Tout sujet a vocation à devenir politique, mais celui de la succession, qui plus est immobilière, l’est peut-être plus que d’autres. Il est en effet beaucoup plus compliqué de gérer une succession qui comporte essentiellement des biens immobiliers qu’une succession n’étant composée que de sommes d’argent. Les héritiers, en plus de devoir gérer l’indivision successorale, devront aussi s’acquitter auprès de l’administration fiscale de droits de succession, qui seront plus ou moins conséquents selon l’importance du patrimoine immobilier. Et c’est là que le bât blesse, car la facture peut s’avérer fort salée : tout comme l’impôt sur le revenu, l’impôt sur le patri- moine se calcule de manière progressive, sachant que sa dernière tranche peut atteindre les 45 %. Une véritable injustice.
Sujet sensible car bien souvent teinté d’affect familial, le droit de succession est un drôle d’impôt qui attise les débats et la controverse. Il est ainsi vu comme un « impôt sur la mort » pour Éric Ciotti, président Les Républicains (LR), qui réclame sa suppression, pour favoriser la transmission du travail d’une vie, et mieux faire circuler l’équivalentde 5 000 milliards d’épargne financière selon lui. Sans aller jusqu’à les supprimer, la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (IFRAP) préconise quant à elle une simple baisse des droits de succession, qui pourrait déjà alléger la pression fiscale, jusqu’à 4,4 milliards d’euros par an. À l’inverse, l’impôt sur les successions est abordé comme un outil d’égalitarisme pour la gauche, à l’image de l’économiste Thomas Porcher, ou du think tank Terra Nova, qui y voient un moyen d’éviter la fameuse « concentration des richesses » tant ressassée par les collectivistes. Reste qu’augmenter ces droits, comme l’a proposé le Conseil d’analyse économique (CAE), dans une note publiée fin décembre 2022, risquerait d’alourdir la fiscalité française de 14 milliards d’euros, sous couvert de préserver l’égalité des chances.
Et la France figure déjà parmi les pays les plus gourmands en matière d’impôt sur les successions et les donations, qui représentent plus de 1 % du total des recettes fiscales de l’État. En 2019, dernière année recensée, les droits de mutation à titre gratuit, dits DMTG, ont rapporté 15,2 mil- liards d’euros, dont 12,3 milliards pour les droits de succession, et 3 milliards pour les donations, aussi appelées « mutations entre vifs ». À ce stade, on peut parler de vache à lait.
Pour limiter la purge, il est important de prendre de l’avance et de s’affranchir le plus tôt possible du tabou de la succession. Anticiper est le maître- mot, et plusieurs solutions existent pour limiter le plus possible les frais de succession qui vont peser sur les héritiers. Il y a la plus connue, et la plus plébiscitée des Français, qu’est l’assurance vie. Elle offre tout un panel d’abattements conséquents pour les versements effectués avant 70 ans, qui peuvent dépasser 150 000 euros par parent et par enfant. Il y a aussi les donations, qui permettent aux parents de donner l’équivalent de 100 000 euros par parent et par enfant, sans frais de succession, tous les 15 ans. Il est également possible de transmettre uniquement la nue-propriété de son bien, et d’en conserver l’usufruit, afin de s’exonérer de frais de succession sur un montant de patrimoine assez important. D’autres solutions existent encore, mais encore faut-il oser s’y intéresser, y penser, et en parler. Le plus tôt sera le mieux, car les déconvenues sont nombreuses pour les héritiers, entre ventes forcées, faute de fonds suffisants pour s’affranchir des frais de succession, et conflits de famille, tout sauf nécessaires à la suite d’un décès, quant à la gestion de l’indivision. Plus que jamais, il est important que les familles et les héritiers soient informés de leurs droits en matière de succession immobilière. C’est tout l’objectif de ce dossier.
Pour organiser votre succession, il est nécessaire d’étudier dans un premier temps les règles applicables en matière de règlement de succession en l’absence d’anticipation. Ainsi et dans un second temps, nous exposerons les solutions envisageables.
En l’absence de testament ou donation au dernier vivant par le défunt, les héritiers sont déterminés par la loi, il s’agit de la dévolution légale. A l’inverse, on parle de la dévolution testamentaire. Les héritiers légaux sont désignés par le Code civil parmi les membres de la famille du défunt. Il existe deux catégories de succession: les successions réglées en l’absence ou en présence d’un conjoint successible.
En pareil cas, les héritiers successibles sont appelés selon un ordre particulier, défini par le Code civil. Tout d’abord, sont appelés les enfants et leurs des- cendants. A défaut, les père et mère ; les frères et sœurs et leurs descendants. En l’absence de descendants, père, mère, frères, sœurs et neveux ce seront les autres ascendants (tel que les grands-parents…). Enfin, en tout dernier lieu, ce sont les autres collatéraux qui seront nommés héritiers successibles, à savoir les cousins, etc.
Qu’entend-on par conjoint successible ? Il s’agit d’un conjoint survivant non divorcé. Dès lors que le défunt laisse un conjoint pour lui succéder, celui-ci héritera en concours avec les autres membres de la famille. Par conséquent, si le défunt laisse des enfants ou descendants, nés de son union avec son conjoint, ce dernier pourra à son choix opter pour l’usufruit de l’intégralité de la succession ou le quart en pleine propriété de la succession. Cependant, il est à noter, que, en présence d’enfants non-communs au couple, le conjoint devra opter pour le quart en pleine propriété dans la succession. En l’absence de descendant et en cas de survie de l’un ou des parents du défunt, alors chaque parent survivant hérite d’un quart de la succession et le surplus revient au conjoint. Par exemple, dans le cas où le défunt laisse son père et son épouse, son père héritera d’un quart de la succession et son épouse de trois quarts. Dans le cas où le défunt laisse pour lui succéder ses deux parents et son épouse, alors ses parents recevront la moitié de la succession (un quart chacun) et son épouse se verra attribuer la seconde moitié de la succession.
Le droit français entend protéger les héritiers dits réservataires, en leur attribuant une quote-part du patrimoine du défunt. Les héritiers réservataires sont les descendants du défunt ou à défaut le conjoint survivant. Par conséquent, le défunt peut librement disposer de son patrimoine, par le biais d’un testament ou d’une donation par exemple. Toutefois, ces libéralités ne pourront excéder la moitié des biens du défunt, s’il ne laisse à son décès qu’un enfant ; le tiers par enfant, s’il en laisse deux ; le quart par enfant, s’il en laisse trois ou plus. Dans le cas où le défunt ne laisse pour lui succéder qu’un conjoint et aucun descendant, le conjoint dispose d’une réserve égale à la moitié des biens du défunt. Cela signifie que si le défunt a effectué des libéralités (donation, testament, …) pouvant porter atteinte à la réserve héréditaire des héritiers, ceux-ci pourront demander la réduction de la libéralité et elle ne pourra s’exécuter que moyennant une indemnité.
Le statut de conjoint survivant ou de partenaire lié au défunt par un pacte civil de solidarité (PACS) ouvre droit à une exonération totale des droits de succession sur le patrimoine transmis par le défunt. Pour les autres héritiers, il existe ce que l’on appelle les abattements personnels. Ceux-ci s’appliqueront à raison du lien de parenté avec la personne décédée.
Actuellement les abattements applicables sont les suivants : 100 000 € par enfant et par parent ; 159 325 € pour les enfants porteurs d’un handicap physique et/ou mental ; 15 932 € pour les frères et sœurs ; 7 967 € pour les neveux et nièces ; 1 594 € pour un successeur qui ne bénéficie d’aucun autre abattement. Ces abattements concernent tout type de bien (mobilier, immobilier, …) et se rechargent tous les quinze ans. Il est donc possible par exemple d’effectuer une première donation à son fils ou à sa fille d’une somme d’argent de 100000 € en 2023 puis une seconde donation d’un appartement valant également 100 000 € en 2038, pour bénéficier d’un abattement rechargé et de deux donations exonérées de droits de mutation à titre gratuit.
En ce qui concerne le tarif des droits de succession et de donations, il faut distinguer selon le degré de parenté, à savoir : si on se trouve en ligne directe (c’est-à-dire entre ascendants et descendants), entre frères et sœurs ou entre parents au-delà du 4e degré et personnes non parentes.
En ligne directe et après abattements le taux applicable varie entre 5 % et 45 % en fonction de la valeur reçue. Entre frères et sœurs, le taux applicable varie entre 35 % et 45 %. Enfin, au-delà du 4e degré de parenté et pour des personnes non parentes, le taux variera entre 55 % et 60 %.
Il s’agit d’un don de faible importance - un « cadeau » offert pour une occasion - ne nécessitant aucune formalité (autre que celle de donner évidemment) dès lors que sa valeur reste faible. Pour que celui-ci ne soit exempt de taxe, il est impératif que ce don reste modeste vis-à-vis des revenus du donateur, il ne doit pas être disproportionné par rapport à ses revenus.
En parallèle du présent d’usage, il existe le don manuel. Comme pour toute donation, une personne, le donateur, transmet de son vivant, immédiatement et irrévocablement, un bien à une autre personne, le donataire. Ce don est matérialisé par la tradition, qui se traduit par la remise manuelle du bien. Il peut être consenti à toute personne mais seuls certains biens peuvent en faire l’objet. Il ne concernera, sans que cette liste soit exhaustive, ni les immeubles, ni les biens incorporels tels que les brevets ou les fonds de commerces. Contrairement au présent d’usage, le don manuel doit être déclaré et est assujetti aux droits de mutations à titre gratuit.
Une spécificité existe depuis le 22 août 2007, les dons de sommes d’argent sont exonérés de droits dans la limite de 31 865 € s’ils sont consentis par un des parents, grands-parents, arrière-grands-parents, oncles, tantes, grands-oncles ou encore grands-tantes. Cette libéralité doit impérativement être effectuée avant l’âge de 80 ans.
La donation est l’acte élémentaire d’une transmission entre vifs. Protéger, c’est donner. Son but premier étant de mettre à l’abri ses proches du besoin matériel. Parallèlement donner, c’est également se déposséder et s’appauvrir, c’est pourquoi la donation est un acte grave revêtant la forme d’un acte solennel nécessitant l’intervention d’un notaire. Le bien objet de la donation est immédiatement trans- mis du patrimoine du donateur à celui du donataire et ce en principe de manière irrévocable. On parle du principe d’irrévocabilité spéciale des donations, illustré par l’adage : « Donner et retenir ne vaut ». Évidemment des aménagements peuvent être insérés dans l’acte de donation. Immédiatement, on pense à la donation faite avec réserve d’usufruit, où le donateur se réserve l’usufruit du bien et donne uniquement la nue-propriété au donataire. Titulaire de l’usus et du fructus, l’usufruitier pourra occuper le bien ou en percevoir les fruits et revenus, si celui-ci est loué par exemple. Le nu-propriétaire, titulaire de l’abusus, aura quant à lui la faculté de disposer de la chose. C’est ce qu’on appelle le démembrement de propriété. Lors du décès du donateur, l’usufruit disparaîtra avec lui et la totalité des attributs de la propriété seront réunis sur une seule tête, celle du donataire, sans formalité supplémentaire et sans générer une nouvelle fiscalité. Ainsi d’un point de vue fiscal, l’assiette des droits dus sera constituée uniquement de la valeur de la nue-propriété, calculée en fonction de l’âge du donateur, réduisant nettement l’assiette taxable. En conséquence, le bien objet de la donation ne fera pas partie de la succession du donateur.
Étant ici précisé qu’une donation faite aux petits-enfants sera exonérée de droits jusqu’à 31 835 €.
A l’instar de la donation simple, la donation-partage est l’acte par lequel le donateur se dépossède de ses biens en procédant à leur partage entre ses héritiers présomptifs, ici donataires. Il s’agit donc à la fois d’une donation et d’un partage. Ainsi le donateur aura la possibilité de procéder de son vivant à la distribution de ses biens entre ses héritiers. Aujourd’hui la donation-partage ne peut être faite qu’à ses héritiers présomptifs. Ainsi pour connaître ses héritiers présomptifs, il faut se référer aux règles de la dévolution légale — étudiée en première partie. A titre d’exemple, en l’absence de conjoint successible, d’enfants et d’enfants de ces derniers ainsi que des parents, les héritiers présomptifs seront les frères et sœurs. A l’inverse, en cas de présence d’enfants, la donation-partage ne pourra plus profiter aux frères et sœurs puisqu’ils ne sont pas héritiers présomptifs, arrivant que plus bas dans l’ordre de succession. Parmi les atouts de cet acte, on retiendra notamment celui de pouvoir anticiper la répartition de tout ou partie de ses biens entre ses héritiers présomptifs et ainsi limiter les risques de litiges qui pourraient survenir au décès. Sous réserve que l’intégralité des héritiers réservataires aient reçus un lot dans le partage, la partie du patrimoine donnée sera d’ores et déjà répartie entre les héritiers, offrant alors une stabilité du règlement patrimonial anticipé.
L’autre intérêt de procéder à une donation-partage est la cristallisation des valeurs des biens donnés au jour de l’acte. Cela signifie qu’au moment du décès, il n’y aura pas de réévaluation des biens pour le calcul de la réserve et de la quotité disponible. D’autre part, les biens donnés dans la donation-partage ne sont pas rapportables à la succession du donateur. Cela signifie que lors du règlement de la succession, il ne sera pas tenu compte des biens donnés.
Le Code civil le définit comme l’acte par lequel le testateur dispose, pour le temps où il ne sera plus, de tout ou partie de ses biens ou de ses droits et qu’il peut révoquer. La personne peut prendre au sein de son testament des dispositions dites patrimoniales, qui portent donc sur l’organisation de ses biens, et des dispositions dites extra-patrimoniales, qui peuvent concerner par exemple l’organisation de ses obsèques, la reconnaissance d’enfant ou encore d’autres dispositions familiales sans caractère éco- nomique. Il existe plusieurs types de testaments, nous citerons ici les deux plus courants : le testament olographe, rédigé par la main du testateur, signé et daté par lui, et le testament authentique, réalisé devant un notaire et deux témoins ou devant deux notaires, où le testateur dicte ses volontés au(x) notaire(s) qui le signera après lecture.
Au sein du testament, son auteur peut instituer un ou plusieurs légataires, à savoir la ou les personnes qui recevront. Le législateur distingue plusieurs types de legs. Le legs universel est la disposition d’un tes- tament qui donne vocation à recueillir la totalité de la succession. Le legs à titre universel portera lui sur une quote-part des biens composant la succession de l’auteur du testament. Enfin, le legs à titre particulier permet quant à lui de gratifier une personne d’un ou plusieurs biens déterminés ou déterminables. Précision étant ici faite que ces legs ne pourront être faits que sur la quotité disponible. En d’autres termes, ils ne pourront porter que sur la partie du patrimoine qui existera après que les héritiers réser- vataires aient été désintéressés de leurs droits dans la succession. D’autre part, la rédaction d’un tes- tament sera particulièrement recommandée pour des personnes liées uniquement par un PACS. En effet, même si aujourd’hui les partenaires se trouvent totalement exonérés de droits de succession, ils n’ont pas vocation à hériter l’un de l’autre. Cela signifie que lors du décès de l’un d’eux, l’autre ne sera pas automatiquement appelé à participer à la succession comme cela se fait entre personnes mariées. Il est donc nécessaire, afin de protéger son partenaire, de l’instituer comme légataire dans un testament.
Elle est également appelée donation au dernier vivant. Il s’agit d’un acte qui tend à améliorer la protection réciproque de personnes mariées. Elle a pour but d’augmenter la part transmise à son conjoint si celui-ci lui survit.
Dans le cadre du règlement d’une succession, il existe certains contrats d’assurances-vie qui échappent à la fiscalité successorale. En effet, seuls les contrats d’assurances-vie avec primes versées, par l’assuré décédé, après 70 ans sont intégrés à l’actif successoral. Toutefois, il existe un abattement global de 30500 € avant imposition des héritiers dans la succession. Concernant les assurances-vie avec primes versées avant 70 ans, celles-ci n’entrent pas dans l’actif taxable de la succession. Cependant, les bénéficiaires de ces assurances-vie seront imposés à hauteur de 20 % sur les sommes reçues après application d’un abattement de 152 500 € par bénéficiaires, jusqu’à 700 000 € et imposés à 31,25 % au-delà. C’est pourquoi il est intéressant de souscrire à une assurance-vie, afin de diminuer l’assiette taxable des héritiers. Il serait également judicieux de recourir à une assurance-vie, lorsqu’un tiers à la succession est nommé légataire, et par conséquent, soumis à une fiscalité de 60 %. En effet, en le nommant bénéficiaire de l’assurance-vie ce dernier disposerait de liquidités suffisantes pour faire face à l’imposition successorale.
Il est à préciser qu’il existe bien d’autres outils de gestion patrimoniale permettant d’organiser au mieux sa succession, pour lesquels le recours à un professionnel du droit est vivement conseillé.
Source : 25 millions de propriétaires et vous • N°570 février 2023