux et autres collectivités territoriales pour financer les études (audit, études de maîtrise d’œuvre) ou les travaux. A l’échelle individuelle, chaque copropriétaire peut quant à lui bénéficier d’incitations fiscales comme le Crédit d’Impôt Transition Energétique (CITE) pour les copropriétaires occupants, la déduction fiscale des revenus fonciers pour les copropriétaires bailleurs et la TVA à taux réduit sur les travaux de rénovation énergétique. Par ailleurs, l’Agence Nationale de l’Habitat (ANAH) octroie des aides aux copropriétaires dont les revenus ne dépassent pas certains plafonds de ressources.
Une fois les aides financières publiques déduites du montant des travaux, le coût résiduel des travaux est à la charge des copropriétaires qui peuvent choisir des prêts spécifiques afin de financer ce reste à charge.
Le syndicat des copropriétaires peut mobiliser un prêt collectif à adhésion volontaire comme l’Eco Prêt à Taux Zéro « copropriété » (travaux d’intérêt collectif sur les parties communes), chaque copropriétaire décidant d’y souscrire ou non. Alternativement, chaque copropriétaire peut décider de recourir à un Eco-Prêt à Taux
Zéro individuel pour financer un ensemble de travaux d’amélioration énergétique.
Le tiers financement, solution innovante permise par la loi de Transition Énergétique pour une croissance Verte sera aussi accessible aux copropriétaires courant 2016
2 • Enquête Nationale Logement - ANAH
3 • Un ménage en situation de précarité énergétique est défini sur la base du plafond de revenus des « ménages modestes » de l’Anah qui couvre environ 45 % des ménages français. Un ménage est considéré en situation de précarité énergétique si ses revenus sont inférieurs aux plafonds suivants. Pour encourager les actions auprès des plus modestes, une bonification sera mise en place pour les actions menées au bénéfice des ménages « très modestes » de l’Anah, qui couvre environ 25 % des ménages français. Les CEE attribués dans ce cadre seront doublés, voire triplés dans les DOM-TOM.