Une clause écrite et renseignée de révision du loyer est depuis longtemps exigée par la jurisprudence, position reprise par le législateur lors de la création du contrat type en 2015, en intégrant ces mentions dans les clauses du contrat :
La jurisprudence antérieure reste donc toujours valable. Pour exemple, la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt de 2009[1] a précisé : « Considérant que la clause pré-imprimée, relative à l’indexation, comporte des rubriques à remplir par les parties concernant l’année de révision, l’indice initial et le nouvel indice, (...) ces rubriques laissées en blanc et l’absence de toute autre indication manuscrite dans cette clause démontre la volonté des parties de ne pas recourir à ce dispositif de révision ».
En l’espèce, la clause n’était pas complétée et le bailleur argumentait que, même non remplie, la clause de révision était applicable car elle n’était pas rayée. Les juges n’ont pas validé cette position.
La date de révision et l’indice de référence sont donc les mentions qui permettent d’attester de la volonté du bailleur de pratiquer la révision du loyer. D’ailleurs le texte de l’article 17-1 le met en avant clairement « Lorsque le contrat prévoit la révision du loyer (...) ». Cela confirme la nécessité d’une manifestation non équivoque de volonté de soumettre le contrat de location à une révision. Il faut donc impérativement compléter la clause de révision lors de la signature du contrat de location.
L'indice de référence des loyers (IRL) sert de base pour réviser les loyers des logements vides ou meublés depuis 2008. Il fixe les plafonds des augmentations annuelles des loyers que peuvent exiger les propriétaires.
En théorie, une variation fixe pourrait s’appliquer mais à la condition qu’elle ne soit pas supérieure à la variation IRL applicable chaque année au contrat de location en raison du caractère d’ordre public de l’article 17-1.
Si on prenait en exemple un bail signé le 01/06/2014 prévoyant une clause de révision avec une variation annuelle fixe de 1%, elle aurait été inapplicable en 2015 (variation IRL du 1er trimestre de +0,15%), 2016 (+ 0,06%), 2017 (+0,51%) et applicable en 2018 (+1,05%) et 2019 (+1,70%). La simplicité que l’on pourrait y trouver perd nettement de son intérêt car le bailleur serait inévitablement perdant.
L’Insee publie la valeur de l'IRL pour chaque trimestre. Attention, s’il s’agit bien de trimestres de référence, ceux-ci ne coïncident pas avec les trimestres civils.
Exemple pour l’année 2018 :
Pour calculer l'augmentation du montant du loyer, le propriétaire doit avoir pris connaissance de 3 éléments :
Depuis maintenant 5 ans avec la réforme ALUR, la révision du loyer n’est plus automatique, le bailleur doit manifester sa volonté par une demande « A défaut de manifester sa volonté d’appliquer la révision du loyer (...) le bailleur est réputé avoir renoncé au bénéfice de cette clause... »[3].
La loi ne fixe aucun cadre formel à cette demande : ni les mentions du courrier, ni les modalités d’envoi, ni le délai d’envoi. La lettre recommandée avec accusé de réception ou la lettre remise en main propre contre récépissé ou émargement sont les deux modes de transmission qui permettent au bailleur d’attester de la réception de la lettre par le locataire.
Doivent figurer a minima dans le courrier : la référence au contrat de location, le rappel du trimestre de référence selon la parution Insee et le calcul du loyer révisé.
S’agissant du délai, un mois avant la date d’échéance de la révision est raisonnable.
Si le locataire ne retire pas le recommandé ou n’applique pas la révision, il faudra lui adresser une mise en demeure avec AR dans un délai de 3 ans, la prescription est ici celle d’une dette de loyer. Souvent le coût du recommandé rebute les propriétaires bailleurs à engager une action, il en va de même de faire appel à un huissier de justice pour une somme qualifiée de « dérisoire ».
Il est important d’établir des justificatifs de la dette locative communiqués au locataire, en cas de procédure ou pour la déduire du dépôt de garantie en fin de location, dans la mesure où elle n’est pas prescrite.
Cet impayé peut-il justifier un congé pour motif légitime et sérieux ? L’appréciation du motif légitime et sérieux relève du pouvoir souverain des juges, il s’agira ici du défaut de paiement. Il sera dans l’intérêt du bailleur d’apporter la preuve de ses multiples tentatives de régler le litige à l’amiable.
Dans ce but, il peut saisir la commission départementale de conciliation des baux d’habitation pour obtenir un avis. Si cet avis n’a pas de force exécutoire, il prouve la bonne foi du bailleur.
Le bailleur dispose d'un délai d'un an, à compter de la date prévue pour la révision, pour en faire la demande au locataire. La révision prendra effet au jour de sa demande, elle n'est pas rétroactive.
Passé le délai d'un an, la révision du loyer pour l'année écoulée n'est plus possible.
Ce délai de prescription a été divisé par cinq par la loi ALUR qui a marqué une volonté très affichée du législateur de stopper des révisions sur des périodes allant jusqu’à 5 ans pratiquées brutalement par certains propriétaires bailleurs et mettant donc le locataire en difficulté pour régler la somme demandée en une seule fois.
Passé un an, les créances qui seraient nées, si la révision de loyer avait été appliquée, sont perdues car prescrites, en est-il de même pour le niveau du loyer ?
Il s’agit de déterminer s’il est possible de tenir compte d’un loyer fictivement révisé (la révision n’ayant pas été pratiquée) pour pratiquer la révision ultérieurement.
L’exemple le plus parlant est celui du bailleur qui, après une longue location sans révision du loyer, veut réévaluer son loyer en prenant pour base de loyer celui qui serait payé par son locataire s’il lui avait appliqué la révision tous les ans.
Les juges de la Cour d’appel de Paris en 1993[4] ont dit « la prescription de 5 ans (en vigueur à cette date) en la matière s’applique aux loyers et non au processus de l’indexation qui est un mode de calcul ». Ils admettaient donc cette reconstruction du loyer en distinguant les arriérés de loyer prescrits, du montant du loyer fixé par la règle de l’indexation.
Un exemple chiffré permet d’illustrer plus clairement le propos.
Loyer 750 € à la signature du bail le 1er juin 2016 avec IRL du 1er trimestre 2016.
Aucune révision n’a été pratiquée, le bailleur souhaite réviser le loyer au 1er novembre 2019.
Depuis 2016, les révisons annuelles auraient conduit à la progression de loyer suivante :
IRL du 1er trimestre | Juin | Juil. | Août | Sept. | Oct. | Nov. | Déc. | Janv. | Fév. | Mars | Avril | Mai | Total |
2017 +0,51% | 3,83 | 3,83 | 3,83 | 3,83 | 3,83 | 3,83 | 3,83 | 3,83 | 3,83 | 3,83 | 3,83 | 3,83 | 45,96 |
2018 +1,05% | 7,92 | 7,92 | 7,92 | 7,92 | 7,92 | 7,92 | 7,92 | 7,92 | 7,92 | 7,92 | 7,92 | 7,92 | 95,04 |
2019 +1,70% | 12,95 | 12,95 | 12,95 | 12,95 | 12,95 | ? |
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| 64,75 |
Il est impossible de demander les arriérés au locataire (45,96 + 94,04 + 64,75) soumis à la prescription annuelle mais est-il possible de reconstituer fictivement le loyer pour fixer le montant du loyer révisé au 1er novembre 2019 ? Autrement dit, est-il possible de pratiquer la révision sur la base d’un montant de loyer à 774,70 € comme si les révisons des années antérieures avaient été faites ?
La loi a été modifiée dans un sens très clair depuis l’arrêt de la Cour d’appel de Paris précité, avec la volonté de responsabiliser le propriétaire bailleur sur ce point. Si on reprend les alinéas de l’article 17-1 reproduits ci-dessus, le législateur exclut toute rétroactivité même sur une période inférieure à un an, exige du bailleur sa manifestation de volonté annuelle de pratiquer la révision, et si on y ajoute la réduction de la prescription à 1 an, cela remet donc en doute le raisonnement de la CA de Paris et semble exclure toute reconstruction du loyer.
Un arrêt de la Cour de cassation de 2016[5] pourrait semer le doute. Si l’arrêt n’est pas fondé sur l’article 17-1, et donc ne se prononce pas sur les conséquences qui découlent de la mention « le bailleur est réputé avoir renoncé au bénéfice de cette clause pour l'année écoulée », les juges retiennent la même solution que la CA de Paris en 1993 « qu’il y avait lieu de calculer l’indexation du loyer telle qu’elle aurait dû intervenir dès l’entrée en vigueur du bail ».
Quelle que soit l’interprétation des tribunaux dans l’avenir, l’exemple ci-dessus est la démonstration qu’il faut pratiquer la révision du loyer annuellement. Selon l’exemple, le bailleur qui n’a pas pratiqué la révision depuis la signature du bail en 2016 a perdu la somme de 205,75 euros.
Cela signifie également que son loyer mensuel n’a subi aucune réévaluation, il pourrait être de manière incontestable de 774,70 euros mensuels, sans se poser la question de sa reconstruction, ce qui a son importance au sein des zones tendues où le loyer n’est pas librement fixé à la relocation sauf exceptions sévères. Par exemple, avec des références de loyers (même type de bien dans le même secteur), le bailleur ne pourrait augmenter son loyer manifestement sous-évalué que de la moitié de la différence, il est donc à craindre qu’il ne puisse se trouver au niveau des loyers de marché.
[1] Cour d’appel de Paris, pôle 4, 3e ch., 2 juillet 2009
[2] Rép. Minis.16 06 2009 JOAN n° 35466
[3] Article 17-1 loi n°89-462 du 6 juillet 1989
[4] Cour d’appel de Paris, 12 mai 1993, n° 92/004418
[5] Cass. civ 3 , n°15-16285, 12 mai 2016
Céline Capayrou
Source : 25 millions de propriétaires • N°novembre 2019
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