Parmi plusieurs titres destinés à « conforter chaque maire dans son intercommunalité », à « simplifier le fonctionnement du conseil municipal » ou à « renforcer les droits des élus », son titre III est consacré à « renforcer les pouvoirs de police du maire ». Les maires et/ou présidents d’intercommunalités se voient ainsi dotés du pouvoir de prononcer des amendes ou des astreintes dans de nouveaux domaines touchant à l’immobilier. Le titre III contient également deux séries de dispositions qui concernent plus spécifiquement les locations touristiques et les troubles anormaux du voisinage.
Les pouvoirs du maire sont tout d’abord renforcés en matière d’urbanisme.
Dorénavant, en cas de construction irrégulière, et indépendamment des poursuites pénales possibles, le maire (ou le président d’une intercommunalité compétente) peut mettre en demeure le maitre d’ouvrage de mettre en conformité sa construction ou de déposer une demande de permis/une déclaration préalable valant régularisation. L’intéressé doit au préalable être invité à présenter ses observations.
Sans même qu’un juge soit saisi, la mise en demeure peut être assortie d’une astreinte de 500 € maximum par jour de retard, le montant total des sommes dues ne pouvant excéder 25.000 €. Le maire peut même, lorsque la mise en demeure est restée infructueuse à l’issue du délai imparti, « obliger l'intéressé à consigner entre les mains d'un comptable public une somme équivalant au montant des travaux à réaliser, laquelle sera restituée à l'intéressé au fur et à mesure de l'exécution des mesures prescrites » (nouvel article L.481-3 du Code de l’urbanisme). Le maître d’ouvrage peut bien sûr contester les mesures du maire devant le tribunal administratif. Mais le nouveau texte prévoit que l’opposition à la consignation précitée « n’a pas de caractère suspensif ».
En second lieu, dans le cadre de la prévention des incendies, le maire peut désormais assortir les mises en demeure de débroussailler d’une astreinte de 100 € maximum par jour de retard, le montant total des astreintes étant plafonné à 5.000 € (article L.134-9 modifié du Code forestier).
Plus largement, le maire peut désormais infliger une amende administrative de 500 € maximum pour les auteurs de « tout manquement à un arrêté du maire présentant un risque pour la sécurité des personnes et ayant un caractère répétitif ou continu (…) en matière d'élagage et d'entretien des arbres et des haies donnant sur la voie ou le domaine public », de dépôts sauvages ou d’encombrants, d’occupation illégale du domaine public, etc.
Toute mise en demeure suppose au préalable un procès-verbal d’infraction dressé par un officier de police judiciaire (le maire ou ses adjoints, les officiers de police ou de gendarmerie, etc.), un agent de police judiciaire (agents de police par exemple), ou un agent de police judiciaire adjoint (par exemple un agent de police municipale), puis une notification du maire d’avoir à remédier au manquement reproché (le contrevenant est appelé à présenter ses observations, au besoin avec l’aide d’un conseil, dans un délai de dix jours). A défaut de réaction, une mise en demeure d’avoir à prendre les mesures qui s’imposent sous dix jours est adressée. C’est à l’issue de ce nouveau délai qu’une amende peut être infligée (article L.2212-2-1 du Code général des collectivités territoriales).
Enfin, concernant les établissements recevant du public, le maire peut dorénavant assortir toute fermeture administrative d’une astreinte de 500 € maximum par jour de retard (le propriétaire ou l'exploitant d’un ERP qui continuait l’exploitation après un arrêté de fermeture n’encourrait jusqu’ici qu’une amende pénale).
De plus, le maire peut faire procéder d’office à la fermeture de l’établissement, ceci aux frais du propriétaire ou de l’exploitant. Toutefois, le maire devra dorénavant faire précéder tout arrêté de fermeture d’une mise en demeure préalable (une mise en demeure préalable est aussi requise avant de procéder à une fermeture d’office).
Par ailleurs, le montant de l’amende pénale sanctionnant le fait de ne pas se conformer à un arrêté de fermeture est relevé de 3.750 € à 10.000 € (article L.123-4 modifié du Code de la construction et de l’habitation).
L’obligation pour les plateformes de répondre aux demandes d’information des communes ayant imposé une procédure de télédéclaration des meublés est renforcée. Désormais, « dans les communes ayant mis en œuvre la procédure d'enregistrement mentionnée au III de l'article L. 324-1-1 [télédéclaration des meublés de tourisme avec numéro d’enregistrement], la commune peut, jusqu'au 31 décembre de l'année suivant celle au cours de laquelle un meublé de tourisme a été mis en location, demander à la personne mentionnée au I du présent article, lorsque celle-ci en a connaissance, notamment lorsqu'elle met à disposition une plateforme numérique de nature à lui conférer la connaissance ou le contrôle des données stockées, de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé de tourisme a fait l'objet d'une location par son intermédiaire. La personne mentionnée au même I transmet ces informations dans un délai d'un mois, en rappelant le nom du loueur, l'adresse du meublé et son numéro de déclaration ainsi que, le cas échéant, le fait que ce meublé constitue ou non la résidence principale du loueur au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986. La commune peut demander un décompte individualisé pour les meublés de tourisme situés sur tout ou partie de son territoire » (article L.324-2-1 du Code du tourisme, ajouts issus de la loi du 27 décembre 2019 en gras).
La partie réglementaire du Code du tourisme devra encore être amendée pour tenir compte de ces nouveaux changements. Elle a pourtant déjà été mise à jour il y a moins de trois mois (décret n°2019-1104 du 30 octobre 2019).
Par ailleurs, toute offre de location saisonnière devra désormais indiquer « si l'offre émane d'un particulier ou d'un professionnel au sens de l'article 155 du code général des impôts ». Cette nouvelle obligation doit cependant être précisée par décret (article L.324-2 du Code du tourisme, modifié par l’article 55 de la loi du 27 décembre 2019.
Enfin, l’article 55, III de la loi du 27 décembre 2019 introduit la possibilité pour les communes de réglementer le changement d’usage d’un ancien commerce pour exploiter un meublé de tourisme.
Rappelons que si la règlementation des changements d’usage empêche dans de plus en plus de villes de transformer un logement en meublé de tourisme, le propriétaire d’un local commercial pouvait jusqu’ici librement y exploiter un meublé de tourisme (puisque cette dernière activité est considérée comme commerciale du point de vue de la règlementation des changements d’usage). Par exception, seule une autorisation d’urbanisme peut être requise (lorsque la location projetée n’est pas considérée comme commerciale du point de vue du droit de l’urbanisme ; voir ci-après).
L’article 55, III, issu un amendement parlementaire lui-même profondément remanié en commission mixte paritaire, énonce désormais que dans les communes ayant instauré la télédéclaration des meublés de tourisme, « une délibération du conseil municipal peut soumettre à autorisation la location d'un local à usage commercial en tant que meublé de tourisme » (article L.324-1-1, IV bis nouveau du Code de la construction et de l’habitation).
La loi précise que l’« autorisation est délivrée au regard des objectifs de protection de l'environnement urbain et d'équilibre entre emploi, habitat, commerces et services, par le maire de la commune dans laquelle est situé le local ». Logiquement, la loi précise également qu’une telle autorisation n’est plus nécessaire si, par exception, la transformation d’un ancien commerce en meublé de tourisme a déjà nécessité une autorisation d’urbanisme (c’est en principe le cas si la transformation a donné lieu à des travaux sur les structures porteuses ou la façade, ou bien si la location touristique, faute de s’accompagner de prestations commerciales annexes en nombre suffisant – nettoyage des locaux, fourniture du petit déjeuner, etc. – n’est pas considérée comme commerciale du point de vue du droit de l’urbanisme)[1].
Sur ce point, la loi du 27 décembre 2019 nécessite un décret d’application. Mais la loi montre d’ores et déjà les griffes : « toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du IV bis est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 25 000 € ».
En matière de troubles anormaux de voisinage, le Code de la construction et de l’habitation défend un principe de pré-occupation individuelle : il n’est en principe pas possible de se plaindre de nuisances lorsqu’on s’installe près d’un centre d’activité existant et potentiellement gênant, dès lors que ce voisin respecte la règlementation en vigueur.
L’article 46 de la loi étend le principe de pré-occupation individuelle aux activités touristiques et culturelles. Désormais, « les dommages causés aux occupants d'un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales, touristiques, culturelles ou aéronautiques, n'entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l'acte authentique constatant l'aliénation ou la prise de bail établi postérieurement à l'existence des activités les occasionnant dès lors que ces activités s'exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu'elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions » (article L.112-16 du CCH modifié, ajouts en gras).
[1] La règlementation est sur ce point éminemment complexe… L’UNPI milite pour une simplification des règles applicables.
Frédéric Zumbiehl • Juriste UNPI
Source : 25 millions de propriétaires • N°mars 2019
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