Sous réserve de modification législative, réglementaire ou jurisprudentielle.
Dans la perspective de la création d’une association européenne pour assurer la promotion des passages et galeries historiques auprès du grand public et des autorités, la Délégation générale Wallonie-Bruxelles et l’Institut de la décision publique ont organisé le 18 avril 2018 une soirée de débat animée par le Professeur Geoffrey Grandjean (ULiège) avec la participation de Jean-Claude Delorme (architecte et auteur de l’ouvrage Passage couverts parisiens), Alexandre Grosjean (Président des Galeries Royales Saint-Hubert à Bruxelles) Soliman (Président du Conseil syndical et commerçant dans le Passage Pommeraye à Nantes) et Olivier Hamal (avocat et co-auteur de l’ouvrage 175 ans au Passage Lemonnier à Liège).
Comme le rappelle dans ses interventions Patrice de Moncan (Editions du Mécène – auteur de plusieurs ouvrages), grand spécialiste de cette matière, entre 1786 et 1930, près de 320 passages couverts furent édifiés en Europe dont il n’en reste aujourd’hui que 178 répartis dans 18 pays et 119 villes. Ces lieux présentent toujours aujourd’hui un attrait certain par leurs qualités patrimoniales et esthétiques. Ils restent des centres de développement économique, commercial, touristique et culturel. Pour nombre d’entre eux, ils sont encore des lieux de logement.
Ces dernières années, les « rescapés » ont suscité un intérêt grandissant et leurs propriétaires ou copropriétaires s’attèlent à leur rénovation mais aussi à les (ré)inscrire dans une nouvelle dynamique commerciale mais aussi autour du tourisme patrimonial.
Il est cependant temps de regrouper toutes celles et tous ceux qui oeuvrent à leur devenir et de créer entre eux un réseau et des synergies. C’est pourquoi, les passages et galeries belges (Galeries Royales Saint Hubert, Passage du Nord et le Passage Lemonnier) ont décidé, avec tous les partenaires qui le souhaiteront, de créer une association avec pour objet :
Elle se veut aussi être le lieu de rencontre de l’ensemble des gestionnaires de passages et galeries en Europe quelles que soient leurs responsabilités mais aussi de toute personne concernée ou intéressée par cette thématique (propriétaires, syndics, gestionnaires, commerçants, habitants, amateurs de ces lieux...). Il s’agira par là-même de dégager entre eux des échanges, collaborations et synergies pour rencontrer les objectifs poursuivis par l’association. Elle entend inscrire son action non seulement sur le plan d’une démarche économique, commerciale et promotionnelle mais aussi sur le plan d’une démarche patrimoniale et culturelle.
Mais au-delà, de la création de cette association, différentes initiatives sont déjà en cours tel le jumelage intervenu le 14 septembre 2018 entre les Galeries Royales Saint-Hubert de Bruxelles et la Galerie Vivienne à Paris. Mais déjà les Galeries Saint-Hubert sont jumelées avec le Passage Pommeraye de Nantes et le Passage Lemonnier à Liège avec le Passage Choiseul à Paris.
Un rassemblement des responsables des passages et galeries, qui se seront montrés intéressés par ces projets, devrait être programmé à Paris au printemps 2019.
(extrait du chapitre écrit par Patrice de Moncan sur les Passages couverts en Europe … et le Passage Lemonnier dans le livre 175 ans au Passage Lemonnier à Liège – 2014)
Les passages sont nés à Paris, en 1786. Leur modèle historique fut créé sur l’espace qui sépare la cour du Palais-Royal de son jardin, aujourd’hui ponctué par les colonnes de Buren.
Ces «Galeries de Bois» du Palais-Royal n’étaient alors qu’une construction modeste et provisoire, alignant des allées de petites échoppes éclairées par de hauts lanterneaux de verre.
Leur propriétaire ? Le duc d’Orléans, futur Philippe-Égalité, cousin de Louis XVI, et père de celui qui deviendra en 1830 le roi Louis Philippe. Balzac dans Illusions perdues décrit avec une précieuse minutie ces galeries, leur grouillante animation et la diversité des badauds et des boutiquiers.
L’analyse chronologique de la construction des passages en Europe fait apparaître les points suivants.
La première génération, jusqu’en 1830, est essentiellement parisienne. Seuls huit passages sont situés hors de la capitale française – quatre en Angleterre, un à Bruxelles (le Passage de La Monnaie), un à Lyon, un à Nantes et un à Niort –, contre une quarantaine à Paris.
La deuxième génération, de 1830 à 1848, gagne l’Europe entière. De taille encore relativement modeste, des passages apparaissent en Italie, en Allemagne tandis que la production s’intensifie en Angleterre, en Belgique et dans les provinces françaises (Bordeaux et Nantes).
La troisième génération, à partir de 1848, marque l’ère du gigantisme. Toutes les grandes villes d’Europe vont succomber à cet engouement... à l’exception de Paris tandis que dans les provinces françaises le désintérêt pour les passages n’apparaîtra que sous la Troisième République.
Enfin, une dernière vague de construction ou de rénovation des passages anciens aura lieu au cours des années 1920/1930, à Paris, à Berlin, à Liège, à Trieste, etc. Puis ce phénomène architectural finira par disparaître définitivement, les Centres commerciaux, bien que situés au départ hors des centre villes, en prenant d’une certaine manière la relève dans les années 1960.
Aujourd’hui l’avenir des passages pose deux questions principales. Leur intérêt est-il essentiellement d’ordre historique ? Peuvent-ils retrouver une ambition commerciale ?
L’ambition commerciale. À Paris, comme à Liège ou Londres, où se trouvent les passages de la «première et deuxième générations », les boutiques sont généralement de taille modeste.
Or le commerce d’aujourd’hui, celui des centres commerciaux et des grands magasins, régi par de grandes enseignes internationales, exige de vastes surfaces que ne peuvent leur proposer ces passages. N’oublions pas que le déclin des passages à Paris a coïncidé avec l’apparition des grands magasins. Ils subissaient déjà la concurrence de locaux qui offraient de vastes espaces.
Ce problème ne se pose pas dans les passages construits en Europe à partir des années 1840, ceux de Bruxelles, de Milan, de Naples et de Rome, de Manchester et de Leeds ou encore de Moscou, qui offrent des possibilités de surfaces très importantes, grâce à leur architecture gigantesque, s’apparentent souvent à celle des grands magasins. On trouve au Goum aujourd’hui un magasin Zara sur quatre étages et les commerces offrant des surfaces de 400 m² et plus, tel Nike, y sont légion.
On voit donc que la question de l’avenir commercial se pose en termes différents suivant la structure et l’époque de création des passages, ceux construits après les années 1840 se prêtant généralement mieux aux évolutions modernes du commerce.
Olivier Hamal, président du Syndicat National des Propriétaires et des Copropriétaires de Belgique
Source : 25 millions de propriétaires • N°novembre 2018
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