Afin de vous faciliter la réponse aux 2 questions posées par téléphone , voici quelques éléments complémentaires
Il s' agit d' un bail commercial signé en 1999 et renouvelé officiellement
En destination il est noté "à l' exploitation de tous commerces, à l' exception des activités pouvant gêner les occupants"
l' immeuble devenant une copropriété, peut on réduire la champ d' activité de ce bail commercial ?
En conditions générales il est noté dans la rubrique "impôts et charges locatives" : "le preneur remboursera toutes les contributions et taxes foncières et autres"
La récupération de la taxe foncière peut elle se faire sur combien d' années ?
Merci,
Précisions par tel, le 9 janvier :
Q. n°1 : est-ce que règlement de copro peut interdire par exemple l’activité de restaurant et être opposable à un locataire bénéficiant d’un bail antérieur ? Aujourd’hui, le local est loué comme agence immobilière.
Q. n°2 : taxe foncière est visée dans le bail.
Cher Monsieur,
- Concernant votre première question, je ne trouve pas de jurisprudence précise sur le cas où une copropriété est créée après l’entrée dans les lieux d’un locataire commerçant et où le règlement de copropriété serait plus restrictif que le bail.
Cependant, par analogie, dans une telle hypothèse, le locataire serait à mon sens en droit d’engager la responsabilité du propriétaire.
En effet, si un locataire est systématiquement tenu de respecter le règlement de copropriété, il résulte d’une jurisprudence constante que le locataire empêché de mener une activité permise par le bail peut exercer un recours contre son propriétaire.
Ce qui fait dire à un ouvrage que « consentir un bail tous commerces en copropriété immobilière est une initiative risquée, notamment au sein d’immeubles à destination mixte. La résolution d’un bail tous commerces a pu être prononcée aux torts exclusifs du bailleur, au motif que le preneur ne pouvait pas exercer une activité de restauration, le règlement de copropriété prohibant cette activité (CA Paris, 30 juin 2010, n° 08/23647 : JurisData n° 2010-015114) » (Juris-classeur, bail à loyer, fasc. 1250-10, n°60).
En l’espèce, certes, le bail actuel interdit d’ores et déjà au locataire de mener une activité « nuisible » aux autre occupants.
Cependant, cette clause à elle seule n’interdit pas au locataire de mener s’il le souhaite une activité de restaurant, alors que le bail est par ailleurs « tous commerces ».
Comme l’indique le même ouvrage, en droit de la copropriété, le fait qu’un règlement de copropriété interdise les activités nuisibles n’empêche pas en soi l’activité de restauration. « Les juges du fond peuvent, constatation faite de l’aspect matériel de l’immeuble, son environnement, ses conditions d’habitation, ainsi que des démarches effectuées pour pallier les nuisances, considérer que l’exploitation d’un restaurant est autorisée en dépit des clauses du règlement de copropriété interdisant l’installation de tout établissement susceptible de nuire au voisinage par les odeurs, le bruit ou les émanations (Cass. 3e civ., 21 nov. 2000, n° 96-17.101 : JurisData n° 2000-007061. – CA Aix-en-Provence, 20 oct. 2006, n° 04/00208 : JurisData n° 2006-325460. – Cass. 3e civ., 14 déc. 2010, n° 09-71.134 : JurisData n° 2010-024012 ; Loyers et copr. 2011, comm. 94). Ce type de clause ne saurait s’appliquer d’office à toute activité réputée nuisible, encore faut-il que le syndicat des copropriétaires, ou toute autre personne ayant intérêt à agir, démontre qu’elle engendrerait des risques ou des nuisances indésirables (tout copropriétaire est recevable à faire demander la cessation de l’activité de restauration rapide avec friteuse et rôtisserie qui lui cause une préjudice direct et certain dès lors qu’il est prouvé que son appartement situé au premier étage reçoit les odeurs de cuisine en provenance du restaurant : CA Paris, 22 sept. 2004, n° 2002/21139 : JurisData n° 2004-251211). Ces clauses sont au coeur d’un abondant contentieux » (Juris-classeur, bail à loyer, fasc. 1250-10, n°57).
Dans ses conditions, en l’espèce, cela ne reviendrait pas au même que le règlement de copropriété à rédiger interdise simplement les activités nuisibles, ou bien expressément les restaurants (quel que soit le caractère effectivement nuisible de l’activité).
Dans le premier cas, la situation du locataire n’est pas aggravée. Dans le second cas, le propriétaire faillit à son obligation de délivrance (le locataire ne pouvant mener une activité de restauration, même si celle-ci n’est pas effectivement nuisible). Le cas échéant, le propriétaire pourrait donc voir sa responsabilité engagée.
- Concernant votre seconde question, à défaut de règle spéciale prévue par exemple dans le Code de commerce c’est ici l’article 2224 du Code civil qui s’applique.
Ce dernier énonce que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».
Il est donc possible de réclamer des charges non remboursées jusqu’à cinq ans après la date d’exigibilité.
Certes, selon l’article L. 145-60 du Code de commerce, « toutes les actions exercées en vertu du présent chapitre se prescrivent par deux ans »
Ainsi, relève notamment de la prescription biennale l’action en révision légale du loyer (Cass., 3ème civ., 1er juin 1988 : Loyers et copropriété 1988, n° 330).
Mais la jurisprudence a précisé que sont soumises à la prescription quinquennale de droit commun les actions en paiement de loyers arriérés (Cass., 3ème civ., 5 octobre 1994 et 26 janvier 1994) de même, par exemple, que la demande en restitution de charges indues (Cass., 3ème civ., 13 octobre 1999).
Il en est de même pour l’action visant à récupérer des charges non remboursées par le locataire.
Il convient toutefois que le propriétaire se montre conciliant. Par exemple, en cas de difficulté du locataire, il faut accepter un étalement dans le temps, sauf à ce que soit dénoncée une exécution déloyale du contrat.