Bonjour Madame,
Suite à notre conversation téléphonique, voici la question que je souhaite poser à un conseiller juridique.
Je suis propriétaire dans une copropriété dans une résidence dans une petite vallée des Alpes de Haute-Provence.
Il y avait, dans cette résidence un local qui faisait office de salle de rencontre et de petite restauration,
le propriétaire de ce local a obtenu par décision de justice le droit de transformer ce local en appartement,
il est donc en train de transformer son local, ce qui est conforme à la décision de justice,
et il souhaite aussi privatiser, sa terrasse,
ce qui peut se comprendre,
sauf qu’elle est traversée par un passage, ce qui ne posait de problèmes à personne tant que la terrasse était un espace public .
Aujourd’hui, ce copropriétaire à la claire intention de privatiser sa terrasse, c’est à dire de la clôturer,
et nous indique que rien ne le fera changer d’avis et que la copropriété n’aura qu’à faire elle-même le contournement de sa terrasse.
Je joins un schéma de la situation,
en gris, son projet de privatisation,
en rouge, ce que j’ajoute.
Voici mes trois questions :
1) Pouvons-nous exiger de garder ce passage, attesté par l’usage et par le fait que les deux portions de passage, A et C, dont dans l’exact prolongement l’une de l’autre,
ce qui le matérialise.
2) Quels moyens avons-nous si il obstrue le passage sans faire de contournement bétonné?
3) A qui revient la charge du créer un contournement bétonné, si c’est la seule solution?
Bonjour Madame,
Voici des éléments d’information en réponse à cette question :
L’article 688 du Code civil français envisage les servitudes de passage comme des servitudes « discontinues », c’est-à-dire « qui ont besoin du fait actuel de l’homme pour être exercées ».
Les servitudes discontinues se distinguent des servitudes « continues », qui s’exercent par elles-mêmes sans besoin du « fait de l’homme », comme les servitudes de conduites d’eau, d’égouts ou même de vue.
Or, l’article 691 du Code civil énonce que « les servitudes discontinues, apparentes ou non apparentes, ne peuvent s’établir que par titres ».
Cela signifie qu’en principe, seul un écrit peut fonder une servitude discontinue. A l’inverse, comme le précise le même article 691, « la possession même immémoriale ne suffit pas pour les établir ».
Un ancien arrêt de la Cour de cassation a confirmé ainsi qu’une servitude de passage ne peut pas s’acquérir par prescription et usage (C.Cass. 3ème civ., 6 juin 1969, JCP 69, IV, 193).
Je ne vois qu’une seule simili exception à ce principe. Elle concerne ce qu’on appelle les servitudes par « destination du père de famille » (article 692 et s. du Code civil). Il s’agit de prouver que l’ancien propriétaire de deux fonds aujourd’hui divisés a entendu grever l’un des fonds d’une servitude. Dans ce cas, celui qui se prévaut de la servitude doit justifier d’éléments apparents matérialisant la servitude, et est alors dispensé d’apporter un écrit.
Cependant, ce type de servitude suppose l’existence d’au moins deux fonds différents. Or, puisqu’en l’espèce, il s’agit d’une copropriété, il s’agit d’un seul et même fonds. La piste d’une servitude par destination du père de famille doit donc être écartée.
En définitive, seul un titre (règlement de copropriété, servitude conventionnelle, etc.) pourrait ici fonder le droit des copropriétaires à invoquer un droit de passage sur la terrasse du copropriétaire en question.
A défaut, si la terrasse appartient bien au copropriétaire dont il s’agit, et qu’il n’y a aucune clause contraire dans le règlement de copropriété, je ne vois pas ce qui l’empêcherait de clôturer sa terrasse. Un contournement devrait alors être bâti aux frais des copropriétaires.