L’urbanisme commercial fait partie des thèmes importants qui ont été réformés par la loi du 23 novembre 2018. Le législateur a pris conscience que la prolifération des grandes surfaces commerciales de périphérie entraînait plus ou moins rapidement des effets collatéraux désastreux sur l’activité commerciale des centres-villes.
Mais la voie était étroite pour réagir, car l’Etat est contraint par la législation européenne qui veille au respect de la libre concurrence. Cette exigence avait conduit la France à adopter la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie et à relever de 300 m2 à 1000 m2 le seuil à partir duquel un projet de création ou d’extension de surface commerciale peut être soumis au contrôle de la commission départementale d’aménagement commercial (CDAC). Revenir sur cette règle supposait de le faire dans des conditions encadrées pour ne pas courir le risque, comme en 2002, d’un nouveau contentieux avec les autorités européennes sur le fondement de la directive «services» du 12 décembre 2006. La réponse du ministre de l’Economie à Sébastien Leclerc (Rép. n° 12545 du 16 avril 2019) est à cet égard très éclairante.
Le législateur a donc pris le parti de restreindre la liberté de création de nouvelles surfaces commerciales dans le cadre du plan « Action coeur de ville ». Lorsqu’il est créé une opération de revitalisation de territoire (ORT), d’une part une dérogation d’autorisation d’exploitation commerciale (AEC) peut être mise en place dans les centres-villes identifiés par la convention ORT (art. L 752-1-1 du code de commerce) et d’autre part, en périphérie, le préfet peut suspendre l’examen en CDAC des projets commerciaux qui pourraient compromettre les objectifs de l’ORT, pendant une durée de trois ans.
Le dispositif permet ainsi de faciliter l’implantation des commerces dans le centre-ville tout en bloquant la création de nouveaux commerces en périphérie.
Ce nouveau schéma repose sur l’initiative conjointe des élus locaux et du préfet mais il est encore trop tôt pour vérifier s’il est efficace.
Par ailleurs, la loi ELAN a modifié le dispositif dans deux axes. L’article 163 (art. L 751-2 modifié du code de commerce) a modifié la composition de la CDAC. La loi, complétée par un décret du 17 avril 2019, permet ainsi la nomination de représentants des réseaux consulaires (chambres de commerce, des métiers, de l’agriculture) et l’audition d’un animateur de centre-ville. Sur le fond, l’article 166 de la loi (art. L 752-6 du code de commerce) a renforcé les exigences d’analyse d’impact du projet en CDAC. Le projet doit être analysé en regard de sa contribution à la préservation ou la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d’implantation et des coûts indirects supportés par la collectivité en matière d’infrastructure et de transport.
Le demandeur doit justifier qu’au- cune friche commerciale ne permet l’accueil du projet.
Une étude d’impact doit analyser les effets sur l’emploi, l’animation du centre-ville, le taux de vacance commerciale et l’offre de m2 commerciaux existants et les échanges pendulaires entre territoires. L’analyse doit être produite par un organisme indépendant habilité par le préfet. Le décret n°2019-331 du 17 avril 2019 a précisé les conditions d’habilitation de l’organisme. Le préfet peut aussi demander à une chambre consulaire de présenter une étude spécifique sur le tissu économique, elle analyse en particulier l’évolution des surfaces agricoles.
Par ailleurs, le Conseil d’Etat a rendu un avis le 15 avril 2019 qui précise les modalités d’articulation entre le permis de construire et l’AEC. Le principe consacré par la loi du 18 juin 2014 est que les recours contre une décision d’AEC doivent être exercés dans le cadre du recours contre le permis de construire qui vaut AEC. La décision de la commission nationale d’aménagement commerciale est considérée comme un acte préparatoire à la décision de permis de construire. Elle n’est donc pas en sou susceptible de recours pour excès de pouvoir, mais elle peut être critiquée à l’appui d’un recours contre le PC en ce qu’il vaut AEC (CE, avis n°425854).
Source : 25 millions de propriétaires • N°juin 2019
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