Suite au décès de mon père en décembre 2019, j’ai hérité d’un appartement qu’il louait. Le bail expirant en juillet 2022, j’ai délivré un congé pour vendre six mois avant cette date. Or, le locataire conteste ce congé et m’indique que je ne peux délivrer congé que pour juillet 2025. Qu’en est-il ?
Afin de lutter contre la spéculation immobilière, la loi ALUR du 24 mars 2014 et la loi Macron du 6 août 2015 ont reporté́ la possibilité pour l'acquéreur d'un bien loué de délivrer un congé pour vente ou un congé pour reprise.
L’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit ainsi :
« En cas d'acquisition d'un bien occupé :
Pour illustrer cet article, prenons l’hypothèse d’un particulier qui acquiert en décembre 2019 un logement loué dont le bail arrive à̀ échéance en juillet 2022 (bail de 3 ans). Avant la loi ALUR, ce particulier aurait pu délivrer un congé pour vente pour juillet 2022 en respectant un préavis de six mois. Depuis la loi ALUR, ce congé ne peut plus être délivré́ pour l’échéance du bail en cours (car le terme du bail en cours inter- vient moins de trois ans après la date d'acquisition) et il doit donc attendre le prochain terme du bail (à savoir juillet 2025) pour délivrer congé, toujours en respectant un préavis d’au moins 6 mois.
Votre locataire se base donc sur cette règle pour contester le congé que vous lui avez délivré́.
Seulement, vous êtes devenu propriétaire du logement par suc- cession. Peut-on, dans votre cas, parler d’« acquisition » ?
Une décision de la Cour d'appel de Paris (pôle 4 - chambre 4, 12 mars 2019, n° 16/17263) permet vraisemblablement de répondre à cette question : Mme F., propriétaire d’un logement loué, est décédée au cours de la durée initiale du bail. Les quatre enfants héritiers indivisaires ont délivré un congé pour vendre aux locataires à l’issue de cette période. Les locataires ont contesté́ ce congé « en invoquant l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 [selon lequel un] congé pour vendre (...), « en cas d’acquisition d’un bien occupé » (...), « n’est autorisé́ qu’à compter du terme du premier renouvelle- ment du bail en cours ». Or, « le texte précité́ avait pour objet de faire obstacle aux acquisitions purement spéculatives et (...) en conséquence l’acquisition visée ne concernait que les ventes et non les transmissions successorales comme en l’occurrence ; (...) compte tenu de la nature particulière de la dévolution successorale qui intervient par l’effet conjugué de la nature et des règles légales la gouvernant, et donc sans autre manifestation de volonté que l’acceptation, la disposition précitée de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 qui vise « l’acquisition d’un bien loué », ne saurait trouver application ». La Cour d'appel de Paris a donc débouté les locataires de leur demande tendant à la nullité du congé.
Au regard de cet arrêt, le congé que vous avez délivré pour juillet 2022 est donc valable car il n’y a pas eu d’« acquisition » et que le report prévu à l’article 15 de la loi de 1989 n’a pas à s’appliquer.
A noter : selon les Editions législatives[1], les licitations et les cessions de quote-part indivise semblent également échapper à ce report : « Dans la mesure où une licitation ou la cession d'une quote-part indivise n'a pas non plus de but spéculatif, il serait possible de considérer que ce type de mutations échappe au report de la possibilité de délivrer congé. »
Source : 25 millions de propriétaires - n°558 janvier 2022
[1] Fascicule « Baux d'habi tation et mixtes », n° 376