Si le marché locatif a retrouvé un peu plus de dynamisme, les loyers augmentent moins que l’inflation et ils baissent lors d’une relocation. Cette atonie du marché se ressent sur l’effort d’amélioration des logements, qui est à un très bas niveau. Détails de la dernière analyse de l’observatoire des loyers CLAMEUR.
Le taux de mobilité résidentielle des locataires est l’indicateur de référence pour mesurer l’activité du marché. En 2018, la proportion de locataires qui ont changé de logement au cours de l’année a atteint 30,2 %, ce qui est un niveau supérieur à la moyenne sur longue période (28,7 %). En 2017, ce taux avait reculé à 28,4 %. Il s’est donc redressé nettement. Toutefois, en se référant au pic d’activité de 2015 (30,2 %), Clameur observe que la mobilité résidentielle est en recul et cette situation se vérifie dans la plupart des régions. Font exceptions les régions de l’Île-de-France (+1,7 % de variation annuelle moyenne entre 2015 et 2018) et, dans une moindre mesure, le Nord-pas-de-Calais (+1,6%). Ont aussi légèrement progressé le Centre (+0,3 %) et Provence-Alpes-Côte d’Azur (+0,2 %). Une région est stable (Rhône-Alpes), mais toutes les autres régions sont en repli. Les plus forts reculs (atteignant ou dépassant -5% par an) sont observés en Basse Normandie (-6,5%), en Champagne-Ardennes (-6,4 %), en Franche-Comté (-5,5 %) et en Auvergne (-5,0 %).
En dépit de ce contexte d’activité soutenue, les loyers augmentent modérément, ce qui se traduit par une perte de pouvoir d’achat des bailleurs. En 2018, les loyers de marché ont augmenté de +1,4 % soit moins que l’inflation (1,8 % selon l’Insee). Depuis 2007, la hausse des loyers est de +1,0% par an, tandis que l’inflation a augmenté de 1,2 % par an. Il y a donc un effet de ciseaux ; les loyers de marché ont perdu 2,5 % de pouvoir d’achat alors qu’à l’inverse, les prélèvements fiscaux et parafiscaux ont augmenté. Sur la période plus récente (2013- 2018), la hausse des loyers est en moyenne de +0,5% par an, tandis que la hausse des prix est de +0,8%. La période où les loyers augmentaient plus vite que les prix (1998-2006) est donc révolue depuis plus de dix ans.
Au cours de la période 2013- 2018, l’évolution des loyers est assez homogène suivant la taille des logements. Ce sont les 4 pièces qui augmentent le plus (+0,6 % par an) suivis des 2 et 3 pièces (+0,5 %) et des studios (+0,4 %). Les plus grands logements (5 pièces et plus) sont ceux qui ont le moins augmenté (+0,2 %).
Dans 9 villes, les loyers ont augmenté plus vite que l’inflation en 2018. La plus forte hausse est celle de Villeurbanne (+6,1 %), mais sur 5 ans, la hausse est de +1,5 % par an. Trois autres villes dépassent un taux de croissance de 3 % (Grenoble, Dijon et Marseille). Toutefois, à Marseille, l’évolution des loyers sur 5 ans est négative (-0,1%). La hausse de l’année 2018 marque donc un rattrapage, sans effacer la baisse constatée en 5 ans. Dans 6 villes, les loyers augmentent, mais moins que l’inflation. C’est notamment le cas de Lyon (+1,5 %). Au Havre la hausse est identique à celle de Lyon (+1,5 %), mais encore plus qu’à Marseille l’évolution sur 5 ans montre une baisse de loyer : -0,5 %. Enfin, dans 5 villes, les loyers de marché ont reculé en 2018. La baisse la plus forte est observée à Montpellier (-1,8 %). Sur 5 ans, rares sont les villes où les loyers reculent. On en dénombre deux : Le Havre et Marseille. A l’opposé, les villes où les loyers ont été le plus dynamiques sur 5 ans sont, outre Villeurbanne précitée, avec +1,5 %), Nice (+1,6 %) et Paris (+1,3 %). Bordeaux reste au-dessus de la barre des 1% (1,1 %), mais toutes les autres villes sont sous ce seuil.
Ville | Loyer 2018 (en €/m2) | Variation 2018 | Variation moyenne annuelle de 2013 à 2018 | Ville | Loyer 2018 (en €/m2) | Variation 2018 | Variation moyenne annuelle de 2013 à 2018 |
Villeurbanne | 12,7 € | 6,1 % | 1,5 % | Lyon | 13,3 € | 1,5 % | 0,9% |
Grenoble | 12,4 € | 3,7% | 0,5% | Le Havre | 11,5 € | 1,5 % | -0,5% |
Dijon | 11,7 € | 3,3% | 0,9% | Toulouse | 12,8 € | 1,3 % | 0,5% |
Marseille | 12,8 € | 3,2% | -0,1% | Nice | 16,4 € | 0,3% | 1,6 % |
Paris | 26,2 € | 2,5% | 1,3 % | Reims | 12,1 € | 0,1% | 0,7% |
Toulon | 11,5 € | 2,4% | 0,2% | Nîmes | 10,5€ | -0,1% | 0,3% |
Bordeaux | 13,6€ | 2,2% | 1,1 % | Lille | 13,7 € | -0,3% | 0,1% |
Angers | 10,7€ | 2,2% | 0,2% | Nantes | 12,3 € | -0,6% | 0,3% |
Rennes | 12,4 € | 2,1% | 0,1% | Strasbourg | 12,5 € | -0,6% | 0,0% |
Saint-Etienne | 8,0€ | 1,7 % | 0,1% | Montpellier | 14,0 € | -1,8 % | 0,0% |
Par ailleurs, dans plus des trois quarts des petites communes hors des agglomérations relevant de l’encadrement des loyers, les loyers ont baissé ou augmenté moins que l’inflation. La panne des loyers s’observe partout. L’observatoire en déduit qu’il est «difficile d’affirmer que le dérapage des loyers a partout contribué à l’aggravation des conditions d’accès à un logement». Pour Clameur, « il ne faudrait pas confondre efficacité des dispositifs d’encadrement des loyers et atonie de la demande et de ses difficultés budgétaires ».
Le bailleur peut-il profiter d’un changement de locataire pour augmenter le loyer ? En moyenne, la réponse est négative : lors de la relocation, le loyer est en baisse de -0,3 % par rapport au loyer du locataire sortant. Cette situation est récurrente depuis 2014. Alors que le taux était positif jusqu’en 2013, il est négatif depuis.
Voici donc cinq années consécutives que le bailleur est conduit, en cas de relocation, à baisser son loyer entre le locataire sortant et le nouveau. Sur longue période, les loyers de relocation sont en hausse de + 3,2 %. Le sommet de la courbe avait été atteint en 2002 avec une hausse de + 7,1 %. Jusqu’en 2007, le taux est resté supérieur à 5 %. Mais la décrue s’est accentuée avec la crise de 2008. Depuis, la situation ne s’est pas retournée : elle s’est au contraire aggravée. La situation a plus critique a été atteinte en 2016 où les loyers de relocation étaient inférieurs de -0,8 % aux loyers précédents. Ces moyennes nationales recouvrent des diversités géographiques importantes (voir carte) :
Les loyers de relocation sont en baisse de plus de 2 % dans 6 départements (Aisne, Aube, Doubs, Haute-Marne, Nièvre et Yonne). La Bourgogne est donc particulièrement touchée par le mouvement de baisse des loyers. A l’inverse, les loyers augmentent de plus de 1,0 % dans l’Orne, à Paris et dans le Gers.
C’est l’un des chiffres les plus marquants de cette livraison de statistiques de Clameur. La proportion de logements qui sont remis en location après avoir bénéficié de travaux d’amélioration et d’entretien est tombée à un niveau jamais observé depuis la création de l’observatoire en 1998. Ce taux est de 13,3% en 2018. L’année 2017 avait déjà marqué un record (14,3 %), mais ce plancher bas a encore été enfoncé.
Un point culminant avait été atteint en 2009 où près d’un tiers des logements (32,9 %) étaient rénovés avant relocation. Alors que la moyenne sur longue période est de 21,5 %, ce taux est passé sous la moyenne en 2014 et n’a jamais repassé ce seuil depuis.
Cette situation est inquiétante car elle témoigne d’une dégradation du parc locatif.
Mais selon Michel Mouillart, cette situation était attendue (lire son interview), car elle est la résultante d’une dégradation du niveau de recettes locatives et un effet des politiques du logement suivies par les pouvoirs publics.
L’état d’entretien du parc risque, à terme, de poser problème, car la dégradation d’un patrimoine est un phénomène insidieux. Si certains travaux peuvent être reportés, la généralisation du phénomène conduit à une dégradation du parc, ce qui n’est opportun ni pour le bailleur ni pour le locataire. En plus des questions de niveau de loyer et de politique publique, on peut penser que la perturbation du régime fiscal liée au passage au prélèvement à la source a pu conduire des bailleurs à attendre que le régime fiscal soit stabilisé avant d’engager des travaux d’envergure sur leur patrimoine locatif. La complexité du régime fiscal de la période de transition a pu légitimement inciter les bailleurs à l’attentisme. De ce point de vue, ce n’est qu’en 2020 qu’on verra si le taux d’effort d’amélioration et d’entretien des logements retrouve un niveau plus normal.
Les loyers augmentent moins que l’inflation, le recul des loyers entre deux locataires se poursuit et l’état d’entretien des logements est à son plus bas niveau depuis la création de Clameur. Le marché locatif est donc en panne, ce qui est peu rassurant pour les bailleurs et les investisseurs.