​Bail commercial : les apports de la loi Pinel en matière de charges et travaux

Pinel - UNPISous réserve de modification législative, réglementaire ou jurisprudentielle. 


Le législateur impose d’établir un état prévisionnel et récapitulatif des travaux avant la conclusion du bail, ainsi que la liste et la répartition précise des charges dans le contrat. La liste des charges et travaux qui ne peuvent plus être imputés aux locataires est désormais réglementée.

Jusqu’à présent la question des charges dans le bail commercial n’était réglée que par la loi des parties, c’est-à-dire le contrat lui-même.

La question des travaux était réglée par le droit commun et les articles 1719, 1720 et 1754 du Code Civil, et une large place était faite à la liberté contractuelle, même si ces dernières années la jurisprudence de la Cour de Cassation s’est montrée de plus en plus protectrice des intérêts des preneurs.

La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 et son décret d’application n°2014-1317 du 3 novembre 2014 ont apporté de sérieuses limitations au principe de la liberté contractuelle dans ce domaine, en imposant de nouvelles règles et en encadrant beaucoup plus strictement la liberté contractuelle (I).

Les textes applicables

La loi du 18 juin 2014, dite Loi PINEL, a introduit dans le code de commerce l’article L 145-40-2 ainsi rédigé :

« Tout contrat de location comporte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l'indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire. Cet inventaire donne lieu à un état récapitulatif annuel adressé par le bailleur au locataire dans un délai fixé par voie réglementaire. En cours de bail, le bailleur informe le locataire des charges, impôts, taxes et redevances nouveaux.

Lors de la conclusion du contrat de location, puis tous les trois ans, le bailleur communique à chaque locataire :

1° Un état prévisionnel des travaux qu'il envisage de réaliser dans les trois années suivantes, assorti d'un budget prévisionnel ;

2° Un état récapitulatif des travaux qu'il a réalisés dans les trois années précédentes, précisant leur coût.

Dans un ensemble immobilier comportant plusieurs locataires, le contrat de location précise la répartition des charges ou du coût des travaux entre les différents locataires occupant cet ensemble. Cette répartition est fonction de la surface exploitée. Le montant des impôts, taxes et redevances pouvant être imputés au locataire correspond strictement au local occupé par chaque locataire et à la quote-part des parties communes nécessaires à l'exploitation de la chose louée. En cours de bail, le bailleur est tenu d'informer les locataires de tout élément susceptible de modifier la répartition des charges entre locataires.

Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. Il précise les charges, les impôts, taxes et redevances qui, en raison de leur nature, ne peuvent être imputés au locataire et les modalités d'information des preneurs.»

 

Le décret du 3 novembre 2014 a introduit dans le code de commerce les articles R 145-35 à R 145-37. L’article R 145-35, pris pour l’application de l’article  L 145-40-2 stipule  :

«Ne peuvent être imputés au locataire :

1° Les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux ;

2° Les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations mentionnées à l'alinéa précédent ;

3° Les impôts, notamment la contribution économique territoriale, taxes et redevances dont le redevable légal est le bailleur ou le propriétaire du local ou de l'immeuble ; toutefois, peuvent être imputés au locataire la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière ainsi que les impôts, taxes et redevances liés à l'usage du local ou de l'immeuble ou à un service dont le locataire bénéficie directement ou indirectement ;

4° Les honoraires du bailleur liés à la gestion des loyers du local ou de l'immeuble faisant l'objet du bail ;

5° Dans un ensemble immobilier, les charges, impôts, taxes, redevances et le coût des travaux relatifs à des locaux vacants ou imputables à d'autres locataires.

La répartition entre les locataires des charges, des impôts, taxes et redevances et du coût des travaux relatifs à l'ensemble immobilier peut être conventionnellement pondérée. Ces pondérations sont portées à la connaissance des locataires.

Ne sont pas comprises dans les dépenses mentionnées aux 1° et 2° celles se rapportant à des travaux d'embellissement dont le montant excède le coût du remplacement à l’identique»

 

Ces dispositions sont applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 5 novembre 2014, date de la publication du décret précité.

L’obligation de définir les travaux, impôts et charges ainsi que leur répartition lors de la conclusion du bail et en cours de bail.

Lors de la conclusion du bail

L’article L 145-40-2 1° du code de commerce impose aux parties de prévoir dès avant la conclusion du bail un état et un budget prévisionnels des travaux envisagés par le bailleur pour les trois premières années de la location. Un état récapitulatif des travaux réalisés au cours des trois années précédentes, précisant le coût de ces travaux doit également être communiqué (cf. L 145-40-2 2°).

En pratique il conviendra donc d’annexer ces états au bail, au titre du devoir d’information du bailleur, désormais légalement encadré.

Dans un immeuble en copropriété on pourra joindre à cette annexe la copie des procès-verbaux d’assemblée générale lorsque ceux-ci prévoient pour les 3 années à venir des travaux importants, de manière à fournir au preneur une information exhaustive et éviter ainsi des contentieux ultérieurs.

En ce qui concerne les charges, la loi impose désormais de faire figurer dans le contrat de bail un «inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances, liés au bail» comportant l’indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire. Cet inventaire étant limitatif, il conviendra donc de prendre un soin particulier à son élaboration afin de ne rien omettre.

Cette double obligation s’applique à tous les locaux. Pour les locaux qui dépendent d’un ensemble immobilier comportant plusieurs locataires, il conviendra en outre de prévoir la répartition des charges et du coût des travaux entre les différents locataires occupant cet ensemble immobilier en fonction de «la surface exploitée», ce qui risque de donner lieu à des difficultés d’interprétation. On peut cependant légitimement penser que le législateur a voulu viser la surface louée.

 

Le texte précise en outre que le montant des impôts, taxes, redevances pouvant être imputés au locataire doit strictement correspondre au local qu’il occupe et à la quote part des parties communes nécessaires à son exploitation ; ce qui risque également de générer des contentieux sur la nature des parties communes nécessaires à l’exploitation. Dans le même esprit, la loi prévoit que désormais le locataire ne peut plus se voir imputer des charges, impositions et travaux relatifs à des locaux vacants, ou imputables à d’autres locataires. L’article R 145-35 prévoit enfin que la répartition entre locataires des charges, impôts taxes et redevances, ainsi que du coût des travaux relatifs à l’ensemble immobilier peut être conventionnellement pondérée, sous réserve bien évidemment de porter ces pondérations à la connaissance des locataires.

Une obligation d’information accrue pèse donc sur le bailleur dès la conclusion du bail.

 

En cours de bail

Le bailleur devra fournir tous les trois ans un nouvel état prévisionnel et un nouvel état récapitulatif des travaux effectués au cours des 3 années passées, ainsi que les documents justifiant du montant de ces travaux au locataire qui en fait la demande.

L’article L 145-37 du code de commerce introduit par le décret du 3 novembre 2014 précise que ces informations doivent être communiquées au locataire «dans le délai de deux mois à compter de chaque échéance triennale.» Il devra également informer le locataire de tout élément susceptible de modifier la répartition des charges entre les locataires.

L’obligation de régularisation annuelle des charges est désormais légalisée : l’article R 145-36 du code de commerce introduit par le décret n°2014-1317  du 3 novembre 2014 règlemente désormais strictement l’obligation de régularisation des charges, qui n’était jusqu’à présent encadrée que la jurisprudence.

Désormais, en vertu de l’article R 145-36 la régularisation des charges doit intervenir au plus tard le 30 septembre de chaque année pour les locaux individuels et pour les locaux dépendant d’un immeuble soumis au statut de la copropriété dans les trois mois de la réception par le bailleur du décompte des charges établi par le syndic après approbation annuelle des comptes. Le texte n’impose pas de joindre à cette reddition les pièces justificatives, qui devront cependant être mises à disposition du locataire à chaque fois qu’il en fait la demande.

La limitation  règlementaire des dépenses imputables au preneur

Alors que jusqu’à présent, la liberté contractuelle prévalait sur ce point, qu’il s’agisse des charges et travaux, sous réserve de stipulations claires du contrat de bail, certaines imputations sont désormais rigoureusement interdites. Cependant, contrairement aux baux d’habitation, pour lesquels il existe une liste détaillée des charges récupérables, à l’inverse pour les baux commerciaux, le législateur a prévu la nature des charges et taxes qu’il est interdit de récupérer sur le locataire. La loi n° 2014-626  du 18 juin 2014 met donc fin à la pratique des baux dits  «nets de charges».

Il est donc désormais interdit d’imputer au preneur :

-    les dépenses de grosses réparations mentionnées à l’article 606 du Code Civil (celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières, des digues et des murs de soutènement et de clôture en entier) ;

-    les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la règlementation le bien loué ou l’immeuble, dès lors qu’ils relèvent des grosses réparations sus visées ;

-    les contributions fiscales dont le redevable légal est le bailleur ou le propriétaire : cependant, le texte prévoit que peuvent être imputés au locataire la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière, ainsi que les impôts, taxes et redevances liés à l’usage du local ou de l’immeuble ou à un service dont le locataire bénéficie directement ou indirectement  : il sera donc toujours possible de répercuter sur le locataire la taxe d’enlèvement des ordures ménagères et non ménagères, les taxes de balayage, de déversement à l’égout, les taxes sur les bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage, les surfaces de stationnement là où elles existent, les taxes d’assainissement, de voirie etc…. ;

-    les honoraires du bailleur liés à la gestion des loyers du local ou de l’immeuble faisant l’objet du bail : il faut probablement entendre par là les honoraires de gestion facturés par le mandataire du bailleur. Toutefois, le texte vise «la gestion des loyers» , ce qui semble renvoyer à la plus stricte expression de la gestion locative. On peut donc penser que les honoraires d’un mandataire pour la gestion d’un sinistre ou de travaux pourraient être répercutés au preneur, sous réserve qu’il puisse en être précisément justifié et que le mandat de gestion locative confié par le propriétaire individualise précisément les divers types d’honoraires versés audit mandataire ;

-    les travaux d’embellissement dont le montant excède le coût de remplacement à l’identique, alors même qu’ils relèveraient des grosses réparations de l’article 606 du Code Civil. : cette notion d’embellissement dont le caractère subjectif n’échappera à personne, qu’il s’agisse d’une notion purement esthétique ou de confort, risque d’être source de difficulté d’interprétation.

Ainsi, la loi du 18 juin 2014 restreint sérieusement la liberté contractuelle qui prévalait jusqu’alors, bien qu’elle ait été encadrée par la jurisprudence.

 

Ce qu’il faut retenir

Les baux nets de charges appartiennent désormais au passé et il ne sera plus possible de transférer sur le locataire l’intégralité des charges et travaux relatifs au lot loué, mais l’encadrement législatif et règlementaire peut aussi limiter les incertitudes en cas de contentieux.
Cependant, des aménagements conventionnels, dans le respect des dispositions légales précitées demeurent toujours possibles, et il conviendra d’apporter un soin particulier à la rédaction de ces clauses relatives aux charges récupérables, à leur répartition ainsi qu’aux travaux, sans oublier que le devoir d’information du bailleur, désormais légalement encadré, s’applique non seulement lors de la conclusion du bail mais également pendant toute la durée de celui-ci, à chaque échéance triennale.

 

Me Stéphanie Macé avocat, consultant UNPI 31-09

Source : 25 millions de propriétaires • N°février 2018


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