Travaux : retards de paiement et pénalités

Vous avez fait réaliser chez vous des travaux et reçu une facture de ces prestations. Pour ne pas l'égarer, vous l'avez soigneusement rangée dans un tiroir de votre bureau où vous l'avez oubliée. Quelque temps plus tard vous recevez un rappel de cette facture majorée d'une somme au titre de pénalités de retard, aussitôt vous vous interrogez : que sont ces pénalités, sont-elles dues ?

Le langage commun définit la pénalité de retard comme une sanction pécuniaire due en raison du retard à s'acquitter d'une obligation. Le Code civil dans son article 1231-5 créé par l'ordonnance du 10 février 2016 (article 2), ratifiée par la loi du 21 avril 2018, stipule :

"lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter  paiera une certaine somme, à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.

Néanmoins le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est  manifestement excessive ou dérisoire. "  

Le caractère contractuel de la pénalité de retard                                                                             

Il résulte donc de la lecture de l'article qui précède, que la pénalité de retard a un caractère contractuel, c'est-à-dire qu'elle doit avoir été acceptée par les deux parties antérieurement ou, au plus tard, lors de la conclusion du contrat.

Avez-vous accepté le principe des pénalités de retard ?

Vous vérifiez alors au dos de votre facture, sur lequel  figurent les conditions de vente :  elles mentionnent effectivement les pénalités de retard, avec un taux défini faute de paiement de la facture payable à réception ou dans un délai après réception.

Vous pensez alors que ces pénalités sont dues.

Vous êtes peut-être dans l'erreur, car pour avoir un caractère contractuel les pénalités de retard doivent avoir été convenues par les deux parties antérieurement ou au plus tard lors de la conclusion du contrat.

Si vous avez passé commande de ces travaux en acceptant un devis ou un bon de commande sur lequel  figure une clause de pénalités de retard, celles-ci sont indiscutablement dues, dans le cas contraire,  elles ne peuvent être exigées.

Si le professionnel n'a pas inséré la mention de pénalités de retard dans le devis ou tout autre document préalable au contrat, il ne pourra naturellement pas se prévaloir de pénalités qui n'ont pas été contractuellement acceptées antérieurement au contrat.

L'obligation d'information du professionnel

L'art L 111-2 du Code de la consommation met à la charge du professionnel une obligation d'information précontractuelle préalable aux contrats de vente et de prestations de service. Il doit ainsi communiquer de manière lisible et compréhensible non seulement les caractéristiques essentielles du service et les mettre à la disposition du consommateur, mais aussi,  lui communiquer de manière claire et non ambigüe les informations suivantes :

  • le nom, le statut, la forme juridique, l’adresse géographique de l'établissement et ses coordonnées  permettant d'entrer en contact et de communiquer directement avec lui,
  • le cas échéant le numéro d’immatriculation au registre du commerce ou d’inscription au répertoire des métiers,
  • si son activité est soumise à un régime d'autorisation, le nom et l'adresse de l'autorité l'ayant délivrée,
  • s'il est assujetti à la taxe à la valeur ajoutée et identifié par un numéro individuel,  en application de l'art 286 ter du Code général des impôts, son numéro individuel d'identification,
  • s'il est membre d'une profession règlementée, son titre professionnel, l'Etat membre dans lequel il a été octroyé, ainsi que le nom de l'ordre ou de l'organisme auprès duquel il est inscrit,
  • le cas échéant, les clauses de garantie après-vente non imposée par la loi,
  • les conditions générales (dont éventuellement les pénalités de retard),
  • l'éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité souscrite par lui, les coordonnées de l'assureur ou du garant ainsi que la couverture géographique du contrat ou de l'engagement (essentiel en cas de marché de travaux de construction)...

Ces obligations d'information précontractuelle mises à la charge du fournisseur de biens ou de services sont autant de garanties pour le consommateur. Combien de devis ou même de factures de travaux a-t-on  vu  avec une simple dénomination commerciale  pour toute identité, et un numéro de téléphone, sans forme juridique, sans adresse précise, sans mention de couverture par une compagnie d'assurance, de telle sorte que tout recours en cas de litige devient difficile, voire impossible.

En bref, vous avez contracté,  mais sans savoir au juste avec  qui.

Le montant  des pénalités de retard

Le Code de commerce impose aux entreprises d'indiquer sur leurs factures le taux d'intérêt applicable en cas de retard de paiement. Ce taux peut être fixé librement sans toutefois être inférieur à trois fois le taux de l'intérêt légal, mais plus habituellement il est choisi un taux de 10 à 15 % du montant de la facture.

Les pénalités de retard sont calculées sur le montant  TTC des  factures en retard de paiement et sont exigibles sans qu'un rappel soit nécessaire, elles sont décomptées à partir du lendemain de la date d'exigibilité du paiement.

S'il est très rare,  voire impossible de voir appliqué un taux de pénalité inférieur à trois fois le taux de l'intérêt légal, il peut arriver par contre que le taux choisi par le fournisseur soit exagéré voire exorbitant.

En cas de litige, vous vous rappellerez les dispositions de l'article 1231-5 du Code civil qui permet au juge de diminuer le taux des pénalités de retard si celui-ci est manifestement exagéré, ce qu'il vous appartiendra de démontrer.

La jurisprudence est importante en la matière, les tribunaux ayant de façon quasi quotidienne à faire l'application de ce principe. Ainsi :

  • par un arrêt du 21 février 2019, la Cour d'appel d'Orléans réforme un jugement qui avait fixé à 5940 € HT et ramène à 750 € une pénalité de retard pour la résiliation anticipée d'un contrat de location de matériel qui prévoyait une clause pénale égale au montant de tous les loyers dus et à échoir jusqu'au terme du contrat majoré de 10 %. La Cour  ayant statué en fonction du préjudice subi par le loueur dont le matériel a été restitué un mois après la résiliation du contrat ;
  • par un arrêt du 29 juin 2018, la Cour d'appel de Paris rejette la qualification de pénalité excessive une pénalité de 16 % l'an avec capitalisation des intérêts ;
  • par un arrêt du 4 mai 2018, la Cour d'appel de Paris réforme un jugement ayant fixé à 70 000€ une pénalité de retard et ramène celle-ci à 10 000€ dans le cas de la vente d'un immeuble de 665 000 €  pour refus de réitérer la vente et ce, au regard de la durée d'immobilisation du bien entre le 27 juin et le 12 juillet 2013.

Comme on peut ainsi le constater l'application des pénalités de retard ne résulte pas obligatoirement d'un calcul arithmétique mais de la prise en considération des faits de la cause.

A retenir

Les textes et principes qui s'appliquent aux pénalités de retard et aux mentions obligatoires, ci- dessus énumérées, ont une portée générale, destinée à assurer la protection du consommateur et avant de contracter, vous aurez soin de vérifier que les documents précontractuels ou contractuels   qui vous sont proposés, en respectent bien les dispositions.

Guy Terracol • Avocat honoraire

Source : 25 millions de propriétaires • N°février 2019


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