Comment concilier bail d’habitation et animaux de compagnie ?

animaux locataire - unpi

Sous réserve de modification législative, réglementaire ou jurisprudentielle.


Nombreux sont nos adhérents propriétaires bailleurs à s’interroger sur la problématique des animaux de compagnie dont leurs locataires (présents et futurs) peuvent s’entourer. Peuvent-ils les interdire dès la signature du bail ? Que faire lorsqu’ils découvrent leur présence en cours de bail ? Quelles sont les limites à la détention d’animaux de compagnie et qu’en est-il des « N.A.C », acronyme de « Nouveaux Animaux de Compagnie » ? Quels sont les recours possibles en cas de nuisances ou de plaintes du voisinage ?

La détention d’animaux à la lumière du contrat de bail d’habitation

Tout propriétaire bailleur serait légitimement tenté de se prémunir contre la présence d’animaux de compagnie dans le logement qu’il va louer, par une clause d’interdiction.

Bien mal lui en prendrait. En effet, bien que la clause interdisant la détention par le locataire d’un animal de compagnie ne figure pas à l’article 4 de la loi du 6 juillet 1989 contenant la liste des clauses réputées non écrites (et par conséquent ne produisant aucun effet), il faut se reporter à l’article 10 de la loi n° 70-598 du 9 juillet 1970 modifiant et complétant la loi du 1er septembre 1948, article toujours en vigueur.

En effet, cet article, modifié par la loi n°2012-387 du 22 mars 2012, dispose que « sauf dans les contrats de location saisonnière de meublés de tourisme, est réputée non écrite, toute stipulation tendant à interdire la détention d’un animal dans un local d’habitation dans la mesure où elle concerne un animal familier. Cette détention est toutefois subordonnée au fait que ledit animal ne cause aucun dégât à l’immeuble ni aucun trouble de jouissance aux occupants de celui-ci. Est licite, la stipulation tendant à interdire la détention d’un chien appartenant à la première catégorie mentionnée à l’article L211-12 du code rural et de la pêche maritime».

La première catégorie mentionnée par cet article concerne les chiens d’attaque.

Il est donc possible de prévoir une clause d’interdiction de détention d’un chien d’attaque. Cela est même vivement conseillé.

Qu’entend-on par animal familier ?

Mais à l’exception de cette catégorie spécifique de chiens, la question se pose de savoir ce que l’on entend par « animal familier ». En effet, traditionnellement, les animaux dits « familiers » s’entendaient des chiens, chats, poissons rouges, oiseaux… Mais désormais, sont apparus les « nouveaux animaux de compagnie », catégorie pouvant regrouper lapins nains, serpents, rats, araignées et autres insectes ou reptiles exotiques.

Peut-on les assimiler aux « animaux familiers » visés par l’article 10 ?

La question est délicate dès lors que la jurisprudence contient encore peu d’illustrations.

Citons tout de même un arrêt de la Cour d’Appel de LYON du 03 avril 2018 (n°16-03410), concernant une clause figurant aux conditions générales du bail d’habitation signé et paraphé par les locataires, ladite clause stipulant : « la détention d'animaux familiers est subordonnée au fait que ceux-ci ne causent aucun dégât à l'immeuble ni aucun trouble de jouissance aux occupants de celui-ci. Si le locataire peut détenir des animaux familiers dans le local loué, la détention d'animaux non familiers tels que les chiens d'attaque, est en revanche strictement interdite sous peine de résiliation du bail ».

Le propriétaire bailleur ayant découvert que ses locataires détenaient quatre serpents, sans avoir obtenu son autorisation, a engagé une procédure de résiliation du bail pour motif sérieux et légitime, à savoir la violation des dispositions du bail.

La Cour a validé la résiliation du bail, considérant que la clause prohibait la détention sans autorisation du bailleur, non seulement des chiens d'attaque mais aussi de tous animaux non familiers, les chiens d'attaque n'étant qu'une illustration de la notion d'animaux familiers et que, toujours selon la Cour, les serpents ne peuvent être considérés comme des animaux familiers au sens des dispositions précitées. Il n'est pas contesté que les appelants n'ont ni sollicité ni obtenu d'autorisation de leur bailleur pour cette détention.

Peut-on encadrer la présence d’animal dans le logement ?

Le bailleur ne peut pas interdire la détention d’animaux familiers. Mais peut-il prévoir une clause encadrant les conditions de la présence d’un animal dans le logement ?

La Cour d’Appel de PARIS s’est prononcée le 26 octobre 2017 (n°15/017695) sur une clause rédigée ainsi : « ANIMAUX : les chiens de petite taille et les chats sont tolérés, étant entendu que toutes dégradations causées par eux seront à la charge de leur propriétaire. Il est interdit de laisser un animal seul enfermé dans un appartement. Pensez à la grave responsabilité que vous encourez du fait des animaux sous votre garde en cas d’accident ou de dégradation. »

Le locataire soutenait que la clause interdisant de laisser un animal seul dans l’appartement revenait à interdire la détention d’un animal domestique (notamment lorsque le locataire travaille dans la journée),  et était donc abusive.

Dans cette espèce, le locataire, « découvrant » la clause, avait informé le bailleur qu’il se rétractait de la signature du bail, et demandait la restitution des sommes déjà versées, quittant purement et simplement  les lieux.

La Cour, après avoir affirmé que la clause litigieuse n’était pas assimilable à une clause interdisant la présence d’animaux, a considéré qu’elle pouvait être réputée non écrite comme étant abusive.

Si la clause se trouve privée d’effet, pour autant, la Cour a estimé que  cela n’autorisait pas le locataire à mettre fin immédiatement au bail sans respecter un préavis. Les demandes financières du locataire étaient par conséquent rejetées.

La liberté du locataire et ses limites 

L’article 10 de la loi du 9 juillet 1970 rappelle que la détention d’animaux familiers est subordonnée au fait que ledit animal ne cause aucun dégât à l’immeuble ni aucun trouble de jouissance aux occupants de celui-ci.

Autrement dit, le droit de vivre en compagnie d’un animal domestique n’autorise pas tout.

En vertu de l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est obligé :

b) d’user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location,

c) de répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive.

Par conséquent, c’est sur le fondement du défaut de jouissance paisible que le bailleur pourra agir en cas de nuisances avérées dues à l’animal de son locataire.

A cet égard, rappelons que l’article 6-1 de la loi du 6 juillet 1989 dispose que : « Après mise en demeure dûment motivée, les propriétaires des locaux à usage d’habitation doivent, sauf motif légitime, utiliser les droits dont ils disposent en propre afin de faire cesser les troubles de voisinage causés à des tiers par les personnes qui occupent ces locaux. »

 

Autrement dit, le bailleur engage sa responsabilité s’il ne fait rien alors qu’il a connaissance, par les plaintes du voisinage ou des autres occupants de l’immeuble, des méfaits commis par le ou les animaux de son locataire, et pourrait se voir condamner à régler des dommages et intérêts aux autres occupants de l’immeuble, sur le fondement du trouble de jouissance.

La Cour d’Appel de VERSAILLES, par un arrêt du 14 mars 2017 (n°15/08614) a ainsi condamné un bailleur à réparer le préjudice de jouissance subi par les locataires voisins, pour s’être contenté d’adresser une lettre recommandée au locataire auteur du trouble, sans agir en résiliation du bail, alors que le bailleur avait connaissance, par un rapport des services de l’hygiène, de la présence de nombreux animaux dans le logement.

Ainsi, l’action à engager consiste à saisir le Tribunal d’instance du lieu de situation de l’immeuble, à l’effet de solliciter la résiliation judiciaire du bail pour non-respect de l’obligation de jouissance paisible, ce qui constitue un motif grave et légitime.

Préalablement à la saisine du Tribunal, le bailleur devra veiller à se constituer des preuves, notamment par les plaintes écrites des voisins ou occupants de l’immeuble, et enverra au locataire détenteur de l’animal, une lettre recommandée suffisamment motivée valant mise en demeure de cesser le trouble.

Animaux et règlement de copropriété

Le locataire est certes un tiers par rapport au règlement de copropriété, mais pour autant, il ne peut ignorer les règles de la vie en copropriété, d’autant qu’outre la jouissance des parties privatives de son lot, il a également la jouissance des parties communes dont une quote-part est affectée à son lot, et doit, à ce titre, respecter le règlement de copropriété s’agissant de l’usage des parties communes, et de ses éventuelles restrictions.

Un règlement de copropriété peut-il interdire ou limiter la détention d’animaux familiers ?

La réponse est négative. En effet, une clause d’interdiction de détention d’un animal familier par un locataire serait illicite car contraire à l’ordre public, en application de l’article 10 précité.

Comme pour le contrat de bail, le règlement de copropriété peut cependant préciser que la détention d’un animal de compagnie reste subordonnée au fait que ledit animal ne cause aucun dégât à l’immeuble ni aucun trouble de jouissance aux occupants de celui-ci.

La notion d’usage paisible des lieux s’applique donc aussi bien aux parties communes qu’aux parties privatives.

Il a ainsi été jugé que viole son obligation d’user paisiblement des lieux loués et de suivre la destination prévue par le bail, le locataire qui exerce une activité d’élevage de chiens et qui, de surcroît, envahissent les parties communes de l’immeuble. (CA RIOM 20/02/2012).

Ce qu’il faut retenir

A la signature du bail, le bailleur ne peut pas interdire au locataire la détention d’animaux familiers. Il peut simplement rappeler, par une clause de « mise en garde » que cette détention est subordonnée au fait que ledit animal ne cause aucun dégât à l’immeuble ni aucun trouble de jouissance aux occupants de celui-ci.

En cours de bail, si le bailleur découvre que le locataire a des animaux familiers, il ne peut rien faire, sauf s’il s’agit de chiens d’attaque ou d’animaux dits « non familiers », avec cependant cette réserve que concernant les « Nouveaux Animaux de Compagnie », sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux, dès lors qu’ils ne causent aucun trouble particulier, il n’est pas certain que le bailleur obtienne la résiliation du bail.

Quel que soit l’animal familier, dès lors que celui-ci cause un trouble de voisinage (déjections, aboiements, odeurs etc…) et porte atteinte à la jouissance paisible des autres occupants, y compris dans les parties communes de l’immeuble, le bailleur doit impérativement agir jusqu’à solliciter la résiliation judiciaire du bail, sous peine d’engager sa responsabilité vis-à-vis des autres occupants de l’immeuble pouvant conduire au paiement de dommages-intérêts.

 

Me Frédérique Polle, avocat au barreau d’Agen


Source : 25 millions de propriétaires • N°octobre 2018

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