Avec la publication en fin d’année 2015 de la loi de finances pour 2016 et de la loi de finances rectificative pour 2015, une série de dispositions fiscales sont modifiées, d’autres sont instaurées. On ne note, toutefois, pas de réforme majeure de la fiscalité cette année, le Conseil constitutionnel ayant censuré la tentative de remettre en chantier le projet de fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu. Commentaire des principales mesures applicables pour les particuliers.
La loi de finances pour 2016 (n° 2015-1785 du 29 décembre 2015) a été publiée au JO du 30 décembre 2015.
Il n’y a rien d’opérationnel sur ce point pour l’instant, on en reste à la phase d’étude.
Le Gouvernement devra en effet présenter au Parlement, « au plus tard le 1er octobre 2016, les modalités de mise en œuvre du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu à compter de 2018, en précisant les types de revenus concernés, le traitement des dépenses fiscales correspondant à l’année d’imposition annulée en cas d’année blanche et le coût de la réforme pour l’État, les tiers payeurs et, le cas échéant, les contribuables...
... et les réformes alternatives au prélèvement à la source permettant de supprimer le décalage d’un an entre la perception des revenus et le paiement de l’impôt correspondant ».
L’obligation de déclaration des revenus en ligne se met progressivement en place, en fonction des revenus : en 2016, elle s’appliquera pour la déclaration des revenus de 2015 aux contribuables dont le revenu fiscal de référence de 2014 est supérieur à 40 000 €, ce seuil diminuant chaque année jusqu’à la généralisation de l’obligation pour tous les contribuables en 2019.
Une amende forfaitaire de 15 € est prévue si le contribuable envoie deux années de suite une déclaration papier dont la case adéquate n’aura pas été cochée.
Cocher cette case dans la déclaration papier attestera en effet que le contribuable n’est pas en mesure de déclarer par voie électronique et dispensera donc de l’obligation.
« La déclaration prévue à l’article 170 et ses annexes sont souscrites par voie électronique par les contribuables dont la résidence principale est équipée d’un accès à internet.
Ceux de ces contribuables qui indiquent à l’administration ne pas être en mesure de souscrire cette déclaration par voie électronique utilisent les autres moyens prévus au premier alinéa du 1 de l’article 173 ».
L’agrément permettant de bénéficier du régime favorable des monuments historiques pourra s’appliquer, à compter du 1er janvier 2016, aux immeubles détenus par des SCI non familiales ou en copropriété et inscrits à l’inventaire supplémentaire (et pas seulement aux mêmes immeubles classés monuments historiques).
Le crédit d’impôt pour la transition énergé- tique (CITE), applicable pour les résidences principales achevées depuis plus de 2 ans, est prorogé jusqu’au 31 décembre 2016. Il concerne les propriétaires occupants et les locataires.
Le CITE avait remplacé en 2015 le crédit d’impôt développement durable (CIDD), avec un taux variant de 15 % à 30 %, et la suppression de l’exigence d’un « bouquet de travaux » (deux catégories de travaux).
En ce qui concerne les dépenses éligibles, on notera notamment l’exclusion des dépenses d’acquisition de chaudières à condensation au profit des chaudières à haute performance énergétique.
Rappelons que les entreprises qui réalisent des travaux d’économie d’énergie pouvant donner lieu au CITE doivent respecter, depuis le 1er janvier 2015, des critères de qualification fixés par décret (i.e. entreprise ou artisan certifié RGE : Reconnu Garant de l’Environnement). La mention RGE est délivrée par Qualibat, Qualifelec et d’autres organismes accrédités par le COFRAC (Comité Français d’Accréditation). Une visite du logement par l’entreprise qui exécute les travaux, préalable à l’établisse- ment du devis, est imposée en plus par la loi de finances pour 2016.
« Lorsque les travaux sont soumis à des critères de qualification, l’application du crédit d’impôt est conditionnée à une visite du logement préalable à l’établissement du devis afférent à ces mêmes travaux, au cours de laquelle l’entreprise qui installe ou pose ces équipements, matériaux ou appareils valide leur adéquation au logement ».
Un arrêté du 30 décembre 2015 (JO du 31) a précisé les caractéristiques des équipements éligibles au CITE.
Le crédit d’impôt éco-prêt à taux zéro est reconduit pour 3 ans, jusqu’au 31 décembre 2018. Il est ouvert aux banques qui distribuent ce prêt sans intérêt aux particuliers (proprié- taires bailleurs ou occupants), sans condition de ressources.
Le montant du prêt varie selon le type de travaux, mais peut aller jusqu’à 30 000 € par logement, remboursable sans intérêt sur une période de 10 ans.
Sont concernés les logements achevés avant le 1er janvier 1990, et utilisés ou destinés à être utilisés en tant que résidence principale. Aux trois types de travaux auparavant éligibles à l’éco-PTZ :
Il s’agit des travaux « permettant d’améliorer la performance énergétique du logement et ayant ouvert droit à une aide accordée par l’Agence nationale de l’habitat au titre de la lutte contre la précarité énergétique ». Pour les ménages ayant bénéficié de cette subvention de l’Anah, l’éco-PTZ permettra de financer le reste à charge.
Un décret n° 2015-1910 du 30 décembre 2015 (JO du 31) a précisé les conditions de l’éco-prêt Habiter Mieux, notamment les travux éligibles, le plafonds de l’aide (20 000 €) liée au FART (fonds d’aide à la rénovation thermique des logements privés).
Rappelons que le FART, géré par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) pour le compte de l’État, vient en aide aux propriétaires occupants, propriétaires bailleurs et syndicats de copropriétaires éligibles aux aides de l’ANAH, et désireux d’engager des travaux de rénovation thermique.
Un autre décret n° 2015-1911 du 30 décembre 2015 (JO du 31) précise les conditions de l’aide de solidarité écologique (ASE) du FART, d’un montant de 1 500 € par logement pour les bailleurs.
On notera aussi la possibilité pour les banques d’inclure dans l’offre globale de financement l’offre de PTZ, sous réserve de communication ultérieure des devis de travaux d’économie d’énergie.
De même que pour le crédit d’impôt pour la transition énergétique, les entreprises qui réalisent des travaux d’économie d’énergie pouvant donner lieu à l’éco-PTZ doivent respecter, depuis le 1er septembre 2014, des critères de qualification fixés par décret (i.e. entreprise ou artisan certifié RGE : Reconnu Garant de l’Environnement).
La mention RGE est délivrée par Qualibat, Qualifelec et d’autres organismes accrédités par le COFRAC (Comité Français d’Accréditation).
Par ailleurs, le délai de réalisation des travaux est porté de 2 à 3 ans(ce qui était déjà le cas pour les syndicats de copropriétaires).
Le cumul de l’éco-PTZ et du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) est possible sous conditions de ressources, dépendant de la situation de famille.
Un arrêté du 30 décembre 2015 (JO du 31) énonce les critères techniques des équipements et matériaux éligibles et comporte en annexe différents formulaires, dont ceux de demande d’éco-PTZ.
Le crédit d’impôt prêt à taux zéro, qui finance l’achat en primo-accession d’un logement à titre de résidence principale, sous conditions de ressources, est ouvert aux banques qui distribuent ce prêt sans intérêt aux particuliers. Il est modifié et reste applicable jusqu’au 31 décembre 2017.
L’extension du PTZ à l’ancien constitue le point fort de la loi de finances pour 2016, en ce qui concerne l’accession à la propriété.
On se souvient que c’est la loi de finances pour 2012 qui avait supprimé la possibilité pour les primo-accédants d’obtenir un prêt à taux zéro destiné à l’acquisition de logements anciens. Les pouvoirs publics se sont vite rendus compte des conséquences de cette mesure pour le secteur de l’immobilier, les primo-accédants ayant déserté le marché immobilier. En 2015, un premier assouplissement avait été prévu : le PTZ pouvait servir à l’achat de logements anciens à réhabiliter dans des certaines communes en milieu rural (connaissant un niveau de vacance défini par décret), sous condition d’effectuer des travaux de rénovation (de 20 à 30 % du coût total de l’opération). Le but de cette mesure était d’éviter la désertification des centres bourgs de ces communes rurales.
La loi de finances pour 2016 va beaucoup plus loin et étend le PTZ, pour l’achat de logements anciens à réhabiliter, à l’ensemble du territoire (et non pas seulement aux logements situés en zone C, comme initialement prévu par le PLF 2016). Les travaux doivent représenter 25 % du coût total de l’opération.
Étendre le PTZ à l’ancien sur tout le territoire est une mesure cohérente, car il est logique de favoriser l’achat dans l’ancien (par définition moins cher que le neuf) pour les primo-accé- dants ; par ailleurs, cela signifiera souvent l’achat d’un bien en centre-ville, beaucoup mieux situé qu’un logement neuf situé en périphérie.
Le PTZ pourra financer jusqu’à 40 % du coût (plafonné) de l’opération, et le montant des ressources des emprunteurs est augmenté. Le montant maximum du PTZ dépend de la zone de situation du bien et du nombre de personnes (jusqu’à 138 000 € en zone A pour 5 occupants).
Enfin, la condition tenant au maintien du logement comme résidence principale pendant toute la durée du prêt est assouplie, la condi- tion ne s’appliquant à l’avenir que pour les six premières années du prêt.
Un décret n° 2015-1813 du 29 décembre 2015 (JO du 30) précise les conditions du PTZ, les plafonds de ressources, les quotités de prêt, la durée...
La loi de finances prévoit une revalorisation forfaitaire de 1 % en 2016 des valeurs locatives foncières pour les impôts locaux.
Ce chiffre est contestable dans la mesure où il est fort vraisemblable que l’inflation n’atteindra pas ce niveau.
Rappelons que pour l’année 2015, la revalo- risation votée par le Parlement de + 0,9 % a été largement supérieure à l’inflation, qui a été quasi nulle.
L’UNPI demande que la hausse des taxes foncières (résultant de la revalorisation forfai- taire des bases par la loi de finances et de l’augmentation des taux par les collectivités territoriales) soit plafonnée au niveau de l’inflation.
La loi de finances rectificative pour 2015 (n° 2015-1786 du 29 décembre 2015) a été publiée au JO du 30 décembre 2015.
Deux arrêts du Conseil d’État de 2013 et 2014 avaient déclaré que cette taxation porte atteinte au principe de libre circulation des capitaux, en ce qu’elle dissuade les non-résidents d’acquérir un immeuble en France. La loi de finances rectificative la supprime. Seule la perception de revenus de source française rend désormais imposables en France les non-résidents.
Ce régime permet de réduire son ISF de 50 % des sommes versées avec un plafond de 45 000 € ou 18 000 € via un fonds.
Le dispositif est recentré sur les entreprises jeunes et innovantes de moins de 7 ans, avec d’autres conditions.
La même réforme est opérée pour la réduction d’impôt sur le revenu de 18 % sous certains plafonds (réduction d’impôt « Madelin ») (art. 24, I et 26 LFR 2015).
On entend par locaux professionnels, les locaux professionnels stricto sensu, mais aussi les locaux commerciaux et industriels. Les résultats de la révision seront pris en compte, pour le calcul de la taxe foncière des propriétés bâties et de la cotisation foncière des entreprises au titre de l’année 2017.
Les dispositifs de correction des conséquences de la réforme (coefficient de neu- tralisation, mécanisme de lissage...) sont modifiés.
Afin de « forcer » l’offre de terrains pour bâtir des immeubles de logements, l’article 82 de la loi de finances pour 2013 (loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012) a prévu, dans certains territoires, une majoration automatique de la valeur locative des terrains non bâtis lorsqu’ils sont constructibles.
La loi de finances rectificative pour 2014 a confirmé ce dispositif, tout en modifiant légèrement le zonage et certains délais pour les communes concernées.
Ainsi, dans certaines zones tendues (identifiées comme celles où la taxe sur les logements vacants et où la surtaxe « Apparu » sur les loyers élevés des micro-logements sont applicables), l’article 1396 II du Code général des impôts, dans sa rédaction de 2015, prévoyait que « la valeur locative cadastrale des terrains constructibles après la déduction mentionnée au I du présent article est majorée de 25 % de son montant et d’une valeur forfaitaire fixée à 5 € par mètre carré pour les impositions dues au titre des années 2015 et 2016, puis à 10 € par mètre carré pour les impositions dues au titre de l’année 2017 et des années suivantes ».
Cette majoration était de droit, sans que les communes concernées puissent s’y opposer : la loi de finances rectificative pour 2012 (loi n° 2012-354 du 14 mars 2012) avait déjà instauré une majoration de plein droit dans les zones tendues, mais laissait toutefois aux communes concernées la possibilité de s’y opposer.
Ailleurs, dans les zones non tendues, une majoration « comprise entre 0 et 3 € par mètre carré » était laissée à la discrétion de la commune. Même si un certain nombre d’exceptions était prévu (dont les terrains appartenant ou donnés à bail à un exploitant agricole), ce dispositif était attentatoire au droit de propriété, et son entrée en application en 2015 a provoqué la colère des contribuables confrontés à des hausses phénoménales de leur taxe foncière. Le journal « Le Parisien », dans son édition du 16 octobre 2015, relevait ainsi le cas du propriétaire d’un terrain dont la taxe foncière est passée en 2015 de 451 € à 71 051 €, soit une hausse de 15 754 %... l’impôt devant encore augmenter en 2017, la surtaxe passant alors de 5 à 10 € par mètre carré ! Le gag étant que la taxe concernait dans ce cas un terrain situé en zone industrielle ne pouvant accueillir d’immeubles de logements, alors que la majoration a justement été inventée pour construire des logements...
La loi de finances pour 2016 réforme donc à nouveau cette taxe pour en atténuer les effets les plus dévastateurs.
Les correctifs sont les suivants :
Les collectivités territoriales retrouvent donc une certaine maîtrise de ce dossier.
Mais eu égard à la complexité de ce nouveau dispositif (et à son iniquité), on regrettera que le législateur ne l’ait pas purement et simplement supprimé.
La redevance pour création de bureaux, locaux commerciaux et de stockage en Île-de-France est réformée.
Parallèlement, pour compenser les pertes de recettes dans cette région résultant de la réforme, une taxe additionnelle aux droits d’enregistrement et à la taxe de publicité foncière au taux de 0,60 % est créée pour les mutations à titre onéreux de ces biens en Île de France, autres que celles de terrains à bâtir et d’immeubles neufs.