Rénovation énergétique : quand l’Union Européenne s’en mêle

LEGISLATION – L’acronyme EPBD ne vous dit peut-être rien et c’est normal. EPBD, European performance of buildings directive ou directive sur la performance énergétique des bâtiments en français, est une directive datant de 2002 qui a été modifiée au fil des ans et couvre de nombreux aspects à la création de bâtiments moins énergivores. Sa dernière modification est en cours de préparation. Le Parlement Européen a adopté sa position sur le sujet au mois de mars.  

Qu’est-ce que l’EPBD ? 

En vigueur depuis le 4 janvier 2006 et traduite dans le droit national par les Etats membres de l’Union Européenne, l’EPBD tend initialement à répondre aux engagements de l’Union Européenne dans le cadre du protocole de Kyoto (accord international visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre). Cette directive a été révisée en 2010 et 2018. Une refonte complète a été de nouveau proposée par la Commission européenne en décembre 2021 dans le cadre du cycle de politiques européennes pour le climat « Fit for 55 ». Ce cycle englobe douze propositions législatives, divisées en deux lots, pour accélérer la lutte contre le changement climatique, atteindre la neutralité climatique en 2050 et tenir l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55% en 2030, par rapport à 1990.  

L’EPBD fait partie du deuxième lot et est initialement passée quelque peu sous le radar. En effet, les parlementaires se sont davantage focalisés sur le premier lot de directives et régulations, qui se concentrait sur la question énergétique.  

Le Conseil, qui représente les Etats membres, a adopté sa position sur le texte à la mi-octobre Octobre. Le Parlement a adopté le texte le mois dernier à 343 voix contre 216, pour 78 abstentions. Le texte final est attendu pour la fin de l’année, mais qu’en est-il de l’EPBD pour le moment ? 

Quelles sont les principales mesures de l’EPBD ? 

L’objectif de l’EPBD est de parvenir à un parc immobilier à zéro émission d’ici 2050. En ce sens, le texte adopté par le Parlement renforce l’ambition de la Commission et prévoit des mesures applicables sur le parc immobilier neuf et sur le parc immobilier ancien mais également des mesures communes qui, si elles devaient être adoptées en l’état, auraient un impact considérable sur le secteur immobilier :  

  • En effet, le Parlement suit la proposition de la Commission qui prévoit que, dès 2025, le certificat de performance énergétique – qui correspond à notre DPE actuel – sera redéfini. Ainsi, la classe G représentera 15% du parc le moins performant et la classe A seulement les bâtiments à zéro émission. Le reste du parc sera réparti en tranches uniformes entre les autres lettres. Le Parlement et le Conseil demandent cependant une dérogation de quelques années pour les pays qui ont changé leur système récemment.  
  • A partir de 2028, tous les bâtiments neufs devront être à émission nulle. Le résidu d’énergie nécessaire devra être produit sur place, en énergie renouvelable, ou par des réseaux de chaleur, ou dans certains cas, de l’énergie renouvelable provenant du réseau. Ils devront être équipés de technologies solaires, si cela est possible d’un point de vue technique et économique, tandis que les bâtiments résidentiels faisant l’objet d’une rénovation importante ont jusqu’à 2032 pour atteindre cet objectif.  
  • Dès 2030, tous les logements anciens devront atteindre la classe E sur l’échelle de la performance énergétique. Pour les bâtiments non résidentiels, l’objectif est fixé à 2027. 
  • En 2033, tous les logements anciens devront atteindre la classe D. Pour les bâtiments non résidentiels, l’objectif est fixé à 2030. La proposition initiale de la Commission prévoyait d’atteindre la lettre E en 2033. 
  • A partir de 2035, les systèmes de chauffage à combustibles fossiles seront interdits.   

Si les dispositions adoptées par le Parlement européen étaient définitivement mises en œuvre telles que proposées, elles pourraient signifier à terme l’interdiction de la location mais aussi des obligations de rénovation pour tous les autres biens – les mesures seront décidées par les Etats membres. Cela pourrait augmenter le nombre de logements visés par les éventuelles interdictions. En effet, les passoires thermiques représentent 16,7% des résidences principales françaises au 1er janvier 2022

Ces mesures imposeraient donc des travaux de rénovation thermique sur 40 millions de bâtiments, soit 40 à 50% du parc immobilier en Europe.  

NB : La Commission a donné la priorité à l’élimination progressive des systèmes de chauffage fonctionnant aux combustibles fossiles dans les nouveaux bâtiments et a proposé qu’aucune aide financière publique ne soit accordée à l’installation de chaudières à combustibles fossiles d’ici 2027. Compte tenu de la diversité des niveaux de dépendance à l’égard des chaudières à gaz dans les États membres de l’UE, la proposition ne prévoit pas d’interdiction à l’échelle européenne, mais fournit la base juridique permettant aux États membres d’interdire l’utilisation de combustibles fossiles dans les bâtiments. 

En quoi ces nouvelles mesures posent problème ? 

Si l’objectif d’une telle directive est louable, de nombreux problèmes émergent : 

  • Financiers : les fonds européens disponibles sont loin d’être à la hauteur du défi. Selon la Commission Européenne, 150 milliards d’euros1 sont disponibles sur le budget de l’Union Européenne pour soutenir les rénovations jusqu’en 20302 alors que le coût est de 275 milliards d’euros chaque année pour atteindre les objectifs de rénovation. 
  • Efficacité : Nous disposons de très peu de données fiables sur le parc européen. Il est donc impossible de connaître réellement l’impact. 
  • Techniques : Les diagnostics de performance énergétiques réalisés aujourd’hui seront donc basés sur une méthode de calcul qui sera modifiée puisque l’échelle européenne est plus stricte que celle employée actuellement en France. Cela crée une incertitude juridique puisqu’il est impossible de savoir comment un bâtiment sera classé après 2025. 
  • Économiques : le secteur de la construction fait face à une pénurie de main d’œuvre partout en France. Vous en faites déjà les frais avec les rénovations liées à la loi Climat et Résilience. Il n’y a aucune garantie qu’il puisse faire face à l’ampleur de la tâche dans un délai aussi court. Couplé à la pénurie de matériaux et à l’augmentation de leur coût, le coût des travaux va drastiquement augmenter.  

Il va donc sans dire que le pire reste peut-être à venir pour vous. Si le gouvernement français pousse pour plus de sévérité, au sein de l’Union Nationale des Propriétaires Immobiliers (UNPI), nous sommes en faveur de mesures réalisables et pragmatiques.  

Les trilogues à venir seront essentiels pour l’avenir de cette modification. L’orientation générale retenue par les représentants des exécutifs des Etats membres prévoit la suppression de l’obligation d’éradication des passoires thermiques proposé par la Commission en 2033 au profit d'une obligation de consommation moyenne d’énergie primaire du parc résidentiel des Etats membres au moins équivalente au niveau de performance énergétique D en 2033. À partir de 2040, un standard supérieur sera défini par les Etats membres en cohérence avec leur trajectoire progressive permettant d’atteindre un parc immobilier « zéro émission ». Par ailleurs, la bonne nouvelle nous vient des pays voisins comme l’Allemagne et l’Italie qui, au départ plutôt favorables à ces nouvelles mesures, adoptent une position beaucoup plus critique. Le ministre de la justice allemand, Marco Buschmann, a même déclaré que ces mesures étaient anticonstitutionnelles et contraires au droit de propriété.  

Avec l’UIPI, nous ne manquerons pas de continuer de défendre vos droits jusqu’au plus haut niveau européen. 

Par Juliette MARTIN

Source : 25 millions de propriétaires et vous • N°572 mars 2023

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