Transmission du patrimoine : quelle donation ?

Cadeaux d’usage, dons manuels, donation-partage… Cet article expose ces notions et leur traitement fiscal afin de donner quelques pistes de réflexion à celui qui souhaiterait transmettre un ou plusieurs biens à ses enfants et/ou petits-enfants. Ne seront pas traités les testaments et les donations au dernier vivant, ni les sociétés ou le démembrement qui pourront opportunément s’adjoindre aux mécanismes analysés.

Le Code civil définit la donation comme « un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l'accepte ». Pour chaque donation, il faudra donc au moins une personne qui donne (le donateur), une personne qui reçoit (le donataire), et un objet à donner (le bien).

Par principe, toute donation doit être constatée par acte notarié. Deux exceptions ne requièrent cependant aucun écrit : le cadeau d’usage et le don manuel.

Cadeau d’usage

C’est une donation faite à l’occasion d’un évènement particulier qui répond à un usage (mariage, anniversaire…) et qui porte sur une valeur modique au regard de la fortune du donateur. Ce cadeau n’est pas soumis au régime des donations. Il n’y aura pas lieu d’en tenir compte lors de la succession du donateur, tout comme les frais d'entretien et d’éducation des enfants.

Traitement fiscal 

Ces cadeaux ne sont pas imposables, ni au moment de l’évènement, ni au décès du donateur. La difficulté réside dans le caractère modique que doit avoir le cadeau avec le patrimoine du donateur. Sur ce point, aucun texte ne fixe de valeur et l’administration fiscale se garde bien d’en préciser une limite.

Don manuel

Dispensé de tout écrit, le don manuel a pour seule condition une remise « de la main à la main » d’un bien au donataire. Cette donation avait initialement un objet restreint puisqu’elle ne pouvait concerner que les meubles corporels pouvant être donnés matériellement (métaux précieux, meubles meublants, objets d’art…). Cet objet a été élargi en acceptant une remise dématérialisée comme les virements d’argent et de valeurs mobilières.

Cette donation étant par nature dénuée d’acte, aucune clause n’y est stipulée. Il est cependant possible d’y adjoindre un pacte pour y stipuler certaines dispositions (conditions, prise en charge des droits par le donateur, bénéfice d’un régime fiscal de faveur… ).

Traitement fiscal 

Le don doit être déclaré au service des impôts par le donataire, soit par le dépôt d’un imprimé fiscal, soit par l’enregistrement du pacte adjoint.

Ce don est souvent utilisé pour les sommes d’argent qui bénéficient d’un abattement entre parent et enfants à hauteur de 31.865 €.

Attention, il est très important de cocher la case correspondant à cet abattement spécial (a. 790 G CGI) sur le formulaire fiscal.  A défaut, le don s’impute sur l’abattement général (a. 757 CGI).

Exemple

Un parent donne à son enfant la somme de 31.865 €. Outre l’absence de droit lors du don, l’enfant bénéficiera de son abattement général de 100.000 €. Si le patrimoine du donateur est à son décès de 100.000 €, aucun droit de succession ne sera à régler.

En l’absence de donation avant son décès, le donateur aurait un patrimoine de 131.865 €. Son enfant aurait des droits de succession de 4.567 €.

Economie fiscale : 4.567 €.

Donation simple

L’acte notarié permettra, outre de bénéficier des conseils du notaire, de stipuler certaines dispositions souhaitées par le donateur et acceptées par les donataires.

A défaut de clause contraire, les donations faites aux enfants sont en avancement de part successorale, ce qui signifie que ce qui est donné viendra en déduction de ce qu’il y aura à recueillir dans la succession du donateur. La donation permet ainsi d'anticiper la transmission du patrimoine sans avantager le donataire.

Il est possible, dans une certaine limite, de prévoir que ce qui est donné est hors part successorale, et viendra ainsi s’ajouter à la part que le donataire recevra au décès du donateur. Dans ce cas, la donation sert à avantager le donataire par rapport à ses frères et sœurs.

Les biens donnés seront réévalués lors du décès du donateur et du partage de la succession, soit pour s’assurer de l’égalité entre les enfants, soit pour vérifier que l’enfant qui a été avantagé par une donation hors part n’a pas reçu plus que ce que le Code civil autorise.

Traitement fiscal 

Le donataire sera fiscalisé en fonction d’une part de son lien de parenté avec le donateur (enfant, conjoint, neveu, etc) et d’autre part en fonction de ce qui lui est donné (certains biens bénéficient de régimes fiscaux de faveur comme les entreprises, les forêts, les terres agricoles…).

Chaque donataire bénéficie d’un abattement fixe en fonction de son lien de parenté avec le donateur, puis pour certains d’une imposition par tranche.

Actuellement, les abattements et les tranches basses d’imposition se régénèrent tous les quinze ans. Plus tôt a lieu la première donation, plus il sera possible de bénéficier de nouveaux abattements.

Exemple

Un père de famille consent à son fils une donation de 100.000 € et décède 16 ans plus tard. Outre l’absence de droit lors de la donation, l’enfant bénéficiera d’un nouvel abattement sur la succession. Si le patrimoine du donateur est à son décès de 100.000 €, aucun droit de succession ne sera dû.

En l’absence de donation, le patrimoine du donateur serait de 200.000 €, et les droits de de 18.194 €.

Economie fiscale : 18.194 €.

Par principe les frais sont à la charge du donataire. Cependant, l’acte peut stipuler qu’ils seront supportés par le donateur. Cet avantage nest pas à négliger, en effet le paiement des frais par le donateur n’est pas considéré fiscalement comme une donation complémentaire.

Exemple :

Un père de famille consent à son fils une donation de 150.000 €. Les droits de donation de 8.194 € sont réglés par le donateur.

En l’absence de donation, le donateur aurait un patrimoine de 158.194 €. Son fils aurait des droits de succession de 9.833 €.

Economie fiscale : 1.639 €. 

Donation-partage 

Cet acte permet de donner en partageant ses biens entre les donataires (ou d’attribuer un bien à l’un à charge de régler des soultes aux autres). Le donateur procède ainsi à un partage dont il n’y aura plus lieu de tenir compte à son décès, sauf inégalité entre les héritiers.

L‘objectif est de donner à tous les donataires en contrôlant les attributions afin d'anticiper des difficultés qui pourraient naître au décès du donateur en cas de mésentente entre les héritiers.

Cette opération fige les valeurs des biens transmis. Contrairement aux donations simples, les biens donnés n’auront pas à être réévalués au décès du donateur (ni les biens qui les auront remplacés).

Ce partage fait profiter le donataire de la plus-value postérieurement à la donation, sans en faire bénéficier ses frères et sœurs qui auraient une gestion moins optimale de ce qu’ils ont reçu.

Il est possible de faire une donation-partage par les deux parents (conjonctive) sans tenir compte de l’origine paternelle ou maternelle des biens. Les donataires seront réputés recevoir des deux parents à proportion des biens donnés.

Une donation-partage peut enfin ne comporter que des anciennes donations, pour en figer la valeur ou en changer les attributaires.

Traitement fiscal 

En l’absence de soulte, la fiscalité est identique à celle d’une donation simple.

En cas de soulte, les donataires sont taxés (sauf exception comme l’abattement pour somme d’argent) non pas selon ce qu’ils reçoivent, mais en fonction de leur quote-part dans la masse des biens donnés.

Cela permet, en présence d’un bien bénéficiant d’un régime fiscal de faveur, d’en faire bénéficier tous les donataires et non pas seulement celui qui sera attributaire du bien exonéré.

En cas de donation-partage conjonctive, il ne sera pas tenu compte de l’origine du bien. Le donataire pourra ainsi bénéficier des abattements de ses deux parents, même s’il reçoit un bien appartenant à un seul de ses parents.

En cas d’incorporation de donations antérieures à une donation-partage, seul le droit de partage de 2,5 % sera dû sur les biens incorporés.

Donation graduelle

Il est ici imposé au donataire de conserver le bien qui lui est donné et de le transmettre, à son décès, à un second donataire désigné dans l'acte.

S’agissant d’une charge, certaines limites s’imposent par la protection de la réserve héréditaire. En effet, la charge graduelle est très contraignante pour le premier donataire qui ne peut qu’user du bien donné, sans pouvoir le vendre, le donner ou le léguer.

Cette donation peut être opportunément utilisée lorsque le donataire n’a pas d’enfant et que ce qui est donné a vocation à rester dans la famille en allant à l’un de ses frères ou neveux.

Lors du décès du premier donataire, le second est réputé recevoir le bien directement du donateur. Il n’y aura donc pas lieu de tenir compte de ce bien dans la succession du premier donataire.

Traitement fiscal 

Au jour de l’acte, les droits de donation sont perçus en fonction du lien de parenté entre le donateur et le premier donataire.

Au décès du premier donataire, les droits sont perçus en fonction du lien de parenté entre le donateur et le second donataire, avec possibilité de déduire les droits payés lors de la première mutation. L’administration fiscale précise que cette imputation est également admise lorsque les droits de la première transmission ont été réglés par le donateur.

Exemple

Un parent donne à l’un de ses enfants un appartement de 100.000 €, à charge pour lui de le transmettre à son frère à son décès. Au jour de la donation, il n’y a pas de droit à régler. Au décès du fils premier donataire, le second reçoit l’appartement pour 100.000 € comme s’il venait directement de son père. Il n’y a donc pas de droit de donation ou de succession à régler.

En l’absence de charge graduelle, lors du décès du fils premier donataire, si son frère hérite de l’appartement les droits de succession s’élèvent à 35.388 €.

Economie fiscale : 35.388 €.

Donation résiduelle 

Ici le donateur charge le donataire de transmettre à son décès ce qui restera des biens donnés à un second donataire désigné dans l'acte. Contrairement à la donation graduelle, la charge résiduelle n'impose pas au gratifié de conserver le bien donné. Il peut donc le vendre et le donner, mais pas le léguer.

La donation résiduelle ne garantit la transmission du bien donné au second donataire qu’en l’absence de vente et de donation. En contrepartie, le premier donataire jouit d'une plus grande liberté.

En présence d’un enfant handicapé par exemple, la donation résiduelle permet de vendre les biens donnés pour utiliser les fonds ainsi obtenus lorsque le premier donataire a un important besoin d'argent.

Au décès du premier donataire, le second est réputé recevoir le bien du donateur. Il n’y aura donc pas lieu d’en tenir compte dans la succession du premier donataire.

Traitement fiscal 

Le régime est identique à celui de la donation graduelle, sauf qu’au décès du premier donataire, seul le reliquat des biens sera soumis à l’impôt.

Ce schéma sera, comme le précédent, particulièrement opportun lorsqu’aucun lien de filiation n’existe entre les deux donataires, ou si les abattements sont plus faibles qu’entre le donateur et le second donataire.

Il peut également apparaitre intéressant, lorsque le patrimoine du donateur est important, de prévoir une charge résiduelle entre enfant et petits-enfants, permettant à la seconde génération de déduire les droits supportés par la première.

Exemple

Un parent donne à un enfant un appartement de 1.000.000 €, à charge pour lui de le transmettre (s’il n’est pas vendu) à son enfant à son décès. Au jour de la donation, les droits s’élèvent à 212.962 €. Au décès du fils premier donataire, le second reçoit l’appartement pour 1.000.000 € comme s’il venait directement de son grand-père. Les droits de succession sont de 233.403 €.

Les droits de donation réglés par la génération précédente sont déductibles.

Economie fiscale : 212.962 €.

Donation-partage transgénérationnelle 

Cette donation permet au donateur de donner des biens à ses petits-enfants sur la part revenant à ses enfants, avec l’accord de ces derniers.

La donation se fait par souche et non par tête, chaque enfant pouvant laisser ses propres enfants recueillir une partie de la donation en ses lieu et place. Chaque souche reçoit des biens de valeur identique, ensuite suivant le nombre d’héritiers par souche, les donataires (cousins) pourront recevoir des montant différents.

Outre l’intérêt de pouvoir donner à sa famille par souche, cet acte permet de transmettre directement des biens à une génération plus jeune qui peut en avoir davantage besoin. Cela évite également une double transmission et donc une double imposition (une à chaque génération).

Cette donation peut incorporer des biens antérieurement donnés pour les attribuer à la génération suivante.

Traitement fiscal 

Chaque donataire sera taxé selon son lien de parenté avec le donateur.

Exemple

Un père de trois enfants (abattements personnels : 100.000 €) ayant eux-mêmes chacun deux enfants (abattements personnels : 31.865 €), pourra faire une donation de 491.190 € en exonération de droit.

En cas de donation uniquement aux enfants, les droits s’élèvent à 32.820 €.

Economie fiscale : 32.820 €.

Les donations antérieurement faites à la première génération pourront également être incorporées pour faire profiter les petits-enfants à la place de leur parent. L’incorporation de donations antérieures de plus de quinze ans est taxée au droit de partage de 2,5%. Les donations de moins de quinze ans dont il est envisagé de faire le « saut de génération » sont quant à elles taxées comme une nouvelle donation, mais avec déduction des droits règlés lors de la première donation.

Lorsque l’on souhaite donner à l’un ou plusieurs de ses enfants un bien que l’on a reçu par donation de ses parents, il peut être opportun d’incorporer l’ancienne donation afin que les grands-parents donnent directement à leurs petits-enfants.

Ce qu’il faut retenir

La mise en place d’un schéma de transmission est une matière particulièrement complexe qu’il convient de manier avec le plus grand soin, tant les situations sont particulières et les patrimoines variés (immeubles, comptes en banque, sociétés, valeurs mobilières, collection d’art…).

Le parent souhaitant transmettre son patrimoine se doit d’avoir une vision à long terme et de connaître les besoins de ses enfants. Le choix de la donation la plus adaptée et les calculs fiscaux seront laissés au notaire.

Henri Chesnelong • Notaire

Source : 25 millions de propriétaires • N°mai 2019


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