Le peu de jurisprudence sur cette question et les enjeux financiers en question à hauteur d’environ 50 millions d’euros en font un procès historique dont le délibéré sera attendu par de nombreux propriétaires marseillais, par les commentateurs et la doctrine juridique.
Le rapporteur public, a conclu dans le sens des requérants en demandant l’annulation du vote du budget 2022, et de la délibération fixant le taux historique de la taxe foncière. Selon lui, les élus marseillais n’auraient pas été destinataires, lors du vote de ces deux actes, de l’information suffisante de nature à leur permettre de voter en conscience, ce qui aurait faussé la démocratie. En effet, le magistrat administratif a considéré que le rapport d’orientation budgétaire, préalable au débat d’orientation budgétaire et au vote du budget primitif, est entaché de plusieurs vices, tenant à l’oubli de nombreuses mentions obligatoires listées par l’article D. 2312-3 du Code général des collectivités territoriales (CGCT).
De même, la mairie n’a pas clairement annoncé dans les documents budgétaires de la hausse du taux de la taxe foncière en précisant uniquement qu’elle « actionnerait tous les leviers possibles », sans accompagner sa délibération d’une réelle étude d’impact. Cette hausse a été littéralement camouflée.
Le rapporteur public a donc estimé, en abondant dans le sens des arguments des avocats des propriétaires et de l’UNPI, que les élus avaient été privés du « socle minimum d’informations pour remplir leur mandat » au regard de l’importance et de la technicité du vote en jeu. La circonstance qu’une majorité se soit dégagée malgré une forte opposition minoritaire, à l’occasion de tel ou tel débat, n’excuse pas un tel manquement. Les contribuables ont donc payé un impôt sur des bases illégales.
Reste désormais la question de la réparation et des conséquences de l’illégalité du budget et de la hausse de la taxe foncière.
Juridiquement, l’annulation d’un tel acte a un effet rétroactif, ce qui signifie que l’acte est censé n’avoir jamais existé. Autrement dit, la Commune de Marseille et les services des impôts devront rembourser, les sommes indûment perçues puisque la taxe foncière n’a plus de base légale. Cependant, le juge administratif dispose de la possibilité de différer l’annulation prononcée dans cette affaire si celle-ci risque de présenter des conséquences manifestement excessives.
Or, selon le rapporteur public, tel n’est pas le cas : la somme de 50 millions au titre du remboursement ne constitue pas une somme excessive qui ne désorganisera pas les services financiers. La ville a répliqué pour demander un délai pour revoter, reconnaissant ainsi explicitement devoir rembourser car la hausse est illégale. En revotant une deuxième fois, la ville espère maintenir la hausse.
En droit, la question de l'annulation du budget d'une collectivité locale par le juge administratif est connue. L’annulation ôte tout effet juridique au budget, et fait disparaitre la hausse. Toutefois, en cas d'absence de vote du budget rectificatif avant le 15 avril de l’année de l’annulation, le préfet saisit sans délai la chambre régionale des comptes, puis, avis de celle-ci, exécute le budget sans la hausse ;
Dans ce cas la ville sera donc en tutelle.
Me Jacques Gobert et Me Frédéric Ponsot, SCP Gobert & associés
Source : 25 millions de propriétaires et vous • N°572 - avril 2023