Ce mouvement, encore balbutiant en France, mais très développé en Allemagne, en Suisse ou en Norvège, connaît un véritable engouement dans l’hexagone, depuis quelques années. Reconnu par la loi ALUR, en 2014, (pour l’Accès au Logement et un Urbanisme Rénové) comme une « démarche citoyenne », l’habitat participatif propose à un groupe d’habitants constitués en association d’élaborer un projet immobilier, de le construire et de le gérer collectivement. En fonction des besoins, des aspirations et des moyens de chacun, un lieu de vie se dessine, composé de logements personnalisés et d’espaces communs, favorisant le vivre-ensemble, l’écologie, l’entraide et la solidarité.
« Les initiatives se multiplient sous des formes très diverses et si le phénomène est encore marginal, on constate une réelle accélération des projets en phase de démarrage, avec une progression de 13% par an, assure Ludovic Parenty, coordinateur national de l’association Habitat Participatif France qui fédère l’ensemble des acteurs (citoyens, professionnels, organismes d’accompagnement, collectivités…). De plus en plus de personnes, de tous âges et de tous horizons s’engagent, la dynamique associative est très forte, cette nouvelle façon de concevoir l’habitat croise des enjeux majeurs concernant la ville de demain, le lien social et l’environnement. »
Près de 600 projets recensés représentent un potentiel de 5 000 à 7 000 logements, un chiffre appelé à augmenter fortement. « Avec ce nouveau type d’habitat alternatif, mélange d’esprit d’équipe et de choix individuels, les futurs résidents se réapproprient les décisions et les responsabilités de l’acte de construire et de rénover, dans une perspective de longue durée, souligne Ludovic Parenty. Les décideurs, les professionnels de la filière du bâtiment, les urbanistes, les bailleurs sociaux, tout le monde commence à s’intéresser à ce mouvement qui bouscule les schémas établis d’un logement standardisé et imposé. »
Au départ, il y a toujours un groupe, composé de membres qui se connaissent ou non, et qui ont l’envie de se lancer dans l’aventure au long cours d’un projet d’habitat participatif. Certains choisissent de partir d’une feuille vierge et de mener leur projet de A à Z, de l’achat du terrain, à la construction, en autopromotion, le plus souvent dans le cadre d’une Société civile immobilière d’attribution (SCIA).
D’autres optent pour la coopérative d’habitants, qui regroupe des associés impliqués directement dans la gestion de la structure dont ils détiennent des parts sociales.
La 3ème voie est celle des bailleurs sociaux qui peuvent intégrer différents statuts dans des opérations (ventes en VEFA, accession sociale, location-accession…) largement concertées avec les habitants pour répondre au mieux à leurs besoins d’aménagements intérieurs et collectifs.
La loi ALUR a créé de nouveaux cadres juridiques pour donner un nouvel élan à ce mouvement : les Sociétés d’Habitat Participatif déclinées en Coopératives d’Habitants ou en Société d’Attribution et d’Autopromotion. Cependant, ces dispositifs ne sont pas encore opérationnels en raison de l’insuffisance d’outils financiers adaptés, liés notamment aux garanties d’achèvement.
Quel que soit le cadre choisi, se lancer dans de tels projets, lourds, complexes et très engageants sur le plan humain et relationnel, demande un accompagnement par des professionnels ou organismes spécialisés qui vont guider le groupe dans toutes les étapes, en assurant l’assistance à maîtrise d’ouvrage.
Apprendre à se connaître, à se comprendre, à laisser tomber ses idées reçues pour penser collectif, à se projeter dans un avenir dessiné en commun, à avancer ensemble malgré les aléas et les difficultés… Pas si simple. « Tout cela est exigeant, parfois très long, les groupes évoluent, certains partent, d’autres arrivent, mais c’est un chemin riche et passionnant, s’enthousiasme Pierre Lévy, fondateur de Regain, une coopérative qui favorise l’émergence et la réalisation de projets en PACA. Pas besoin de se connaître au départ, c’est l’objectif partagé qui fait le lien, l’addition de profils très différents. On tâtonne ensemble, on apprend les uns des autres et on découvre, progressivement que le collectif n’est pas une limite à la liberté individuelle, au contraire, à condition que chacun fasse sa part. »
Pierre Lévy, a rejoint, en tant que résident, un projet d’habitat groupé, lancé sur Forcalquier, dans les Alpes de Haute-Provence, en 2015. Un programme de 11 logements en autopromotion complète, implanté sur un site de 2 000 m2 qui accueille 19 adultes, 14 enfants et 3 anciens. « Nous avons réalisé nous-mêmes, en auto construction, les espaces partagés (200 m2) en bois et paille. Nous disposons d’ateliers, d’une buanderie, d’une salle commune, d’un grand jardin, d’une place de village et de 2 chambres d’amis. C’est un projet écologique de très grande qualité, intergénérationnel, ouvert sur le quartier. »
Le plus difficile, affirment la plupart des porteurs de projets, est de trouver le terrain adéquat, celui qui va permettre de faire coller le rêve à la réalité, au bon prix. Ce type d’habitat, au final, est-il moins cher ? « Oui et non, répond Pierre Lévy. Nous avons pu sortir à 3 000 € le m², bien moins cher qu’une opération réalisée par un promoteur qui facture sa marge, les frais de promotion, de commercialisation, de terrain… Tout dépend ensuite du projet, à coût égal, on peut faire des logements beaucoup plus qualitatifs, en disposant de surfaces supplémentaires puisque les espaces communs sont mutualisés. »
Autre dimension essentielle à la réussite du projet, l’implication de l’architecte. Les organismes d’assistance à la maîtrise d’ouvrage sont évidemment les mieux placés pour vous orienter vers le bon praticien, celui qui va cheminer avec le groupe pour en saisir toutes les attentes. « C’est un travail de tailleur, du sur-mesure, constate Martin Drescher, architecte dans la Drôme, spécialisé dans l’habitat bioclimatique et passionné par l’habitat participatif. Dans un projet classique, ce qui compte c’est l’objet, l’esthétique du logement, le savoir de l’architecte. L’habitat groupé inverse le processus, je dois me mettre à l’écoute, dialoguer avec un groupe aux aspirations plus ou moins précises, accepter de me remettre en cause. Il faut oublier la vision théorique de la planche à dessin, partir des besoins, pour concevoir beaucoup plus qu’un logement, un lieu à s’approprier, à la frontière constante de l’espace intime et public. Il faut être un peu militant, un peu animateur, un peu formateur, c’est un nouveau métier. Et c’est fantastique quand ça fusionne avec les résidents, quand on arrive ensemble à donner du sens à leur futur espace de vie. »
L’habitat participatif implique par nature, des formes d’innovation sociale, au cœur de tous les projets. L’objectif du mouvement est de créer de la mixité sociale, pas de favoriser des communautés refermées vivant entre elles. L’image d’un certain mode de vie, jugé parfois bobo, voire marginal, est l’un des freins du développement en France.
Une demande sociale forte émerge pour un habitat alternatif, évolutif, qui fait place aux différentes générations. « De plus en plus de personnes seules, notamment des femmes sont en demande, beaucoup de séniors également qui représentent au moins 50% des candidats actuellement » relève Ludovic Parenty. Ils trouvent dans l’habitat participatif un environnement bienveillant, sécurisant, favorisant le lien social, idéal pour éviter l’isolement. Claude et Géraldine, 66 et 68 ans, ont revendu leur maison pour investir dans un projet d’habitat participatif en Bretagne. Depuis un an, ils vivent dans un hameau d’une douzaine de logements. « C’est idéal, nous sommes très heureux ici, entourés de plus jeunes et d’enfants. Il se passe toujours quelque chose, nous avons le sentiment d’être utiles en permanence en apportant notre pierre à cette communauté vivante et dynamique : garde d’enfants, bricolage, entretien… C’est une belle manière de vieillir en sachant que l’on peut compter les uns sur les autres. »
Les initiatives de tous types se multiplient pour faire naître des lieux adaptés aux séniors, en lien avec les mairies et les opérateurs sociaux. Certains se regroupent pour imaginer et construire eux-mêmes des maisons adaptées pour mieux vieillir ensemble.
Pour la SCIC Faire-Ville, qui accompagne des réalisations sur l’Occitanie et la Nouvelle Aquitaine, il s’agit désormais de banaliser cette démarche pour créer une nouvelle relation à la ville, afin de mieux l’habiter. « Il y a encore des barrières à faire tomber mais les opérateurs sociaux, notamment, et les collectivités ont bien compris que l’habitat participatif est un élément clé pour transformer le logement collectif, assure Pierre-Etienne Faure, animateur de la SCIC. Dans l’habitat classique, ce qui est à tout le monde, n’est finalement à personne. Dans l’habitat participatif, tout est à chacun. Et ça change tout. »
Prenez contact avec les associations locales de votre territoire via le site : Habitat Participatif France.fr. Différents outils de mise en ligne vous permettront de vous présenter, de consulter la liste des projets en cours, d’entrer en contact avec ceux qui recherchent des habitants. Ou de formuler une proposition concrète : terrain à vendre, projet sur un secteur précis…
Participer à des formations pour découvrir l’habitat participatif ou approfondir vos connaissances. Des parcours à la carte et des stages sont proposés dans votre région pour se poser les bonnes questions.
Par un organisme spécialisé d’assistance à maîtrise d’ouvrage qui vous accompagne dans toutes les étapes du projet :
Marc Pouiol
Source : 25 millions de propriétaires • N°septembre 2019
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