La rente immobilière, une fiction
25 Millions de propriétaires donne la parole à des responsables politiques ou issus de la société civile. Ce mois-ci, Jean-François Humbert, président du Conseil Supérieur du Notariat, prend la parole. Réagissez et écrivez-nous sur les réseaux sociaux @UNPI_FR @unpinationale #proprios.
Détenir des actifs immobiliers est-il constitutif d’une rente ? Si l’affirmation est indéniablement nationale, la réalité économique doit être infiniment plus mesurée.
Le débat, il est vrai, n’est pas nouveau d’un prétendu enrichissement qui serait lié à des plus-values illégitimes. Mais de nouveaux développements voudraient dorénavant imputer à l’immobilier un détournement injuste de l’épargne, au détriment de secteurs de l’économie plus dynamiques et davantage utiles.
La fiction d’une rente immobilière doit être combattue. Tout d’abord parce que l’accroissement de la valeur des terrains agricoles situés en périphérie urbaine n’est nullement représentative de l’évolution des prix des logements. Mais encore parce que des différences très sensibles existent selon les territoires, et en fonction des périodes étudiées. Les cycles de hausse succèdent à ceux de baisse, ou de stabilité. A l’appui de leurs études, les tenants de la rente choisissent le plus souvent avec soin la période de référence pour étayer leur démonstration. C’est encore oublier que nombreuses sont les villes en déclin économique. Enfin, la certitude de plus-values latentes, ou réalisées, dépend très essentiel- lement des comportements d’entretien des actifs, et non pas de leur seule détention.
Si le capital ne peut être tenu pour générant automatiquement des plus-values, quelle est la rentabilité du placement immobilier ?
Avant impôt, sur longue période, la performance de l’immobilier est proche de celle des actions. Mesurée sur un siècle et demi, la rentabilité annuelle de ces deux placements s’élève aux alentours de 4,5 %. A l’échelle européenne, les taux de rendement se situent à des niveaux comparables en France et chez nos principaux voisins.
Après impôt, en revanche, les comparaisons deviennent défavorables à notre pays. Au cours des 30 dernières années, il est vrai, les prélèvements liés au logement se sont considérablement accrus. Ceux liés à la production de service de logement (taxe foncière, imposition des revenus fonciers, taxe sur les logements vacants, sur les charges...) ont été multipliés par 6. Le capital immobilier est souvent davantage imposé au titre de l’IFI qu’il ne l’était par l’ISF. L’imposition des plus-values a été aggravée.
La fiscalité grève plus lourdement le placement immobilier, et donc sa rentabilité, que le placement en valeurs mobilières.
La part des prélèvements sur le patrimoine immobilier est un indice de mesure objective. Elle représente en France 3,3 % du PIB, ce qui classe la France au second rang des pays de l’OCDE, contre 2,6 % pour les Etats-Unis, 1,8 % pour l’Espagne, ou 0,8 % pour l’Allemagne.
Or pourtant, l’immobilier est un secteur clé, un pilier de notre économie. Production et activités immobilières (location, transaction, prestations de services) représentent 18 % du PIB, ce qui les place devant l’industrie et l’agriculture réunies. Près de 10 % des emplois en dépendent. Un quart du patrimoine national est immobilier, et plus de la moitié de celui des ménages.
Au sein de la zone euro, la France occupe une position médiane pour l’appréciation des patrimoines des ménages, ou de la part consacrée aux actifs immobiliers. Il est donc erroné de supposer que notre pays se détournerait des investissements dans les entreprises, pour privilégier la pierre. Les Allemands investissement moins en actions que les Français.
Détourner les Français de l’investissement immobilier ne conduirait qu’à répondre à de fausses rumeurs. Aucun besoin de notre économie ne milite en ce sens. Au contraire. La demande de construction de logements demeure importante, notamment en zone tendue. L’immobilier constitue un moteur de l’économie et nul détournement à son profit au détriment des entreprises n’est avéré. Aucune étude ne conforte cette allégation d’une prétendue rente immobilière.
Jean-François Humbert
Président du Conseil Supérieur du Notariat