La Rochelle : des logements abordables pour attirer des familles

Avec des prix en constante augmentation, l’accession au sein de La Rochelle se révèle quasi impossible pour de très nombreux salariés. La municipalité se mobilise pour tenter de faire revenir ces ménages.

Territoire dynamique, La Rochelle (Charente-Maritime), comme de nombreuses villes moyennes situées sur le littoral, est classée en zone tendue. L’accession à la propriété y est difficile avec des prix élevés résultat notamment d’une distorsion entre l’offre et la demande. Pour Édith Girardeau, membre de la chambre des notaires de Charente-Maritime, les prix ont augmenté de 8,4 % par rapport à 2018. « Les quartiers historiques, la Genette, le Mail, restent les plus attractifs avec des prix dans l’ancien qui peuvent atteindre les 6 000 €/m². Même dans les secteurs les moins prisés, Mireuil ou Villeneuve, le m² oscille entre 2000 et 2500 € », détaille la notaire rochelaise qui précise : « Avec un prix moyen de 3 722 €/m² pour le neuf et l’ancien, il est quasiment impossible de trouver une maison de 100 m² avec trois chambres, un garage, un jardin à moins de 250 000 € ».

Conséquence, les retraités, notamment parisiens, sont nombreux à s’installer entraînant un vieillissement de la population. Un état de fait que précise Jean-Philippe Plez, adjoint au maire en charge de l’urbanisme : « Nous sommes bien placés sur les 18-25 ans et les retraités. Entre les deux, on a un trou. Nous devons reconquérir les actifs ».

En parallèle, la ville fait face à une autre contrainte. Bordée par l’océan à l’ouest et par les autres communes de l’agglomération aux autres points cardinaux, elle possède peu de réserves foncières et doit penser son développement autrement que par l’étalement. « Nous devons être exemplaires en termes d’urbanisme. La ville ne s’étend plus, elle se reconstruit sur elle-même », se félicite l’adjoint. Conséquence de ce foncier rare, les prix dans le neuf peuvent atteindre les 5 500 €/m².

Des logements abordables

Alors que l’agglomération élabore son PLUI, elle a arrêté, il y a deux ans, son PLH pour 2016/2020. Qualifié d’ambitieux par Jean-François Fountaine, président de l’agglo et maire de La Rochelle, il prévoit la construction de 1900 logements par an sur le territoire, dont 700 uniquement pour le chef-lieu. « 600 logements à l’année, c’est notre point zéro ; en dessous nous perdons des habitants. Si cet objectif ne permet pas de faire baisser le prix de l’immobilier, il a le mérite d’éviter son explosion », précise Jean-Philippe Plez.

Malheureusement, cette mesure ne suffit pas à elle seule, pour ramener des familles dans la ville. Aussi les élus ont dégainé une autre arme : le logement abordable. En deux ans, une centaine est sortie de terre et plus de 300 sont dans les cartons. Sa spécificité est d’être 20 à 30 % moins cher qu’une construction classique et éligible au PTZ. « Nous avons imposé que 30 à 40 % de logements abordables soient édifiés dans chaque opération conduite sur la ville. Avec cette mesure, nous touchons ainsi 80 % de la population qui a du mal à se loger », se félicite l’élu. Et la formule semble porter ses premiers fruits puisque 37 enfants de plus ont été enregistrés cette année dans les écoles rochelaises.

Locatif ancien : marché compliqué

Au sein de la ville blanche, les prétendants à la location ne sont pas mieux lotis. Yann Dupé, agence Antioche et vice-président de la FNAIM 17, n’hésite pas à qualifier le marché locatif d’« assez particulier », avant de préciser : « C’est cyclique. Il y a un an et demi, nous avions 20 % du parc qui était vide. Aujourd’hui, ceux qui cherchent ont beaucoup de mal à se loger… Il y a plus d’arrivées ces derniers mois, mais cette raréfaction est assez inexplicable ». Côté prix, pas de grandes évolutions, ils sont stables depuis plusieurs années. « Nous avons des T3 en plein centre, près du Vieux Port, à environ 10 €/m² alors que pour les petites surfaces nous tournons autour d’une quinzaine d’€/m² ».

Alors forcément, lorsqu’on évoque la question de l’encadrement des loyers proposée par les élus rochelais, l’agent immobilier reste perplexe. « Encadrer quoi ? Il n’y a pas de hausse ». Au contraire, il y voit un risque : celui que les propriétaires abandonnent le classique pour le saisonnier. « On a déjà connu cette situation lorsque le législateur a souhaité inscrire un bail d’un an minimum pour tous, y compris les étudiants. Les propriétaires qui faisaient de la location étudiante l’année scolaire et du saisonnier le reste du temps se sont tournés vers la location touristique », rappelle-t-il. Jean-Philippe Plez de son côté est moins catégorique sur la question : « Avant tout, je veux m’assurer que ce n’est pas une fausse bonne idée. De toute façon, elle devra être accompagnée d’autres mesures d’incitation à la réhabilitation des logements vacants et délabrés ».

Reconquérir le centre-ville

Avec cette remarque, l’adjoint pointe une zone précise de la ville. En effet, derrière la beauté des façades des boutiques situées le long des rues pavées et piétonnes du centre se cache en hauteur un habitat souvent indigne. La municipalité vient de lancer une étude afin de recenser les immeubles dans ce cas. « Plusieurs centaines d’habitations devraient être concernées, avance l’élu. L’une des raisons est que les baux des commerces au rez-de-chaussée intègrent l’ensemble de l’immeuble. Alors, souvent, les habitations dans les étages n’ont pas d’accès indépendants et affichent des prix en inadéquation avec leur taille et leur salubrité ». Une fois le recensement effectué et toutes les causes identifiées, la ville pourrait engager une opération reconquête, type OPAH.

Plein feu sur les quartiers

Le centre-ville n’est pas le seul concerné par l’amélioration de l’habitat. Après les quartiers de Saint-Eloi et Mireuil, les acteurs de l’urbanisme ont engagé un PRU, le 7 mars, sur Villeneuve-les-Salines. Situé à l’entrée sud de la ville, ce quartier populaire abrite quelque 7 000 habitants. Le logement occupe une place de choix dans ce programme puisque près d’un millier d’habitations seront rénovées ou construites. Ainsi, dans le détail, cinq immeubles totalisant 180 logements seront démolis et reconstruits en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville, 600 autres habitations seront réhabilitées et plus de 130 constructions seront engagées par des bailleurs sociaux et privés. Un vaste chantier sera également mené sur les espaces publics avec un cœur de quartier entièrement repensé et doté d’équipements mieux organisés. Des espaces commerciaux seront créés et les vitrines existantes rénovées. Prévu pour s’étaler sur les dix prochaines années, ce PRU va mobiliser une enveloppe financière de 125 M€.

Trois chantiers, plus de 2000 logements

La ville de La Rochelle conduit une demi-douzaine de chantiers qui associent aménagement urbain et logements. Trois sortent du lot :

• l’aménagement du boulevard Sautel a pour objet la requalification d’une des entrées majeure de la ville. Outre les espaces publics, le programme prévoit la création d’un millier de logements qualitatifs.

• ancienne zone artisanale, le quartier Rompsay/Joffre est situé au coeur d’un site naturel, le long d’un canal. À deux pas du centre, le secteur va bénéficier d’une importante restructuration. De nouveaux services publics verront le jour ainsi que 800 à 1 000 logements.

• Vinci et Sofiam associés au bailleur IAA mènent un vaste projet d’écoquartier à Beauregard. Plus de 300 logements seront érigés ainsi qu’une place de quartier, des espaces publics, des jardins partagés…

Trois questions à Jean-Louis Racaud, président de l’UNPI La Rochelle et Pays d’Aunis

Quelle est la situation du marché rochelais ?


La Rochelle jouit d’une position géographique privilégiée avec un marché qui a toujours été dynamique. Cette année, la situation est très tendue sur la vente. L’an dernier, nous avons observé un nombre de transactions en forte hausse entraînant une pénurie de biens. Aujourd’hui, il y a plus de demandes que d’offres

Le marché locatif est plus disparate. Il y a deux, trois ans, on a constaté une vacance importante des logements anciens dans le centre. Cette situation était le résultat de la mise en chantier d’un grand nombre de programmes neufs qui bénéficiaient de régimes fiscaux intéressants. Ces produits de défiscalisation sont arrivés sur le marché avec des loyers encadrés. Résultat : les locataires se sont naturellement dirigés vers ce type de biens. Aujourd’hui, le taux de vacance dans l’ancien est moins important. On ne connaît pas réellement la raison de ce retournement. Pour ma part, je pense que de nombreux propriétaires se sont recentrés vers de la location saisonnière et notamment vers les nouvelles plateformes du genre Airbnb.

Votre position sur la proposition d’encadrement des loyers ?

Depuis la mi-juin, nous sommes sur le pont… Je suis convaincu qu’il s’agit d’une annonce politique à moins d’un an des élections municipales d’autant qu’aujourd’hui, il n’avait pas de raison de lancer ce débat : les loyers sont relativement stables depuis 2015 ; par ailleurs, la loi ELAN prévoit d’une certaine manière l’encadrement des loyers via notamment la défiscalisation Pinel. D’ailleurs, les 5 000 ou 6 000 dernières constructions sur La Rochelle sont éligibles au Pinel. Cette décision est également inquiétante car elle envoie un signal négatif aux investisseurs. En effet, le propriétaire ne sera pas libre de fixer son loyer alors que le prix de vente restera ouvert et élevé…

De toute façon, il sera très difficile de mettre cette mesure en place car La Rochelle ne dispose pas d’un observatoire des loyers agréé par l’État, étape indispensable pour appliquer l’encadrement des prix.

Quelles sont les préoccupations majeures de l’UNPI ?

La fiscalité locale de la ville est stable depuis déjà quelques années après d’importantes augmentations. Il ne faudrait pas qu’elle reparte à la hausse car nous sommes déjà à 50 % de la valeur locative. Nous restons donc vigilants sur cette question, tout comme sur celle de la suppression de la taxe d’habitation, avec le risque que la disparition de cette dernière fasse exploser la taxe foncière ; ce serait catastrophique pour les propriétaires.

Nous regrettons aussi que les enveloppes allouées par l’ANAH soient trop complexes à obtenir pour les petits propriétaires qui voudraient rénover leurs logements. Au final, il n’y a quasiment que les gros investisseurs et opérateurs qui profitent des dispositifs Malraux, par exemple.

Jean-Sébastien Thomas

Source : 25 millions de propriétaires • N°octobre 2019


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