Non à la séquestration du dépôt de garantie

Une proposition de loi visant à “réconcilier les propriétaires et les locataires” est en cours de préparation. Son contenu reste encore incertain, mais elle pourrait contenir quelques mesures très contestables. L’objectif annoncé est de réduire la vacance. Mais le texte pourrait produire des résultats inverses. Explications.  

L’objectif de la proposition de loi qui figure dans son titre “réconcilier les propriétaires et les locataires” ne pourra pas être atteint par quelques mesures ponctuelles. Un réel équlibre de la relation locative supposerait de modifier en profondeur les droits et obligations des parties dans un objectif d’équité et imposerait pour commencer d’aborder une phase approfondie de concertation. Or les trois mesures qui sont envisagées sont très critiquables.

1. Le dépôt de garantie

Pour limiter les contentieux, la première proposition vise à obliger tout locataire à confier son dépôt de garantie à un professionnel de l’immobilier qui consignera ces fonds. À la fin du bail, ce professionnel restituera le dépôt de garantie, sur la base d’un accord entre le propriétaire et le locataire. Le projet de mesure a évolué. Initialement il envisageait la création d’un tiers de confiance agréé, il s’agirait finalement d’un professionnel de l’immobilier choisi par le locataire.

La critique

Cette mesure est éminemment critiquable pour plusieurs raisons. - Elle remet en cause la faculté pour bailleur et locataire de conclure un bail directement, sans intervention d’un professionnel.

  • Elle aura nécessairement un coût qui, pour l’instant, n’est pas chiffré. L’idée de départ était d’en faire un service gratuit mais cette idée n’est pas réaliste. Les bailleurs risquent donc d’être mis à contribution pour un service qu’ils n’ont pas demandé.
  • La consignation ne fait pas disparaître le risque de contentieux. En effet, si le bailleur estime qu’il y a eu des dégradations et que le locataire juge au contraire que les réparations à effectuer incombent au bailleur, le contentieux devra, comme actuellement, être réglé en commission de conciliation ou à défaut, en justice.
  • Rien n’empêchera le locataire de continuer à ne pas payer le dernier mois de loyer pour le compenser avec le dépôt de garantie et être certain de le récupérer sans délai.
  • Ce type de litiges est en réalité limité. On en dénombre environ 7 000 cas, pour 175 000 contentieux selon le ministère de la justice.

2. Le recours au garant

La deuxième proposition consiste à interdire à un bailleur de demander à son locataire de fournir plusieurs garants afin de lutter contre les abus. L’acte de caution est parfois mal rédigé ce qui nuit à sa sécurité juridique et parfois jugé socialement injuste.

La critique

Cette mesure est la moins polémique des trois. S'il est raisonnable pour un bailleur de s’entourer de garantie, il n’est pas opportun de multiplier les garanties qui peuvent apparaître comme constituant un frein excessif à l’accès au logement. Mais c’est souvent la crainte qu’une garantie soit inefficace qui pousse le bailleur à rechercher des garanties complémentaires.
Quoi qu’il en soit, il vaut mieux disposer d'un bon garant solvable que de plusieurs garants à la surface financière incertaine…
Le régime de la caution est un bon mécanisme de réassurance, bien connu et qui doit subsister.

3. La sécurisation du paiement des loyers

La troisième proposition consiste à créer un nouveau type de mandat pour les administrateurs de biens. Ce contrat garantirait au bailleur le paiement du loyer et assurerait également les éventuels frais de dégradation et de procédure. Il s’agit de faciliter la mise en location de logements vacants, que les bailleurs hésiteraient à louer, rebutés par le risque d’impayés. Ce nouveau mandat mettrait en valeur le travail de l'administrateur de biens qui assurerait la sélection du locataire et les moyens pour assurer le recouvrement des loyers. Le bailleur aurait le choix entre :

  • un mandat classique, pour lequel il conserverait le risque de l’impayé (même s’il peut prendre une assurance spécifique),
  • le nouveau mandat garanti, où il serait certain d’être payé quelle que soit l’attitude du locataire. Ici encore, la mesure a évolué, il était prévu au départ une obligation de proposer ce type de mandat.

La critique

  • Rien n’interdit, dans l’état actuel du droit, à un administrateur de biens de mettre au point un contrat par lequel il garantit le paiement du loyer. Il est donc inutile au législateur d'interférer ainsi dans les relations contractuelles qui doivent rester régies par un régime de liberté.
  • Il n’est pas sain pour un secteur de vouloir gagner des parts de marché en contraignant les parties, d’autant que des problèmes existent aussi dans la gestion intermédiée.

Voir aussi sur cette question :

L’analyse du directeur de l'UNPI Pierre Hautus
dans le numéro de février de 25 millions de propriétaires

Non à la séquestration du dépôt de garantie

Le président de l’UNPI, Christophe Demerson a immédiatement réagi aux propositions de Mickaël Nogal par un communiqué de presse du 16 janvier dans lequel il s’insurge contre la mesure de séquestration du dépôt de garantie. Il observe que cette mesure vise à contraindre de facto le propriétaire à faire gérer ses logements par un administrateur de biens. Ils devront souscrire une assurance pour un montant qui est inconnu. L’UNPI juge la mesure inacceptable.